La place des hommes dans les combats féministes actuels reste très discutée : faut-il agir en mixité, non-mixité ? Au nom de quoi inclure les hommes trans et pas les hommes gays dans les cercles de lutte ou de débat ? On en parle avec les militantes Myriam Bahaffou et Daisy Letourneur et avec le chercheur Alban Jacquemart.
Y a‑t-il toujours eu des hommes dans les combats féministes ?

ALBAN JACQUEMART
Quand le mouvement féministe s’organise et se stabilise à la fin du xixe siècle, il est d’abord porté par un homme, Léon Richer, et s’inscrit dans l’idée d’un combat mixte. Mais dès le début du xxe siècle, on voit  arriver  tout  un  mouvement  issu  de  la « phi­lan­thro­pie féminine », parfois catho­lique, plus souvent pro­tes­tante ou juive. Ces asso­cia­tions qui ont rallié le féminisme étaient plutôt réfor­ma­trices et exclu­si­ve­ment féminines.

Donc, his­to­ri­que­ment, c’est d’abord la frange modérée qui impose la non-mixité dans le mouvement féministe. Peut-être pour cette raison, cette pratique est alors rela­ti­ve­ment acceptée, peu critiquée, notamment par les militants des cercles poli­tiques proches des fémi­nistes, c’est-à-dire les cercles répu­bli­cains. Plus tard, dans les années 1970, le mouvement féministe se situe plutôt à l’extrême gauche, porté par des mili­tantes qui ont dans un premier temps milité dans des partis poli­tiques ou des groupes poli­tiques mixtes. Et ce sont ces camarades gau­chistes qui vont contester la non-mixité et l’exclusion des hommes sous prétexte que cela divi­se­rait la lutte des classes, ou spé­ci­fie­rait la cause féministe, et par consé­quent la desser-virait. Cette non-mixité n’était cependant pas partagée par tous les mou­ve­ments fémi­nistes, mais on va garder cette image de col­lec­tifs non mixtes, anti-hommes, qui vont être critiqués de ce point  de vue.

MYRIAM BAHAFFOU

Au-delà de la non-mixité de genre, il y avait également des cercles de parole comme […]