Ils arment leurs navires, lustrent épées et boucliers, et les voilà qui prennent la mer. Ce sont des hommes, des vrais : ils partent se battre contre Troie pour restaurer l’honneur perdu. Les femmes, elles, restent à quai. Aux uns, la gloire acquise sur les champs de bataille, chantée au fil de longs récits. Aux autres, les joies petites et laborieuses du foyer, l’attente passive – une histoire qui ne mérite guère plus qu’un paragraphe. C’est comme ça que s’ouvre L’Iliade, best-seller absolu de la littérature occidentale. Aux hommes les champs de bataille, aux femmes l’espace domestique : une répartition des rôles établie depuis des millénaires. Quand les femmes décident de se battre et de s’engager physiquement dans la bataille, les normes du genre se trouvent subverties.
Dans ce nouveau numéro, c’est au verbe « se battre » que La Déferlante consacre son dossier. Car se battre, s’engager physiquement dans la bataille est un marqueur typique du genre : « On demande aux femmes d’être garantes des bonnes mœurs, tandis que les hommes font les lois et vont à la guerre », constate la sociologue Coline Cardi dans l’entretien qui ouvre notre dossier. Une répartition des rôles qui dit, en creux, la difficulté pour les femmes à être reconnues en tant que sujets politiques.
À découvrir dans ce dossier coordonné par Anne Roy & Emmanuelle Josse :
- « Signe », une poésie de Gisèle Prassinos ;
- Un témoignage de Rachel Keke, figure du mouvement de grève dit « des femmes de chambre de l’hôtel Ibis » ;
- « T’as jamais vu une femme qui se bat ? », focus sur les femmes dans les cortèges de tête par la journaliste Elsa Gambin ;
- « Armons-nous, nous en avons le droit, par la nature et même par la loi » : histoire d’un slogan par Mathilde Larrère ;
- « Violentes et invisibles » : un entretien avec la sociologue Coline Cardi par Nora Bouazzouni sur l’invisibilisation de la violence féminine ;
- « La riposte », un récit inédit signé Alice Coffin sur ses combats de femme, de lesbienne et de militante ;
- « Pourquoi luttez-vous ? » : Un entretien avec Lydia Zijdel, féministe lesbienne et paraplégique, pionnière de l’autodéfense.
Illustration : Nadia Diz Grana.