De février 1986 à décembre 1987 se tint à Palerme le « maxi-procès » contre Cosa nostra, la mafia sicilienne. En plein procès, le 17 mars 1987, sept femmes de la famille d’un des accusés firent irruption dans l’enceinte du tribunal pour convaincre les repentis de ne pas parler.
Nine Antico : « C’est l’outrance des femmes qui m’intéresse ».

L’autrice de bande dessinée Nine Antico raconte ce qui l’a amenée à mettre en scène cet épisode du maxi-procès et quelles ont été ses inspirations.

« Je suis d’origine italienne, mon père vient des Pouilles, dans le sud de l’Italie, donc les histoires de mafia, les films Le Parrain, ça fait vraiment partie de ma vie. J’ai grandi avec cet imaginaire-là. Or, les femmes sont absentes de ces histoires. Chez l’écrivain états-unien Mario Puzo, l’auteur du Parrain, les figures féminines sont toujours des mères éplorées. Je me suis inté­res­sée de plus près au rôle des femmes dans la mafia. Il n’est pas clair et a été minimisé. Même quand elles faisaient partie de la mafia, elles étaient géné­ra­le­ment dédoua­nées par la justice. Mon sujet s’est précisé quand j’ai vu le film de Marco Bellocchio, Le Traître (2019) qui raconte l’histoire de Tommaso Buscetta, un membre important de la mafia sici­lienne. J’ai été marquée par la scène qui évoque le maxi-procès. On y voit les femmes surgir, bruyantes et toutes habillées de noir. Mais j’ai aussi visionné des images tournées pendant le procès, qui sont dis­po­nibles dans des docu­men­taires en ligne. Ce sont des images très fortes, qui m’ont inspirée parce que les femmes qu’on y voit, dans l’enceinte du tribunal, sont impres­sion­nantes par leur charisme, par leur hargne, on ne comprend pas ce qu’elles disent, mais on voit qu’elles font un bordel pas possible. Pour retrans­crire ce ton du cinéma, j’ai découpé la BD de manière à mettre en avant l’outrance et la gestuelle des gar­diennes de l’omerta. Puis j’ai ajouté du texte off pour élargir mon propos sur la place des femmes dans la mafia. J’ai aussi eu recours à des sources lit­té­raires : j’ai lu Mafia Women (Vintage Publishing, 1997) de Clare Longrigg et Des femmes dans la mafia (Nouveau Monde éd., 2022) de Milka Kahn et Anne Véron où on apprend que les femmes jouent depuis toujours un rôle central dans les orga­ni­sa­tions cri­mi­nelles. »