Droits des femmes, droits des enfants : même combat ?

par

Lucile Gautier

Les fémi­nistes de la deuxième vague ont eu tendance à mettre de côté la maternité jugée aliénante. Au point d’alimenter l’idée selon laquelle les enfants n’auraient pas de place dans l’histoire féministe française. Les mili­tantes Goundo Diawara et Emmanuelle Piet et la socio­logue Camille Masclet débattent de la manière dont les luttes fémi­nistes se sont emparées de la question des droits des enfants. Pour décons­truire les méca­nismes de domi­na­tion, la prise en compte des violences qui leur sont faites est indispensable.

Un récit puissant sur la «maternité esclave» né dans les années 1970 irrigue encore les luttes fémi­nistes, par exemple quand il est question d’assumer son non-désir d’enfant. Ces discours ont pu laisser penser qu’il n’y avait pas de place pour les enfants dans le féminisme. Au regard de l’histoire, est-ce un raccourci non fondé ?


CAMILLE MASCLET
Dans les années 1970, au-delà des reven­di­ca­tions pour un accès à la contra­cep­tion et à l’avortement libre et gratuit, qui sont assez consen­suelles chez les fémi­nistes, il y avait un débat vif autour de la maternité, consi­dé­rée comme un élément central dans l’aliénation des femmes par toute une frange de mili­tantes. Un ouvrage publié en 1975, pré­ci­sé­ment intitulé Maternité esclave, symbolise cette concep­tion. Il s’agit avant tout, alors qu’on cherche à décons­truire les rouages de l’oppression des femmes, de penser la maternité comme l’un des leviers de cette oppres­sion et de lutter contre l’assignation des femmes à la pro­duc­tion et à l’entretien des enfants et du foyer. Une autre concep­tion, parfois désignée sous le terme de « fémi­ni­tude » ou « mater­ni­tude », était aussi présente à l’époque. Portée par les fémi­nistes dif­fé­ren­tia­listes, elle actait une dif­fé­rence des sexes et cherchait à valoriser le féminin et la maternité. Selon elles, la maternité consti­tuait un pouvoir aux mains des femmes. « L’usine est aux ouvriers, l’utérus est aux femmes, la pro­duc­tion du vivant nous appar­tient », clamait ainsi un slogan du groupe Psychanalyse et politique. Longtemps, on a opposé ces deux seules visions. […]

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Retrouvez cet article dans la revue papier La Déferlante n°5, de mars 2021. La Déferlante est une revue trimestrielle indépendante consacrée aux féminismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abonnement, elle raconte les luttes et les débats qui secouent notre société.