Le concept de fémonationalisme a été forgé par la chercheuse états-unienne marxiste Sara R. Farris au milieu des années 2010. Il désigne l’instrumentalisation d’un discours féministe à des fins électorales racistes, islamophobes et xénophobes. Dans son livre Au nom des femmes. « Fémonationalisme », les instrumentalisations racistes du féminisme, paru en 2017 aux États-Unis (en 2021 en France), la sociologue montre que ces discours qui stigmatisent notamment les hommes musulmans sont portés par des nationalistes, des néolibéraux, des islamophobes, et des « fémocrates », définies comme les tenantes d’un féminisme institutionnel.
Contraction des mots « nationalisme féministe et fémocratique », le fémonationalisme s’est notamment incarné en France dans la politique contre le port du voile qui mettrait en péril l’identité nationale et dans la lutte contre les violences faites aux femmes, qui seraient essentiellement le fait d’hommes étrangers présentés comme dangereux pour les femmes occidentales.
Dans l’article « Fémonationalisme, le racisme au nom des femmes », la sociologue Kaoutar Harchi liste plusieurs actions politiques revendiquées comme féministes – lancées notamment en 2020 par Marlène Schiappa alors ministre déléguée à la citoyenneté – qui ciblent les populations racisées, en particulier les hommes. Ce fut par exemple le cas avec l’opération « quartiers sans relous », qui prétendait lutter contre le harcèlement auquel sont exposées les femmes dans l’espace public en cartographiant les zones prétendument les plus à risque. Or ce sont des quartiers où vivent une majorité « d’hommes de catégories populaires ou racisés, quand bien même les agressions à caractère sexiste sont bel et bien présentes dans toutes sortes d’espaces public, […] et qu’elles sont également perpétrées par des hommes de catégories favorisées », souligne la sociologue Marylène Lieber. Plus récemment, les politiques contre le port de l’abaya et du qamis à l’école relèvent aussi du répertoire d’action fémonationaliste.
Lire dans La Déferlante
- Kaoutar Harchi, « Fémonationalisme, le racisme au nom des femmes », La Déferlante no 15 (août 2024)
- Pauline Ferrari, « Imane Khelif face à un cyberharcèlement mondialisé », La Déferlante no 16 (novembre 2024)
- Elsa Gambin, « Au lycée, tenues (in)correctes exigées », La Déferlante no 16 (novembre 2024)
Concepts associés
- Homonationalisme
- Écofascisme
Pour aller plus loin
Sara R. Farris, « Au nom des femmes : “fémonationalisme”, les instrumentalisations racistes du féminisme », traduction de July Robert, Syllepse, 2021. 200 pages.