En 2019, un important mouvement de contestation a secoué l’ancienne colonie britannique qui vit sous souveraineté chinoise depuis 25 ans. Au cœur des revendications : le refus d’une mainmise de Pékin sur le système judiciaire hongkongais. Les femmes engagées dans ce mouvement ont lourdement payé leur engagement : calomnies publiques, violences policières, y compris sexuelles, mais aussi disparition pure et simple de plusieurs d’entre elles. Aujourd’hui réfugiée en France, L.K., activiste de ce mouvement de contestation, revient sur cette effroyable répression.
C’était un soir de novembre 2019. Un jour banal du mouvement en faveur de la démocratie à Hong Kong. Avec deux amis, je fuyais une salve de gaz lacrymogènes et le jet acide des canons à eau de la police. Autour de nous, des vitrines cassées, des feux de circulation en berne, du bitume crevassé, des cris et des appels à l’aide. Enjambant des débris, des barricades et des détritus en feu, nous nous sommes réfugié·es dans un parc à l’angle d’une rue. Nous avons enlevé nos lunettes et nos masques à gaz et mis des masques chirurgicaux. Il n’y avait pas de Covid à l’époque, mais les caméras de surveillance sont partout. Nous avons allumé des cigarettes, comme si la nicotine pouvait neutraliser les gaz lacrymogènes. Fumer à travers un masque est l’une des compétences que j’ai acquises durant les manifestations.
À ce moment-là, j’ai reçu un appel de la mère d’une de mes camarades de lutte. Je l’appellerai Jane, pour protéger son identité. Quelques semaines plus tôt, Jane avait subi une agression sexuelle dans un commissariat après avoir été arrêtée. « Nous quittons Hong Kong, Jane a peur que la police s’en prenne à elle, me dit sa mère en pleurs. Je sais que tu essaies de l’aider et que tu l’encourages à faire entendre sa voix. Mais elle ne veut pas qu’on la traite de malade mentale, et encore moins devenir un autre corps nu retrouvé au milieu de la rue ou dans la mer. Sois gentille, laisse-la tranquille.» Et elle a raccroché. C’était la première et dernière fois que je […]