Selon l’enquête Pisa 2022, qui évalue les performances d’élèves âgé·es de 15 ans dans 85 pays, les filles qataries, thaïlandaises, malaisiennes ou émiraties obtiennent de meilleurs résultats en mathématiques que leurs camarades masculins. Ce phénomène a été baptisé, notamment par les chercheurs Stoet et Geary en 2018, le « paradoxe de l’égalité de genre ».
Dans les pays ayant un indice d’égalité femmes-hommes élevé, les femmes sont moins performantes et moins présentes que les hommes dans les secteurs scientifique, technologique, mathématique ou de l’ingénierie. À l’inverse, dans les pays où cet indice d’égalité femmes-hommes est moindre, elles sont plus nombreuses à se lancer dans ces carrières.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce paradoxe apparent. Pour la sociologue états-unienne Maria Charles, qui travaille sur ce sujet depuis plusieurs décennies, cela s’explique ainsi : « Dans les pays dits égalitaires, c’est moins une égalité qu’un libéralisme de genre qui s’exprime en réalité : “Vous êtes libres de devenir qui vous voulez, d’exercer le métier que vous souhaitez”, dit-on aux enfants français ou danois. Or, pour la plupart, ces enfants ne savent pas ce qu’ils veulent faire, mais savent qu’ils sont une fille ou un garçon. Cette apparente autodétermination scolaire puis professionnelle laisse en fait le champ libre pour que les stéréotypes genrés que les enfants ont intégrés sur leurs capacités et sur leurs goûts s’expriment pleinement. Résultat : les pays qui ont aboli la hiérarchie verticale entre hommes et femmes subissent une ségrégation horizontale plus forte, avec des carrières davantage genrées. » En France, les enseignantes-chercheuses sont majoritaires en langues et littérature (62 %), mais minoritaires en mathématiques et informatique (23 %).
Autre facteur explicatif : les pays dans lesquels l’indice d’égalité juridique entre les femmes et les hommes est le moins élevé sont aussi, en majorité, des pays peu ou moyennement développés économiquement. Choisir une carrière scientifique représente alors une occasion de s’assurer un avenir plus sûr financièrement. Autrement dit : les femmes s’embarrassent moins de contrevenir aux attentes genrées lorsque leur choix de carrière est davantage contraint par un calcul purement économique.
Ces datavisualisations ont été réalisées par Julie Desrousseaux et illustrées par Caroline Gamon.
Julie Desrousseaux est datajournaliste. Elle déniche les informations cachées dans les bases de données publiques, les rapports chiffrés et les tableurs pour mieux les vulgariser.
Caroline Gamon est peintre et illustratrice, elle a travaillé pour le New York Times, Le Nouvel Observateur ou XXI. Elle se consacre actuellement à l’écriture d’albums pour la jeunesse.