« Ferdaous, une voix en enfer » de l’Égyptienne Nawal El Saadawi (1931–2021), publié en 1975, raconte le destin de Ferdaous, une femme qui, la veille de son exécution, confie à une psychiatre les raisons pour lesquelles elle a tué un homme. La romancière Souad Labbize explique pourquoi ce roman est un texte féministe majeur.
Surnommée la Simone de Beauvoir égyptienne, Nawal El Saadawi est une figure de proue des féministes arabophones, de la génération des années 1970, reconnaissable entre toutes par sa verve facétieuse face aux caméras de télévision, hostiles à sa douce audace. Partout où elle allait en Égypte, l’intellectuelle –médecin, psychiatre, écrivaine– faisait salle comble. Ayant toujours adopté une attitude simple malgré son immense notoriété, elle était l’une des rares femmes publiques à s’exprimer en dialecte égyptien, dans cette langue qui touchait un large public dans son pays. Ses prises de position politiques contre le fondamentalisme religieux et le pouvoir lui valurent d’être révoquée de son poste de directrice générale de l’éducation à la santé publique pour avoir publié La Femme et le Sexe (1969), qui traite de sexualité, de religion et de l’excision. Dans le même temps, la revue Health, dont elle est l’éditrice, est interdite, et ses livres sont censurés. Accusée d’atteinte à la sûreté de l’État pour avoir notamment pris position contre la loi du parti unique édictée par Anouar el-Sadate, elle a été brièvement incarcérée en 1981 – avant l’assassinat de ce dernier par les islamistes. De 1987 à 1996, Nawal El Saadawi s’exile aux ÉtatsUnis pour échapper aux menaces de mort et aux arrestations arbitraires : ses déclarations agacent le régime et inquiètent les forces conservatrices. Elle devient consultante pour l’ONU et continue de […]