Rosalie Petit, 31 ans, est joueuse professionnelle de poker. Évoluant dans le monde entier, en live comme en stream, depuis sept ans, elle vit confortablement de sa passion. Mais elle est ultraminoritaire : on compte environ 5 % de joueuses dans le circuit professionnel. Désireuse de faire évoluer les mentalités, elle n’hésite pas à dénoncer le sexisme encore très prégnant dans ce milieu.
Même si ma grand-tante, Elisabeth de la Pastellière, était une grande championne de bridge, le poker n’est pas spécialement une histoire de famille. J’ai toujours été passionnée par les jeux de cartes et les jeux de plateau comme Citadelle ou Seven Wonders. C’est ma passion pour la stratégie qui a fait que j’ai rapidement gagné au poker : j’avais toutes les prédispositions pour me lancer dans cette carrière. Dès le début, j’ai compris que je pénétrais dans une arène masculine. Les joueurs se mettent à table avec un a priori : les femmes sont faibles, douces, timides… Cela reste très ancré dans leur mentalité et comme ils restent entre eux, difficile de s’en défaire. À 18 ans, je me suis retrouvée assise à une table entourée d’hommes, c’était dans un casino dans le Jura. J’ai posé mon argent devant moi, et dès que je me suis installée sur ma chaise, un joueur m’a lancé : “Tu t’es perdue mademoiselle. Les machines à sous, c’est de l’autre côté.” Puis il a ajouté : “Quand tu auras perdu, je t’offrirai une coupe.” J’ai bien compris que, pour eux, je n’étais pas à ma place. Je me suis sentie rabaissée plus bas que terre. Mais, ce soir-là, je lui ai pris jusqu’à son dernier jeton. Il a quitté la table, les yeux rivés au sol.
FAIRE DE SA SUPPOSÉE FAIBLESSE UNE FORCE
C’est à ce moment-là que j’ai compris que le jeu était biaisé. Les hommes nous prennent pour des quiches. Ils pensent toujours que nous manquons d’audace et que nous ne jouons qu’une fois les meilleures cartes à disposition, ce qui correspond à peu près à 5 % des mains. Ils pensent qu’on est passives, qu’on a peur de bluffer, qu’on attend que ça passe. Et à ce jeu-là, ce sont eux qui tendent le bâton: il est aisé de les prendre à revers. Avant d’être connue, il m’est arrivé de […]
Retrouvez la suite de cet entretien avec Rosalie Petit dans La Déferlante #8.