Réinventer la famille

Publié le 08/08/2022

Modifié le 16/01/2025

Couverture dossier Réinventer La Famille La Déferlante #7
Léa Djeziri

En finir avec le modèle patriarcal ?

Il suffit  de  taper  dans  un  moteur  de  recherche  les  mots  « famille »  +  « modèle » pour voir appa­raître des hommes en polo enlaçant ten­dre­ment des  femmes  en  robe  légère  et  des  enfants  bien  coiffé•es ;  des  papa-maman-deux-enfants riant à gorge déployée sur des canapés moelleux. Il n’y a aucun couple de les­biennes ou de gays, aucune femme portant une poussette dans les escaliers du métro, aucune personne racisée, pas non plus de personne visi­ble­ment handicapée.

Le couple cis hété­ro­sexuel blanc comme socle de la famille est un modèle qui infuse dans nos repré­sen­ta­tions occi­den­tales depuis au moins deux mil­lé­naires. Au centre du tableau, le pater familias joue un rôle pivot (lire notre focus page 86). C’est ainsi que, depuis dix ans, les repré­sen­tants de la Manif pour tous, vent debout contre le mariage homo­sexuel et la PMA pour les femmes les­biennes, seules ou les personnes trans, ont pu affirmer sans relâche, à la télé comme dans la rue, qu’une famille « c’est un papa et une maman ».

Ne  leur  en  déplaise,  les  sta­tis­tiques  sont  formelles :  la  famille  dite « classique » n’est plus qu’un modèle parmi d’autres. Une sur quatre est désormais mono­pa­ren­tale, avec, dans 85 % des cas, une mère à sa tête (page 90). Quant aux familles recom­po­sées à la suite d’une sépa­ra­tion, elles repré­sentent plus d’une famille sur dix. En deçà des radars sta­tis­tiques, des familles évoluent également, sans forcément de lien amoureux pour les struc­tu­rer et sans sys­té­ma­ti­que­ment un ou des enfants comme raisons d’être. L’historienne féministe Donna Haraway (page 82) affirme depuis longtemps que faire famille est une expé­ri­men­ta­tion au long cours, faite de chan­ge­ments, d’arrangements, de création et parfois d’abandon.
Ce  dossier  entend  ouvrir  grand  nos  concep­tions  des  liens  et  nous permettre  d’imaginer  des  orga­ni­sa­tions  fami­liales  plus  éga­li­taires  dans les­quelles les rôles de chacun·e sont définis non plus seulement par le sang, le genre ou le droit, mais bien par la volonté de s’impliquer réel­le­ment les un·es auprès des autres.

Marion Pillas

Après un détour par la production de documentaires, elle est revenue au journalisme avec La Déferlante. Elle en est cofondatrice et corédactrice en chef. Depuis Lille, elle supervise la newsletter, les partenariats et les événements. Voir tous ses articles