Les associations féministes en burn-out

Maillon essentiel de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, les asso­cia­tions fémi­nistes croulent sous les demandes de victimes. Dans le même temps, les finan­ce­ments manquent cruel­le­ment. Résultat : les bénévoles et les salariées de ces struc­tures sont en grande souf­france. Et les victimes ne béné­fi­cient pas toujours de l’aide dont elles ont besoin. 
Publié le 22 avril 2024
Conclusion du débat par Aminata Dango. Elle est présidence et co fondatrice de l'association crée en 2018. Elle travaille plus de 40h par semaine pour l'association. Petite elle a connu de grosses difficultés avec sa famille, ils ont beaucoup été aidés par des associations c'est pour cette raison qu'elle a décidé de s'engager. "Si demain on arrête je ne sais pas ce que ces femmes vont devenir. La CAF, les CCAS orientent des femmes vers nous." "Il nous faut des salariés mais malheureusement on manque de moyens."- Journée internationale contre les mutilations génitales féminines organisée par l'association Djamma Djigui, le 10 février 2024, Noisiel
Aminata Dango, présidente et cofon­da­trice de l’as­so­cia­tion Djamma-djigui qui oeuvre contre les violences conju­gales. L’association a organisé une journée de rencontre à l’oc­ca­sion de Journée inter­na­tio­nale contre les muti­la­tions génitales féminines organisée, le 10 février 2024, Noisiel. Crédit : Julie Balagué

Ce matin d’août 2023, le téléphone n’arrête pas de sonner dans le petit local parisien du Comité féministe contre le viol (CFCV). Entre les murs tapissés d’affiches fémi­nistes, les voix des quatre jeunes salariées écou­tantes de la ligne de soutien aux victimes d’agressions sexuelles se croisent, pro­di­guant conseils pratiques et juri­diques : « Est-ce que vous avez pu voir un médecin, aller aux urgences gynéco pour faire un dépistage des infec­tions sexuel­le­ment transmissibles ? 

Que vous portiez plainte ou non, c’est important », « Vous dites qu’il vous a tiré les cheveux, il y avait des témoins à ce moment-là ? », « Vous avez dit plusieurs fois non : il s’agit d’un viol. C’est très grave ce qui s’est passé ».

Alors que la prise de parole des victimes est encou­ra­gée depuis 2017 et le début du mouvement #MeToo, ce sont plus que jamais les asso­cia­tions fémi­nistes qui consti­tuent le premier point de contact des victimes vers une prise en charge. Comme la plupart de ces struc­tures, le CFCV a vu la quantité de saisines augmenter en continu à partir de 2019 – l’effet rebond #MeToo –, soit 84 % d’appels en plus en cinq ans.

Pour la seule année 2020, le 3919, numéro national spé­cia­li­sé dans les violences conju­gales a, de son côté, enre­gis­tré 70 % d’appels en plus, prin­ci­pa­le­ment en raison du confi­ne­ment. Aujourd’hui, d’après le centre fran­ci­lien pour l’égalité femme-hommes Hubertine Auclert, « la tendance se stabilise » à un niveau élevé.

 

Une charge de travail impossible à absorber

Résultat : les struc­tures d’écoute et d’accueil croulent sous le travail. « Dès qu’une écoutante est en vacances ou malade, on est en sous-effectifs et on doit faire des heures sup­plé­men­taires. On prend du retard sur certaines missions », témoigne Véronique Wolf, coor­di­na­trice au CFCV. À Marseille, le ren­for­ce­ment des équipes de Solidarité Femmes 13 ne suffit pas à éponger les 20 % de demandes sup­plé­men­taires que la structure enre­gistre chaque année. « S’il y a une campagne d’affichage sur les violences, le nombre d’appels explose, constate Sophie Pioro, direc­trice de l’association. Les salariées ont parfois l’impression d’un puits sans fond. »

Le rythme était déjà intense avant 2020 : « On a toujours fonc­tion­né en flux tendu : avant le Covid, chaque tra­vailleuse sociale suivait environ 40 femmes », se rappelle Camille (son prénom a été modifié), ancienne salariée de Du côté des femmes, une asso­cia­tion du Val‑d’Oise contrainte à la liqui­da­tion fin 2023. « On faisait six entre­tiens par jour, alors qu’il en aurait fallu trois pour accom­pa­gner les femmes cor­rec­te­ment… »

Au fil des années, l’augmentation de la charge de travail s’est traduite dans tout le secteur par une mul­ti­pli­ca­tion d’arrêts maladie, de burn-out, de départs. « Faire des arbi­trages en per­ma­nence, ça génère de la souf­france éthique : prioriser des victimes au détriment d’autres, c’est inhumain », analyse Marilyn Baldeck, ancienne déléguée générale de l’Association contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT). « Les ins­ti­tu­tions de l’État envoient les femmes dans des struc­tures qui n’ont pas les moyens de les accueillir », insiste de son côté Anne-Cécile Mailfert, pré­si­dente de la Fondation des femmes qui finance de nom­breuses associations.

Sekhna Fall, coordinatrice de l'association Femmes entraide et autonomie. Elle est confronté quotidiennement à des situations très lourdes "On a beau être pro, c'est difficile de ne pas être affecté, de ne pas rentrer à la maison avec ces difficultés. On a des appels le soir, le week-end. Comment ne pas répondre ?" "Il faudrait plus de moyens et plus de solutions pour ces femmes." - Journée internationale contre les mutilations génitales féminines organisée par l'association Djamma Djigui, le 10 février 2024, Noisiel

Sekhna Fall, coor­di­na­trice de l’as­so­cia­tion Femmes entraide et autonomie pendant la Journée inter­na­tio­nale contre les muti­la­tions génitales féminines organisée par l’as­so­cia­tion Djamma-djigui, le 10 février 2024, Noisiel (Seine-et-Marne). Crédit : Julie Balagué.

Plusieurs orga­ni­sa­tions ont déjà tenté de lancer l’alerte. En janvier 2018, l’AVFT fermait sa per­ma­nence télé­pho­nique pendant quatre mois pour essayer de faire avancer les dossiers en cours : « Ça nous a fait du bien, mais ça ne nous a pas permis de résorber notre retard, se rappelle Laure Ignace, for­ma­trice et ancienne juriste de l’association. Les jeunes pro­fes­sion­nelles qui ont envie d’“en être” se donnent à fond et partent essorées au bout de quelques années. Elles sont rem­pla­cées par d’autres, qu’il faut à nouveau former. » Un turnover qui génère une perte de temps et de com­pé­tences en matière d’accompagnement.
Ce tableau sombre a au moins le mérite de mettre en lumière les risques psycho­sociaux de ce secteur : mauvaise ergonomie des postes de travail, charge émo­tion­nelle, risques d’agressions anti­fé­mi­nistes, mais aussi « usure de com­pas­sion » et « trau­ma­tisme vicariant ». Étudiés depuis plusieurs années au Canada ou en Belgique (1), ces phé­no­mènes sont encore peu connus en Europe. « Face au recueil répété de récits de violences et d’horreurs, on peut déve­lop­per les mêmes symptômes que les victimes (flash-back, cau­che­mars, dépres­sions, insomnies, stress post- trau­ma­tique…) sans avoir vécu les mêmes choses, explique la psy­cho­logue Marion Fareng (2). Cela peut toucher des juristes, des tra­vailleurs sociaux, des psy­cho­logues, des jour­na­listes, des ONG. »

Dans les asso­cia­tions fémi­nistes, les écou­tantes, comme toutes les femmes, sont aussi per­son­nel­le­ment concer­nées, à des degrés divers, par les violences patriar­cales dans leur vie privée. « Notre travail mélange beaucoup l’intime, le travail, le mili­tan­tisme, le monde des idées et le monde des émotions. Tout s’entrechoque et donne un cocktail plus complexe que dans d’autres métiers », analyse Louise Delavier, cofon­da­trice de l’association. En avant toute(s), qui accom­pagne des adolescent·es et jeunes femmes par le biais d’un tchat en ligne (lire aussi notre débat page 130). De son côté, la juriste Laure Ignace se souvient : « Quand je suis arrivée à l’AVFT, j’ai plongé la tête la première dans le travail, avec un fort enga­ge­ment militant. Je ne comptais pas mes heures, je traitais les mails le soir et le week-end. On ne m’a jamais posé de limites. L’absence de réflexion sur l’organisation col­lec­tive à moyens constants et les conflits de valeurs ont dégradé mon état de santé. Jusqu’à l’épuisement. »

 


« Faire des arbi­trages en per­ma­nence, ça génère de la souf­france éthique : prioriser des victimes au détriment d’autres, c’est inhumain. »

Marilyn Baldeck


 

Des besoins colossaux

Dans les asso­cia­tions comme ailleurs, la légis­la­tion impose aux employeur·euses de protéger leurs salarié·es des risques psy­cho­so­ciaux. Mais ce cadre est souvent méconnu des conseils d’administration (CA) qui les gèrent. À la fois bénévoles et employeurs, certains manquent de temps et de com­pé­tences juri­diques. « Il y a des CA fémi­nistes qui s’emparent du sujet et font de la pré­ven­tion… Mais la plupart sont composés de mili­tantes de bonne volonté un peu perdues sur ces questions », témoignent Marilou et Virginie du syndicat Asso-Solidaires, qui a développé une formation sur la souf­france au travail.
Pour plusieurs des asso­cia­tions fémi­nistes que nous avons inter­ro­gées, la question du bien-être au travail est centrale. Mais elle se révèle dif­fi­ci­le­ment conci­liable avec les cadences et le manque de moyens. Quant aux struc­tures portées par des bénévoles, elles n’ont pas de formation juridique contre la souf­france au travail et doivent poser leurs propres limites. « Le problème, c’est que le mili­tan­tisme ne s’arrête pas à la fin de la journée, il continue par messages, sur les réseaux sociaux », constate Caroline de Haas, cofon­da­trice de #NousToutes et d’Osez le Féminisme ! – qui ne milite plus aujourd’hui dans ces collectifs.
Malgré les annonces répétées d’Emmanuel Macron de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes la « grande cause » du quin­quen­nat et l’objectif du Grenelle des violences conju­gales lancé en 2019, les sub­ven­tions sont loin d’atteindre les besoins des asso­cia­tions, oscillant entre 2,6 et 5,4 milliards d’euros par un rapport de la Fondation des femmes, en 2023. En 2020, c’est un rapport du Sénat qui incitait déjà le gou­ver­ne­ment à passer « de la parole aux actes » dans un contexte où « l’afflux de demandes, à la suite du mouvement “me too” […] n’a pas été entiè­re­ment compensé par des res­sources bud­gé­taires cor­res­pon­dantes ». Un constat confirmé, en septembre 2023 par la Cour des comptes, qui regrette que les annonces pré­si­den­tielles ne se soient « pas traduite[s] par la défi­ni­tion et la décli­nai­son d’une stratégie globale »

Interrogés par La Déferlante, les services d’Aurore Bergé, ministre déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes, chargée de la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions, mettent en avant une aug­men­ta­tion de 6,6 % des crédits alloués aux asso­cia­tions entre 2023 et 2024, avec un total de 38,9 millions d’euros prévus par la loi de finances 2024, pour la pré­ven­tion et l’aide aux victimes. « Certes, l’État met plus d’argent sur la table. Mais comme il y a beaucoup plus d’appels à l’aide, au bout du compte, il y a moins d’argent pour chaque femme suivie », tacle Anne-Cécile Mailfert, dont la Fondation évalue cette baisse de crédits indi­vi­duelle à 25 % depuis 2019.

De nombreux téléphones filment ou photographient l'événement - Journée internationale contre les mutilations génitales féminines organisée par l'association Djamma Djigui, le 10 février 2024, Noisiel

Pendant la Journée inter­na­tio­nale contre les muti­la­tions génitales féminines organisée par l’as­so­cia­tion Djamma-djigui, le 10 février 2024, à Noisiel (Seine-et-Marne) Crédit : Julie Balagué

Depuis le début de l’année 2023, plusieurs orga­ni­sa­tions de premier plan sont ainsi passées de la survie à l’effondrement. Dans l’Essonne, alors que les demandes de victimes aug­men­taient de 35 %, l’association Léa Solidarité femmes a dû réduire ses temps d’accueil et licencier un tiers de ses effectifs, laissant douze salariées recevoir à elles seules environ 2 500 victimes femmes et enfants cette année-là. En avril, l’association niçoise Accueil femmes soli­da­ri­té a mis la clé sous la porte. En mai, Du côté des femmes, la seule structure spé­cia­li­sée du Val‑d’Oise a été placée en redres­se­ment judi­ciaire puis liquidée en décembre.
Autre cause de cette précarité : les sub­ven­tions sont allouées – et donc remises en question – chaque année. De plus, elles sont aussi versées tar­di­ve­ment. Selon le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes, entre 2020 et 2022, seules 18 struc­tures, dont Femmes soli­daires ou le CFCV, ont bénéficié d’une conven­tion plu­ri­an­nuelle du ministère, leur assurant un minimum de stabilité. Pour les autres, ce fonc­tion­ne­ment rend incertain le maintien des postes de per­ma­nentes comme la poursuite des projets en cours.

Pour obtenir ces finan­ce­ments publics, les asso­cia­tions doivent également consacrer du temps et de l’énergie à des mil­le­feuilles admi­nis­tra­tifs complexes. « Je n’avais jamais fait de demandes de sub­ven­tions. On est obligées d’apprendre à valoriser ce qu’on fait avec les bons mots. Et pendant qu’on fait ça, on n’est pas sur le terrain », s’agace Aminata Dango, cofon­da­trice de l’association Djama-djigui à Noisiel, en Seine-et-Marne. Les huit bénévoles les plus actives qui font vivre cette asso­cia­tion y consacrent chacune jusqu’à 40 heures par semaine. Avec les moyens du bord et des sub­ven­tions occa­sion­nelles, aidées par deux personnes en service civique, elles tiennent des per­ma­nences, accom­pagnent des femmes qui vont déposer plainte, les orientent vers une psy­cho­logue, en mettent d’autres à l’abri. La militante soupire : « On fait un travail indis­pen­sable et reconnu par les col­lec­ti­vi­tés, on sauve des vies. Mais on ne peut pas encore créer des postes salariés ni avoir une vision à long terme. » Cette charge de travail a encore augmenté depuis la mul­ti­pli­ca­tion, dans les années 2000, des finan­ce­ments alloués sur la base d’appels à projets mettant en concur­rence les asso­cia­tions entre elles (3). Les rares struc­tures qui le peuvent embauchent des salariées affectées à la recherche de dons privés.

De la pédagogie auprès des financeurs publics et privés

Comment, dans ce contexte, préserver la santé mentale des écou­tantes ? Plusieurs asso­cia­tions mettent en place des garde-fous. L’association En avant toutes finance par exemple une mutuelle qui permet à ses salariées d’accéder à des soins psycho­logiques : « Tu ne peux pas construire ton projet sans prendre en compte cet aspect-là. Mais il faudrait que la société entière se préoccupe de prendre soin de nous et des tra­vailleurs sociaux », souligne Louise Delavier. Chez #NousToutes, la décision a été prise de gérer les mes­sa­ge­ries et la veille média­tique sur les fémi­ni­cides de manière tournante pour limiter l’exposition des bénévoles aux récits de violences. En cas de besoin, elles peuvent aussi appeler une psy­cho­logue pour une consul­ta­tion d’urgence – un numéro encore peu utilisé. « Je pense que les personnes n’osent pas, ou se financent elles-mêmes des soins quand elles le peuvent, pour ne pas mordre sur les finances du collectif », s’inquiète Coline Brou, militante du collectif.

Flyers de l'association - Journée internationale contre les mutilations génitales féminines organisée par l'association Djamma Djigu, le 10 février 2024, Noisiel

Flyers de l’as­so­cia­tion Djamma-djigui dis­tri­bués pendant la Journée inter­na­tio­nale contre les muti­la­tions génitales féminines, le 10 février 2024, à Noisiel (Seine-et-Marne). Crédit Julie Balagué

La psy­cho­logue féministe Juliette Mercier est la cofon­da­trice du Centre Berta Pappenheim, un centre de « soins engagés » qui reçoit des mili­tantes dans plusieurs lieux asso­cia­tifs parisiens ou en visio­con­fé­rence. Ces espaces de dis­cus­sion col­lec­tifs ont pour vocation de traiter les problèmes orga­ni­sa­tion­nels et rela­tion­nels. « On peut mettre en place des règles concrètes, comme limiter la durée des entre­tiens avec les victimes, alterner avec d’autres tâches pour ne pas se noyer dans la violence. Mais il faut surtout se sentir soutenue par la hié­rar­chie et les collègues, ne pas être isolée dans des situa­tions com­pli­quées, suggère-t-elle. Si on sent qu’on s’oublie pour l’autre, qu’il y a un glis­se­ment, il y a danger pour l’écoutante et la victime. ».

À Toulouse, l’Association promotion ini­tia­tive femmes (Apiaf), pilier du réseau féministe local, souhaite maintenir son équipe à un effectif de vingt personnes pour conserver une orga­ni­sa­tion hori­zon­tale. Les femmes accueillies n’ont pas de référente attitrée : « On est inter­chan­geables, et ça nous protège de la res­pon­sa­bi­li­té face aux décisions. On n’a pas à se demander seule : “Est-ce qu’elle va se faire tuer si elle rentre chez elle ce soir ?”, explique une salariée. Si on sort bou­le­ver­sée d’un entretien, on en parle tout de suite. »


« ON SE FORCE À DÉCONSTRUIRE LA CULPABILITÉ MILITANTE, LA CULTURE DU DÉVOUEMENT, LA SENSATION D’URGENCE, CAR ON SERA TOUJOURS DÉBORDÉES. »

Une salariée de l’association L’Échappée, à Lille


Mêmes réflexions à Lille, au sein de l’association L’Échappée, où les salariées ont défini un nombre maximum d’accompagnements de victimes pour chacune d’entre elles. « On se force à décons­truire la culpa­bi­li­té militante, la culture du dévoue­ment, la sensation d’urgence, car on sera toujours débordées. Les seules limites fixées, ce sont les nôtres. Pratiquer un accom­pa­gne­ment féministe implique de les respecter », explique l’une d’entre elles. Des choix qui impliquent de faire de la pédagogie auprès des finan­ceurs publics et privés. « On leur explique que recevoir deux fois plus de personnes ne veut pas dire qu’on fait deux fois mieux le boulot. Et qu’on ne peut pas prendre soin des autres si on ne prend pas soin de nous. »

Le temps de travail consacré aux super­visions, à la formation et au bien-être des salariées a en effet un coût, que les asso­cia­tions ont parfois du mal à estimer dans leurs budgets. « Le milieu asso­cia­tif devrait adapter sa charge de travail à ses moyens humains réels, estime aujourd’hui Laure Ignace, ancienne de l’AVFT. Si on en faisait deux fois moins, peut-être que ça chan­ge­rait le rapport de force face à l’État, qui a besoin de nous. » Pendant le mouvement social contre la réforme des retraites à l’hiver et au printemps 2023, plusieurs asso­cia­tions fémi­nistes tou­lou­saines ont participé à la grève recon­duc­tible : « Pour nous, c’était très important de montrer qu’on pouvait s’arrêter, annuler des actions sans que tout s’écroule, se sou­viennent Marilou et Virginie du syndicat Asso-Solidaires. Cette mobi­li­sa­tion nous a fait beaucoup de bien. Et elle a permis de rappeler que faire des économies sur notre dos et sur nos heures de travail gratuites, ce sont des choix poli­tiques ! » •


(1) Lire Pascale Brillon, Entretenir ma vitalité d’aidant. Guide pour prévenir la fatigue de com­pas­sion et la détresse pro­fes­sion­nelle, Les éditions de l’Homme (Montréal, Québec), 2002. Voir aussi la vidéo Le stress vicariant, quézako ? sur YouTube, réalisée par Lauraline Michel et le collectif OXO (Belgique).

(2) Marion Fareng travaille sur la question de l’exposition aux récits de violences sexuelles. Elle inter­vient auprès des salarié∙es de plusieurs entre­prises et médias, dont La Déferlante.

(3) En décembre 2020, le gou­ver­ne­ment a provoqué un tollé en annonçant l’ouverture d’un appel d’offres pour la reprise du 3919, la ligne d’assistance aux femmes victimes de violence, his­to­ri­que­ment gérée par la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF). À la suite d’une mobi­li­sa­tion d’ampleur, la procédure a fina­le­ment été interrompue.

DESSINER : ESQUISSES D’UNE ÉMANCIPATION

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°14 Dessiner, paru en mai 2024. Consultez le sommaire.

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