Amérique latine : les féministes face à la montée de l’extrême droite

Avec l’élection à la pré­si­dence de l’Argentine du liber­ta­rien anti­fé­mi­niste Javier Milei en novembre 2023, l’Amérique latine poursuit sa droi­ti­sa­tion. Du Salvador au Chili, les militant·es fémi­nistes et LGBT+ doivent faire face à une montée de l’extrême droite. Focus sur quatre cas emblématiques. 
Publié le 25 avril 2024
Carte de l'Amérique latine

Le président du Chili peine à faire voter des avancées féministes

Le Chili est toujours régi par la Constitution datant de la dictature de Pinochet. Gabriel Boric, président auto­pro­cla­mé « féministe et socia­liste », au pouvoir depuis deux ans, n’a pas réussi à faire voter de nouvelle Loi fon­da­men­tale. En 2022, un projet inclusif mettant l’accent sur la parité, l’écologie et la recon­nais­sance des peuples autoch­tones, mais aussi sur la défi­ni­tion d’un État social et démo­cra­tique, a été rejeté à 62 % par réfé­ren­dum. Un an plus tard, un nouveau projet rédigé par la droite ultra­con­ser­va­trice a également connu un revers.

En parallèle, les fémi­ni­cides conti­nuent d’augmenter, comme depuis dix ans, pour atteindre en 2023, 208 femmes assas­si­nées. Le Congrès a adopté le 6 mars 2024 une pro­po­si­tion de loi ins­ti­tu­tion­na­li­sant des mesures pour prévenir, punir et éradiquer les violences de genre.

Contre l’« idéologie du genre » au Salvador

Depuis cinq ans à la tête du Salvador, Nayib Bukele a été réélu en février 2024 malgré l’interdiction des mandats consé­cu­tifs par la Constitution. Au carrefour du liber­ta­risme et d’une politique ultra­mi­li­ta­ri­sée dans un pays à la légis­la­tion conser­va­trice (avor­te­ment, mariage homo­sexuel et tran­si­tion de genre interdits), le président a déclaré à la fin de février 2024 qu’il n’autoriserait plus les « idéo­lo­gies de genre, anti-naturelles, anti-Dieu, anti-familles, dans les pro­grammes scolaires ». Le ministre de l’Éducation a affirmé, dans la foulée, que « toute trace de l’idéologie de genre a été retirée de toutes les écoles publiques du pays ».

L’État équatorien s’en prend aux précaires

Depuis octobre 2023, l’Équateur est dirigé pour la première fois par un gou­ver­ne­ment d’extrême droite. En janvier 2024, de nom­breuses orga­ni­sa­tions paysannes, éco­lo­gistes, fémi­nistes et anti­ra­cistes se sont réunies pour dénoncer la politique du président Daniel Noboa. Pour financer ce qu’il appelle un « conflit armé interne » contre les gangs, l’exécutif a autorisé la poursuite de l’exploitation d’un gisement pétrolier en Amazonie, dont la fermeture avait pourtant été approuvée par réfé­ren­dum en août 2023. Il a aussi augmenté de trois points la TVA, qui atteint 15 % depuis avril 2024, ce qui a des consé­quences pour les précaires, en par­ti­cu­lier les femmes et les popu­la­tions autoch­tones. « Nous refusons de financer la guerre patriar­cale et raciste », résume Micaela Camacho du collectif féministe Cholas valientes.

En Argentine, le backlash Milei

Alors que ce pays latino-américain était celui qui avait la légis­la­tion la plus pro­gres­siste en matière de pro­tec­tion des droits des femmes et des personnes LGBT+ (PMA acces­sible pour tous·tes depuis 2013, avor­te­ment légal et quotas de personnes trans dans les admi­nis­tra­tions publiques depuis 2020), l’ultraconservateur Javier Milei a déjà démantelé le ministère des Femmes, des Genres et de la Diversité et interdit tout usage du langage inclusif dans les admi­nis­tra­tions publiques. Au début de février 2024, une députée du parti de l’exécutif a présenté un projet de loi visant à abroger la léga­li­sa­tion de l’interruption volon­taire de grossesse, en vigueur depuis quatre ans. Face à ces nom­breuses attaques réac­tion­naires, une vague verte et féministe a déferlé dans les rues du pays le 8 mars 2024 aux cris de « ¡Ni un paso atrás! » (Pas un pas en arrière !).

Dessiner : esquisses d’une émancipation

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°14 “Dessiner”, paru en mai 2024. Consultez le sommaire.

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