En Russie, les droits des femmes en ligne de mire

Depuis plus d’un an, la mobi­li­sa­tion natio­na­liste autour de la guerre en Ukraine semble avoir eu raison des derniers espaces de liberté dont béné­fi­ciaient les femmes, les personnes LGBT+ et les militant·es fémi­nistes en Russie. Mais aux quatre coins du pays, citoyennes et citoyens conti­nuent à lutter.
Publié le 26 juillet 2023
Carte. Russie : les droits des femmes en ligne de mire ©Léonie Schlosser

À Moscou, un antiféminisme d’État

En avril 2023, Oleg Matveïtchev, député de Russie unie (le parti de Vladimir Poutine), a déposé à la Douma, le Parlement russe, une pro­po­si­tion de loi visant à faire du féminisme une « idéologie extré­miste ». Selon lui, les fémi­nistes sont « des agents de l’Occident » et n’ont qu’un but : détruire les « valeurs tra­di­tion­nelles russes ».

Elles « sont pour le divorce, choi­sissent de ne pas avoir d’enfants et sont en faveur de l’avortement. » Cette motion – qui n’a pas encore été votée – marque le rai­dis­se­ment de Moscou sur la question des droits des femmes.

À Samara, les mères de soldats s’organisent

© Olga Tsukanova

Comme au lendemain des guerres d’Afghanistan et de Tchétchénie dans les années 1990, des mou­ve­ments de mères de soldats voient le jour un peu partout en Russie depuis l’invasion russe en Ukraine. Dans la région de Toula, dans celle de Tcheliabinsk, en Sibérie, dans celle de Voronej, et jusqu’en Crimée occupée, à Sébastopol. À Samara, un comité de mères de soldats a été créé en septembre 2022, à la suite de la mobi­li­sa­tion partielle décrétée par le Kremlin. Lancé à l’initiative d’Olga Tsukanova, habitante de la ville, le collectif dénonce les condi­tions de vie des mili­taires envoyés sur le front, le manque d’équipements, de formation, et de produits de première nécessité.

À Magas : mutilations sexuelles

Chaque année, dans les répu­bliques musul­manes du Caucase, 1 300 fillettes subissent des muti­la­tions sexuelles. La dernière affaire à avoir été média­ti­sée date de 2020 et a eu lieu à Magas, capitale de l’Ingouchie. C’est la mère d’une fille de 9 ans, dont le père et la belle-mère avaient, un an plus tôt, organisé l’excision, qui a porté les faits devant la justice. Mais seule la gyné­co­logue ayant réalisé l’ablation du clitoris a été jugée, pour atteinte légère à la santé de la jeune fille, et condamnée à une amende de 30 000 roubles (environ 300 euros).

À Saint-Pétersbourg, l’information en résistance

« L’armée russe a bombardé une école à Marioupol où environ 400 personnes s’étaient réfugiées pour se protéger des bom­bar­de­ments ». C’est par cette phrase qu’au début de la guerre en Ukraine, la militante féministe Alexandra Skotchilenko a remplacé le contenu des éti­quettes des produits d’un super­mar­ché de Saint-Pétersbourg. Un acte de résis­tance repris par de nom­breuses fémi­nistes du pays, qui vise à dénoncer l’agression russe. Cette action vaut à Alexandra Skotchilenko d’être inculpée pour « diffusion publique de fausses infor­ma­tions ». En détention depuis avril 2022, elle risque 10 ans de prison.

LGBT+phobie à Novossibirsk

© Alexey Bekizerov

Le 20 novembre 2022, une pièce de théâtre était annulée à la dernière minute à Novossibirsk, en Sibérie. La raison : un homme y jouait le rôle d’une femme. Quatre jours plus tard, le Parlement russe, la Douma, adoptait une loi inter­di­sant la « pro­pa­gande » portant sur les « relations sexuelles non tra­di­tion­nelles ». Ce texte vient renforcer une loi de 2013 prohibant la « pro­pa­gande » homo­sexuelle auprès des mineur·es, et revient à exclure toute référence aux personnes LGBT+ du domaine public.

 

Carte : Léonie Schlosser

Audrey Lebel est jour­na­liste indé­pen­dante. Elle travaille sur les droits des femmes et les droits humains, prin­ci­pa­le­ment en Russie et en Ukraine.

Habiter : brisons les murs !

Retrouvez cet article dans La Déferlante n°11 Habiter, en août 2023. Consultez le sommaire

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