Clara Zetkin, la femme qui fit date

Publié le 8 mars 2023
Clara Zetkin
[ARCHIVES 8 mars 2021 ] Les éditions Hors d’atteinte publient un recueil des principaux textes de Clara Zetkin, qui fut, entre autres, l’instigatrice de la Journée internationale des Droits des femmes. L’occasion de revenir sur cette figure oubliée dont l’héritage intellectuel a pourtant traversé le siècle.

Ces dernières années tout par­ti­cu­liè­re­ment, cette date est devenue un rendez-vous incon­tour­nable : le 8 mars, dans la rue, dans les médias et aux rayons des librai­ries, dans quantité de muni­ci­pa­li­tés, les ini­tia­tives et publi­ca­tions se mul­ti­plient pour marquer la Journée inter­na­tio­nale des Droits des femmes. Une mobi­li­sa­tion que l’on doit à la jour­na­liste et femme politique Clara Zetkin : en 1910, elle parvient, avec sa camarade Käte Duncker, à vaincre les mâles résis­tances au sein du Parti social-démocrate allemand pour proposer aux socia­listes de tous les pays, en accord avec les syndicats, la première « Journée inter­na­tio­nale des femmes ». À partir de 1921, la journée est fixée au 8 mars, en hommage à la grève lancée le 8 mars 1917 par les ouvrières du textile à Saint-Petersbourg. Une date qui illustre les liens, com­pli­qués mais féconds, entre mou­ve­ments pour les droits des travailleur·euses et luttes pour l’émancipation des femmes : Clara Zetkin, à qui les éditions Hors d’atteinte consacrent un très bel ouvrage intitulé Je veux me battre partout où il y a de la vie, est de celles qui ont cherché à faire avancer ensemble ces deux causes.

Née en 1857 dans l’est de l’Allemagne actuelle, morte en exil à Moscou en 1933, elle fut à la fois l’une des grandes voix du mouvement socia­liste naissant et une pionnière des combats fémi­nistes. « Toute sa vie, elle a marché sur une ligne de crête très difficile à tenir : trop féministe pour les gau­chistes, et trop gauchiste pour les fémi­nistes, explique Marie Hermann, codi­rec­trice des éditions Hors d’atteinte. Elle qui s’est toujours posi­tion­née du côté des ouvrières se révèle acerbe à l’égard des fémi­nistes bour­geoises, alors engagées dans la bataille pour le droit de vote : elle considère que l’égalité politique, sans autonomie éco­no­mique, n’est qu’un chèque en blanc, par exemple. »

Clara Zetkin

Cette capacité à pointer la diversité des oppres­sions sociales et poli­tiques l’amène à de fines intui­tions. « Clara Zetkin ouvre aussi des pistes sur ce qu’on appelle aujourd’hui l’intersectionnalité », poursuit l’éditrice, citant par exemple l’appel publié en 1932 pour sauver huit jeunes Afro-américains condamnés à mort pour viol après un simulacre de procès. « Ils veulent brûler vifs ces garçons noirs afin de ter­ro­ri­ser les masses labo­rieuses de Noirs qui se rebellent contre l’exploitation dont ils sont victimes et qui sont en train de former un front uni avec leurs frères et sœurs blancs contre la faim, les guerres impé­ria­listes et les horreurs san­glantes des Blancs », écrit alors Clara Zetkin, usant d’une phra­séo­lo­gie de son époque, où il n’est pas encore question de conver­gence des luttes, mais d’union des tra­vailleurs et travailleuses.

ICÔNE EN RDA

Au-delà d’une séman­tique politique parfois datée, comment expliquer l’oubli dans lequel a pu tomber Clara Zetkin ? Au gré des évo­lu­tions sociales et (géo)politiques, elle a connu la gloire aussi bien que la disgrâce. « Je me suis installée en Allemagne de l’ouest un peu avant 1968 ; j’ai alors découvert les écrits de Clara Zetkin en militant avec un groupe de femmes de l’Union socia­liste allemande des étudiants, raconte Florence Hervé, jour­na­liste et uni­ver­si­taire, déjà autrice aux éditions Dietz Berlin d’un recueil de textes de Zetkin en langue allemande et qui a coordonné l’édition de Je veux me battre partout où il y a de la vieJ’étais choquée par la situation des femmes dans une société très conser­va­trice. Mais Clara Zetkin s’était battue dans des condi­tions dif­fi­ciles à la fin du XIXe siècle : elle montrait comment on pouvait lutter pour ses droits. »

 

« ELLE ÉTAIT TROP FÉMINISTE POUR LES GAUCHISTES, ET TROP GAUCHISTE POUR LES FÉMINISTES »

Couverture La Déferlante #9 - Baiser pour une sexualité qui libère

Précommandez le dernier numéro de La Déferlante  !

Pour ce premier numéro de 2023, nous consa­crons notre dossier au thème BAISER car, oui la révo­lu­tion sexuelle reste encore à venir ! On y parle de sexologie féministe, de désirs qui font désordre, on y décons­truit les normes vali­distes et on plonge à pieds joints dans le récit de science-fiction érotique « Tout est chaos », signé Wendy Delorme et Elise Bonnard.

⟶ Vous souhaitez recevoir La Déferlante, au tarif de 15 euros (au lieu de 19), et sans enga­ge­ment ? Découvrez notre offre d’abonnement à durée libre.

Dans la même catégorie