Intersectionnalité

Le concept d’intersectionnalité a été popu­la­ri­sé par Kimberlé W. Crenshaw, juriste états-unienne spé­cia­liste de la critical race theory (théorie critique de la race) et des mou­ve­ments des droits civiques. À la fin des années 1980, Kimberlé W. Crenshaw a mis en évidence les angles morts des poli­tiques publiques à l’égard des femmes noires, en montrant que celles-ci faisaient face à des dif­fi­cul­tés spé­ci­fiques en raison de l’entrecroisement de plusieurs dis­cri­mi­na­tions – de genre, de race et de classe –, dont elles sont victimes. L’apparition de ce concept est toutefois le résultat d’une longue réflexion sur les rapports de pouvoir menée par des mili­tantes africaines-américaines qui ont pensé la condition des femmes noires aux États-Unis, de Sojourner Truth (1797–1883) aux figures du black feminism des années 1960–1970 (Angela Davis, bell hooks, etc.). La notion permet d’analyser des rapports de pouvoir dans nos sociétés, en ne réduisant pas les dis­cri­mi­na­tions observées à un seul facteur expli­ca­tif et en montrant que ces dernières s’articulent entre elles. Depuis les années 1980, le concept s’est élargi pour inclure d’autres facteurs de dis­cri­mi­na­tion – l’homosexualité, la tran­si­den­ti­té, le handicap, etc. 

En France, il a beaucoup été opposé à celui d’universalisme. Comme le souligne la socio­logue Sarah Mazouz dans le débat « Pourquoi l’intersectionnalité fait-elle si peur ? », dans le contexte français, l’universalisme s’est forgé sur une forme d’abstraction, en rendant invi­sibles les affi­lia­tions et les par­ti­cu­la­ri­tés des un·es et des autres : « Dès l’époque de la Révolution française, l’universalisme abstrait a imposé comme norme […] un citoyen masculin, bourgeois et blanc (et on pourrait ajouter dans la force de l’âge, bien portant et hété­ro­sexuel). […] L’intersectionnalité est un outil qui permet justement de concevoir l’universel en partant plutôt de l’expérience que chacun·e fait des dis­cri­mi­na­tions. » Le féminisme inter­sec­tion­nel s’applique à prendre en compte toutes ces dimen­sions dans l’analyse des rapports de domi­na­tion et à recon­naître que toutes les femmes ne font pas face aux mêmes types de violences ou discriminations.

Pour aller plus loin

Kimberlé W. Crenshaw, Intersectionnalité, traduit par Emmanuelle Delanoe, Payot, 2023.

Éléonore Lépinard et Sarah Mazouz, Pour l’intersectionnalité, Anamosa, 2021.

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