Concept développé par la pédagogue allemande Katharina Rutschky (1941–2010), la pédagogie noire désigne les méthodes d’éducation autoritaires et répressives, usant de violences physiques et psychologiques, qui ont pour effet de briser les enfants. Cette pédagogie s’ancre dans une tradition chrétienne qui perçoit les enfants comme des individus porteurs du péché originel, qu’il faut donc corriger et punir. Au début du XVIIe siècle, saint François de Sales, par exemple, les comparait à « des bêtes privées de raison, de discours et de jugement », rappelle l’autrice Mona Chollet dans Résister à la culpabilisation (Zone, 2024).
La psychanalyste suisse Alice Miller a repris et développé le concept de pédagogie noire dans son livre C’est pour ton bien. Elle y montre que les parents violents ont souvent été eux-mêmes des enfants victimes. Ce mécanisme de reproduction explique la persistance des violences malgré la promulgation de lois interdisant les violences éducatives ordinaires, comme celle du 10 juillet 2019. Aujourd’hui encore, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) estime qu’en France un·e enfant meurt sous les coups de ses parents tous les cinq jours.
Dans l’article « Bétharram ou la pédagogie noire », Mona Chollet fait référence à ce concept pour analyser les violences éducatives perpétrées au sein de l’école privée sous contrat Notre-Dame-de-Bétharram. Malgré plusieurs alertes successives, des élèves y ont été battus et ont subi des violences sexuelles ou des viols durant plusieurs décennies. L’autrice explique que, dans cette institution à la réputation d’établissement d’excellence, « les violences physiques et psychologiques n’étaient pas une anomalie, mais une méthode éducative ».
Pour aller plus loin
Alice Miller, C’est pour ton bien. Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant, traduit par Jeanne Étoré, Aubier, 1984 ; réédition Flammarion, 2015.
Charlotte Bienaimée, « L’école de la violence », Un podcast à soi, épisode no 43, mars 2023.