Un million de révoltes féministes

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En Inde, le com­bat pour les droits des femmes est inti­me­ment lié à la lutte du pays pour son indé­pen­dance, et les mou­ve­ments fémi­nistes s’inspirent encore des actions non vio­lentes théo­ri­sées par Gandhi. Depuis une décen­nie, une nou­velle géné­ra­tion prend la relève, à la fois très connec­tée au monde et inves­tie sur le terrain.

Depuis le début de l’année, la socié­té indienne est secouée par un débat impor­tant sur la cri­mi­na­li­sa­tion du viol mari­tal. La ques­tion a res­sur­gi à l’occasion d’un recours devant la Haute Cour de Delhi, le 12 jan­vier der­nier, for­mu­lé par plu­sieurs asso­cia­tions, telles l’ONG RIT Foundation et All India Democratic Women’s Association. Elles réclament la révi­sion de l’article 375 du Code pénal indien, écrit en 1860 sous la domi­na­tion colo­niale bri­tan­nique, qui défi­nit le « crime du viol » en exemp­tant de pour­suites les rap­ports sexuels for­cés quand ils sont com­mis dans le cadre d’une union conju­gale. Depuis, sur les réseaux sociaux, comme dans les rues de New Delhi, des mobi­li­sa­tions se sont mul­ti­pliées. Parmi les oppo­sants à la révi­sion de la loi : le gou­ver­ne­ment ultra­con­ser­va­teur et natio­na­liste hin­dou de Narendra Modi, au pou­voir depuis mai 2014, et qui, par la voix d’un porte-parole, a appe­lé à « ne pas suivre aveu­glé­ment l’Occident en cri­mi­na­li­sant le viol mari­tal ». Connue pour cer­tains juge­ments pro­gres­sistes (elle est la pre­mière ins­tance fédé­rale à avoir dépé­na­li­sé l’homosexualité, en 2009), la Haute Cour de Delhi, som­mée de sta­tuer, pour­rait rendre un avis favo­rable à la recon­nais­sance du viol mari­tal – au moment où nous bou­clons ces pages, la déci­sion n’a pas encore été ren­due publique. Cette poten­tielle avan­cée majeure pour les droits des femmes en Inde ne doit pas faire perdre de vue que le pou­voir en place fait tout pour main­te­nir les struc­tures patriar­cales. Si le gou­ver­ne­ment met en avant quelques figures fémi­nines comme porte-voix, il défend en réa­li­té une vision patriar­cale et eth­no­na­tio­na­liste hin­doue de la socié­té indienne. En ligne et hors ligne, l’intimidation des acti­vistes fémi­nistes – sur­tout si elles sont musul­manes – par le gou­ver­ne­ment lui-même ou par ses sympathisant·es a pris des dimen­sions inéga­lées. […]

 

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Retrouvez cet article dans la revue papier La Déferlante n°6, de juin 2022. La Déferlante est une revue trimestrielle indépendante consacrée aux féminismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abonnement, elle raconte les luttes et les débats qui secouent notre société.

La Déferlante #6 couverture