Grève générale !

Publié le 24 janvier 2025
Manifestation à Rennes le 8 mars 2024 à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes. Crédit : Louise Quignon / Divergence.
Manifestation à Rennes le 8 mars 2024 à l’oc­ca­sion de la journée inter­na­tio­nale des droits des femmes. Crédit : Louise Quignon / Divergence.

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°17 Travailler, parue en février 2025. Consultez le sommaire.

Nous sommes comme des lapins pris dans les phares d’une voiture lancée à toute vitesse. Sidéré·es depuis la dis­so­lu­tion de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024. Plongé·es dans la confusion la plus totale par un président de la République qui multiplie les décla­ra­tions contra­dic­toires et balaie d’un revers de main la volonté des Françaises et des Français.

« Un tel homme, n’en doutons pas, ne démis­sion­ne­ra jamais de son plein gré », croit savoir le socio­logue Marc Joly qui, dans son essai La Pensée perverse au pouvoir (Anamosa, 2024), tente un parallèle entre la per­son­na­li­té du président et la figure du pervers nar­cis­sique mani­pu­lant son entourage (en par­ti­cu­lier les femmes) pour imposer sa volonté.

L’instabilité politique entre­te­nue par Emmanuel Macron depuis l’été 2024 vient accentuer l’effet des réformes néo­li­bé­rales imposées depuis plus de dix ans par les dif­fé­rents gou­ver­ne­ments. Tandis qu’à l’autre extrémité, tout en bas de l’échelle, ce sont des personnes racisées, des femmes, souvent issues de l’immigration qui sont les premières victimes de la casse sociale. La réforme des retraites de 2023 qui pénalise les carrières irré­gu­lières, tout comme la récente réforme du RSA qui condi­tionne le versement du revenu de soli­da­ri­té à un quota d’heures tra­vaillées, ont en effet été pensées « au masculin-neutre », comme l’affirme la socio­logue Sophie Pochic (lire l’entretien avec Sophie Pochic). Les tra­vailleuses issues des classes popu­laires, dont les carrières sont ralenties par les mater­ni­tés et le non-partage du travail domes­tique au sein du couple, restent can­ton­nées à des emplois précaires et peu rémunérateurs.

Parce que le travail reste un foyer de lutte contre les poli­tiques capi­ta­listes menées depuis le sommet de l’État, nous avons souhaité dans ce numéro nous emparer de cette question : comment sortir de ce « système d’écrasement des femmes (1) », en par­ti­cu­lier des plus précaires ? Une des réponses possibles s’appelle la grève féministe (lire notre article consacré à la grève féministe ). Le 24 octobre 1975, 90 % des Islandaises s’étaient mises mas­si­ve­ment en grève. Refusant de s’occuper de leurs enfants, de faire à manger à leur famille, d’ouvrir les guichets des admi­nis­tra­tions, elles avaient mis leur pays à l’arrêt vingt-quatre heures durant. Dans la foulée de ce mouvement, les habi­tantes de l’île ont obtenu le droit à l’avortement et des gages d’égalité salariale. Depuis une dizaine d’années, partout dans le monde, de l’Amérique du Sud à la Suisse en passant par l’Espagne, des centaines de milliers de femmes se mettent en grève chaque année pour demander la fin de l’oppression de genre.

Qu’est-ce qui nous empêche, en ce début 2025 de suivre leur exemple ? Selon Erica Chenoweth, pro­fes­seure de science politique à Harvard et spé­cia­liste des luttes non violentes, il suffirait que 3,5 % de la popu­la­tion s’engage pour qu’un mouvement de résis­tance civile obtienne des résultats. Quelle que soit la valeur pré­dic­tive de cette théorie, projetons-nous un instant : à l’échelle de notre pays, cela impli­que­rait que 2,4 millions de personnes s’engagent. C’est beaucoup, rapporté aux 100 000 manifestant·es mobilisé·es en France contre les violences de genre en novembre 2024. Mais si les Islandaises l’ont fait il y a cinquante ans, qui plus est sans TikTok ni Instagram, n’est-ce pas à notre portée ? 

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Le numéro n°17 de La Déferlante sur le thème Travailler (février 2025) comporte 128 pages, au lieu de 144. Nous avons décidé de cette baisse de pagi­na­tion afin d’alléger la charge de travail de notre équipe : moins de pages, ce sont moins d’articles à relire, à corriger, à mettre en maquette. Et, en fin de compte, des cadences plus res­pec­tueuses des temps de vie de chacun·e. Ce chan­ge­ment est également une réponse aux remarques formulées par nos lecteurs et lectrices dans le cadre d’une enquête de lectorat réalisée en mai 2024, faisant état d’une revue dense et parfois trop longue à lire en l’espace de trois mois.


(1) Le terme est notamment utilisé par l’historienne des fémi­ni­cides Christelle Taraud pour parler du système de domi­na­tion patriarcale.

Emmanuelle Josse

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Travailler, à la conquête de l’égalité

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°17 Travailler, parue en février 2025. Consultez le sommaire.