À nos lectrices et lecteurs

Dans notre news­let­ter envoyée vendredi dernier, nous avons commis une double erreur : jour­na­lis­tique d’une part, et éthique d’autre part, au regard des enga­ge­ments qui sont les nôtres depuis la naissance de La Déferlante.
Publié le 24 novembre 2023

Dans notre entretien, la juriste Céline Bardet, spé­cia­li­sée dans les crimes sexuels utilisés comme arme de guerre, à qui nous deman­dions : « Y a‑t-il un his­to­rique de violences sexuelles dans le conflit israélo-palestinien ? », a donné cette réponse que nous avons retrans­crite : « Non, c’est le seul au monde où – jusqu’ici en tout cas – la violence sexuelle n’est pas utilisée. L’armée israé­lienne a un système dis­ci­pli­naire extrê­me­ment strict et éprouvé, avec des for­ma­tions sur ces questions. Une ligne rouge a été formulée et posée, ce qui manque encore dans beaucoup de systèmes mili­taires. » Et nous n’y avons pas apporté les éléments contra­dic­toires inhérents à la démarche journalistique.

Vous avez été très nom­breuses et nombreux à réagir, sur les réseaux sociaux et par mail, pour nous dire votre colère à la lecture de ces lignes. De fait, de multiples sources* font état de violences sexuelles commises en Israël et en Palestine depuis 1948. Il était tout aussi pro­blé­ma­tique d’utiliser l’expression « conflit israélo-palestinien », qui ne reflète pas l’asymétrie de la situation sur le terrain, et de reprendre, sans la ques­tion­ner, cette affir­ma­tion selon laquelle l’armée israé­lienne serait exemplaire.
Dans les heures qui ont suivi l’envoi de cette news­let­ter, nous avons modifié l’article publié sur notre site. Céline Bardet y précise son propos, qui portait spé­ci­fi­que­ment sur les violences sexuelles utilisées comme arme de guerre au regard du droit inter­na­tio­nal et de critères juri­diques précis.


Notre enga­ge­ment doit avant tout appa­raître dans nos choix éditoriaux


Cette erreur est celle de notre collectif de rédac­trices en chef. Nous voulons redire ici avec force que nous croyons toutes les femmes victimes de violences sexuelles. Nous croyons les Palestiniennes. Nous croyons les Israéliennes.

Comme beaucoup d’entre vous, nous avons été hor­ri­fiées par les tueries métho­diques commises le 7 octobre par le Hamas, et nous sommes révulsées et sidérées par le massacre en cours des femmes, hommes et enfants palestien·nes, dans le silence assour­dis­sant des dirigeant·es occi­den­taux et occi­den­tales. Nous sommes indignées par la vaste politique de déshu­ma­ni­sa­tion des habitant·es de Gaza et de Cisjordanie, une situation qui résulte du système d’apartheid et de colo­ni­sa­tion mis en place de longue date par l’État d’Israël, comme l’expliquait la juriste franco-palestinienne Rima Hassan dans notre news­let­ter du 10 novembre.

Au tout début de nos réflexions sur la revue, nous avons décidé qu’elle ne com­por­te­rait pas d’édito. Nous ne voulons pas repro­duire cet exercice jour­na­liste sur­plom­bant qui consiste à exposer son opinion sur n’importe quel sujet, sans en être, la plupart du temps, spé­cia­liste. Pour autant, comme nous l’écrivions dans notre manifeste (La Déferlante no 1, mars 2021), « La Déferlante ne se place pas au-dessus de la mêlée : elle prend parti. »

Que ce soit dans notre revue tri­mes­trielle, notre news­let­ter bimen­suelle et main­te­nant aussi à travers les livres que nous publions, nous nous appli­quons à raconter les luttes fémi­nistes et LGBT+ et à docu­men­ter l’époque, dans une pers­pec­tive inter­sec­tion­nelle, en tentant de décons­truire les biais sexistes, racistes et clas­sistes. Nous main­te­nons notre idée, et consi­dé­rons que notre enga­ge­ment doit avant tout appa­raître dans nos choix édi­to­riaux, dans les récits, idées, et images que nous proposons à nos lecteur·ices, dans la hié­rar­chi­sa­tion de l’information que nous défendons. Dans le cas de la news­let­ter du 17 novembre dernier, ce posi­tion­ne­ment a été illisible. Publié en plein massacre du peuple pales­ti­nien, ce texte est apparu comme une occul­ta­tion de ses souffrances.

Lorsque l’on commet des erreurs, il faut savoir les recon­naître, les analyser et tout faire pour ne pas les répéter. Nous nous devons de ques­tion­ner sans relâche la place depuis laquelle nous pro­dui­sons notre média. Et il nous faut dès à présent ajuster les modes de fabri­ca­tion de nos news­let­ters, élargir nos sources et écouter encore davantage la parole des personnes concernées.

À toutes et tous, nous réitérons nos sincères excuses.


* Voici une liste non exhaus­tive de res­sources partagées par nos lecteur·ices en réaction à la news­let­ter de la semaine dernière. Ces sources men­tionnent spé­ci­fi­que­ment les violences sexuelles commises par l’armée ou l’administration péni­ten­tiaire israéliennes :
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