En 1980, le ministre du Travail et de la Participation du gouvernement de Raymond Barre, Jean Matteoli, propose une loi, qui sera promulguée le 28 janvier 1981, pour faciliter le passage au temps partiel. Il explique alors que le temps partiel doit permettre « une organisation plus souple du temps de travail, permettant de mieux concilier, pour ceux qui le souhaitent, les obligations de la vie professionnelle et celles de la vie familiale ». Dans les faits, le temps partiel, qui concerne aujourd’hui plus d’une femme sur quatre, est devenu une modalité qui a pour effet de fragiliser les femmes. Lorsqu’il est « choisi » parce qu’au prétexte qu’il faciliterait l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale, il permet de dégager surtout du temps pour effectuer les tâches domestiques non reconnues et non rémunérées nécessaires à l’entretien du foyer, et, de fait, dans les couples hétérosexuels, ce sont les femmes qui le « choisissent » massivement, tant il apparaît comme naturel que ce sont à elles d’effectuer ce travail gratuit. Par ailleurs, dans certains secteurs, tels que la grande distribution ou les métiers du care, les structures employeuses (entreprises, mais aussi l’État ou les collectivités) y ont recours massivement : il est alors considéré comme « subi » par les travailleuses, exposées à des horaires fragmentés, des revenus moindres, et donc des conditions de travail dégradées.
C’est par exemple le cas des accompagnant·es d’élèves en situation de handicap (AESH) — dont le métier consiste à prendre en charge spécifiquement, au sein de la classe, un·e élève présentant un handicap (que celui-ci soit moteur, comportemental ou cognitif). Comme l’explique la sociologue du travail et du genre, Sophie Pochic, dans un entretien à La Déferlante (février 2025), les femmes représentent 93 % des AESH et c’est, en nombre, le troisième corps de l’Éducation nationale (elles étaient 132 000 à la rentrée 2024). Les contrats sont en majorité des temps partiels imposés et à durée déterminée. En moyenne, les AESH gagnent 850 euros net par mois. Un cas typique de temps partiel subi par des femmes précarisées pour Sophie Pochic, qui souligne le manque de volonté politique sur le sujet : « Si on voulait faire des réformes du travail véritablement féministes, il faudrait s’attaquer au nombre massif de femmes qui touchent le salaire minimum, et lutter contre les emplois à temps partiel imposé, qui devraient […] ne pas être inférieurs à 24 heures par semaine », en vertu de la loi de juin 2013 dite « de sécurisation de l’emploi ».
Lire dans La Déferlante
Tal Madesta, « Les réformes néolibérales s’appuient sur un modèle économique au “masculin-neutre” », La Déferlante n°17, février 2025.
Mélusine, « Comment le genre façonne le marché du travail », La Déferlante n°3, septembre 2021.
Céline Bessière, Fatma Ç၊ng၊ Kocadost, Sibylle Gollac et Mélanie Vogel, « Faut-il rémunérer le travail domestique ? », La Déferlante no2, juin 2021.
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Pour aller plus loin
Sophie Binet, Maryse Dumas, Rachel Silvera, Féministe, la CGT ?, Éditions de l’Atelier, 2019.