Les féministes bousculent les règles
Dans tes souvenirs d’enfance, il y a peut-être, pour toi qui fus socialisée comme une fille, des heures passées à jouer aux Polly Pocket, ces coffrets aux couleurs pastel qui, une fois ouverts, dévoilaient un univers miniature. Tu tenais entre tes mains tout un monde – sans percevoir à quel point il pouvait être un peu étriqué et monochrome, ce monde.
Dans tes souvenirs d’enfance, il y a peut-être, pour toi qui fus socialisé comme un garçon, des méchants pourfendus à l’épée et des maquettes de fusée à envoyer dans l’espace. Tu avais, semble t‑il, toute latitude pour conquérir le monde – et, si tu as suivi ta route de « vrai mec », de « vrai bonhomme », c’est un sentiment qui ne t’a peut-être jamais quitté.
Dans tes souvenirs d’enfance, il y a peut-être, pour toi qui n’as pas été très à l’aise avec ce truc binaire de fille/garçon, un malaise persistant. Ça ne collait jamais : tu voulais à la fois la tendresse des poupées et l’ivresse des matchs de foot.
Mais le fait est qu’on n’autorise pas vraiment les enfants à jouer avec le genre. Dans les rayons des grands magasins, constate le chercheur Kévin Bideaux dans les pages de notre dossier, les jouets des petites filles sont devenus roses, forcément roses. « Les enfants participent à construire l’ordre du genre », confirme de son côté la sociologue Julie Pagis, spécialiste de l’enfance – tout en soulignant le fait que les adolescent·es d’aujourd’hui ont un rapport « moins strictement binaire » au genre. Les lignes bougent, souvent au prix de rudes batailles : la journaliste Lucie Ronfaut montre dans son article comment une prise de conscience s’est opérée ces dernières années sur les violences sexistes propres à l’industrie du jeu vidéo – l’une des plus lucratives au monde. Le collectif des Afrogameuses, qui lutte pour une meilleure représentation des femmes noires dans le secteur, contribue à ce changement des mentalités. Tout comme la championne de poker Rosalie Petit, qui, lors d’un récent tournoi international, arborait un tee-shirt « Girls can do anything ». « La révolution, je peux la mener si je veux », clame cette joueuse professionnelle. Ne jamais hésiter à faire la révolution sur les terrains de jeu : peut-être est-ce là la seule règle à laquelle les enfants devraient obéir.