Keiona et Ebony, des stars qui dérangent

Elles sont au début de leur carrière mais font déjà figure de pré­cur­seuses. Venue de la scène ballroom, Keiona, 33 ans, a été en 2023 la première drag queen noire à remporter la finale de l’émission de télé­cro­chet « Drag Race France ». L’année suivante, c’est au tour d’Ebony, 20 ans, de s’imposer comme une artiste d’exception : elle est finaliste de la « Star Academy », première femme noire à cette place. Dans cet entretien inédit, elles racontent comment elles se sont construites et comment elles com­battent le racisme. 
Publié le 01/05/2025

Ebony et Keiona, à l’exposition « Paris noir », au Centre Pompidou. La salle entiè­re­ment recou­verte de bleu indigo dans laquelle elles se trouvent est l’œuvre de l’artiste mar­ti­ni­quaise Valérie John : Secret(s)… Rêves de pays… Fabrique à mémoire(s)… Palimpseste (1998–2025). Crédit photo : Sophie Palmier pour La Déferlante

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°18 Éduquer, parue en mai 2025. Consultez le sommaire.

C’est au cœur de l’exposition « Paris noir. Circulations artis­tiques et luttes anti­co­lo­niales », au Centre Pompidou, que La Déferlante a proposé d’organiser cette rencontre. 

Une célé­bra­tion de la pro­duc­tion foi­son­nante, longtemps invi­si­bi­li­sée, des artistes afro-descendant·es présent·es à Paris depuis les années 1950 jusqu’à nos jours. Keiona s’arrête sur les images de la chanteuse Grace Jones inter­pré­tant La Vie en rose d’Édith Piaf en 1977, tandis qu’Ebony déambule dans les allées de l’exposition à la recherche d’artistes caribéen·nes.

Contactée pour une rencontre, Keiona avait mis la jeune chanteuse Ebony tout en haut de la liste des personnes avec qui elle avait envie d’échanger. « Je me suis ren­sei­gnée sur ce qu’elle fait musi­ca­le­ment. J’ai vu des covers et des choses qui m’ont inté­res­sée, explique la drag queen. On partage une expé­rience commune à la télé française : on a toutes les deux vécu les choses de l’intérieur de la machine. » Ebony a tout de suite accepté cette pro­po­si­tion, comme elle l’a expliqué d’emblée à Keiona : « Je te suis depuis très longtemps, bien avant que j’entre à la “Star Ac”, bien avant “Drag Race”. Ça me fait trop plaisir de te ren­con­trer, j’étais obligée d’accepter ! » Après avoir accédé l’une et l’autre à la notoriété au travers d’une émission de télé­cro­chet, les deux per­for­meuses désirent marquer de leur empreinte la scène musicale française.

La discussion prend place au milieu de la salle que l’exposition « Paris noir » consacre au courant dit « des nouvelles abstractions ». Derrière Ebony, Triptyque (1990), de l’artiste dominicain Vicente Pimentel. À gauche, l’œuvre du peintre vénézuélien Ismael Mundaray, Wabanoko V (1995).
La dis­cus­sion prend place au milieu de la salle que l’exposition « Paris noir » consacre au courant dit « des nouvelles abs­trac­tions ». Derrière Ebony, Triptyque (1990), de l’artiste domi­ni­cain Vicente Pimentel. À gauche, l’œuvre du peintre véné­zué­lien Ismael Mundaray, Wabanoko V (1995). Crédit photo : Sophie Palmier pour La Déferlante

Nous avons la chance d’être accueillies dans cette belle expo­si­tion « Paris noir » au Centre Pompidou. Les murs de ce musée sont comme un cocon, alors que, au-dehors, nous vivons une période très difficile. Pourquoi est-ce pour vous important de continuer à performer vos arts res­pec­tifs dans ce contexte-là ?

EBONY Avant tout parce que c’est quelque chose qui nous plaît : c’est ça qui est important, peu importe le regard des gens, peu importe leur avis sur ce qu’on produit. On est animées par ce qui nous passionne.

KEIONA Nos exis­tences mêmes sont la source de plein de réactions. On inspire beaucoup de personnes qui nous res­semblent plus ou moins, mais qui peuvent se comparer à nous et à nos vécus.

EBONY Oui, c’est important aussi de donner envie à d’autres personnes qui, des fois, n’osent pas réaliser leur passion.

Ebony pose entre deux œuvres de l’artiste franco- camerounaise Manuèla Dikoumè : Autoportrait 
au vase (1991) et Autoportrait au loup (1991)
Ebony pose entre deux œuvres de l’artiste franco- came­rou­naise Manuèla Dikoumè : Autoportrait
au vase
(1991) et Autoportrait au loup (1991). Crédit photo : Sophie Palmier pour La Déferlante

Comment vous informez-vous au quotidien ?

EBONY Pas forcément de la bonne manière, beaucoup sur les réseaux sociaux. Je suis notamment le compte Insta Paint 1Paint est un média numérique créé par Aline et Cédric Feito, jumelle et jumeau et par ailleurs homosexuel·les. Il entend donner plus de visi­bi­li­té à la com­mu­nau­té LGBTQIA+ fran­co­phone. pour la com­mu­nau­té LGBTQIA+. Mais il faut faire attention sur les réseaux, parce qu’il y a beaucoup de dés­in­for­ma­tion. L’algorithme s’adapte à notre vision du monde. Si une personne ignorante regarde toujours la même dés­in­for­ma­tion qui va dans son sens, elle ne sera jamais bien informée.

KEIONA Je vais beaucoup m’informer sur ce qui se passe aujourd’hui aux États-Unis par rapport à la com­mu­nau­té trans et à toutes les lois qui l’attaquent. Malheureusement, tout ce qui se passe là-bas se reproduit plus tard ici en France.
Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, on a une source d’information inta­ris­sable. Mais on est quand même dans une certaine bulle.

On jouit d’un certain privilège, celui de pouvoir exercer les métiers qu’on aime, de tra­vailler avec des personnes qu’on apprécie. On reste protégées. J’essaie d’aller sur les réseaux à petite dose, parce que, autrement, on tombe dans un rabbit hole2Un rabbit hole ou « terrier de lapin » est un phénomène des réseaux sociaux : les utilisateur·ices sont entraîné·es dans des séquences de contenus cap­ti­vantes sans fin.. Tu es vite submergé·e. Il y a quand même une distance à conserver entre toutes ces choses-là, très graves, qui arrivent dans le monde et nos vécus.


« J’aimerais réussir à créer quelque chose qui me ressemble, pour affirmer mon identité musicale. »

Ebony

Vous préparez res­pec­ti­ve­ment un EP et un album (lire les encadrés). Pour quel type de direction artis­tique et de pro­duc­tion avez-vous opté ?

EBONY J’aimerais réussir à créer quelque chose qui me ressemble, pour affirmer mon identité musicale. J’ai énor­mé­ment d’influences : j’écoute du rap, du R’n’B, de la variété française, de l’afro, de la musique cari­béenne. Il y a quelque chose de très sombre autour de ma musique, qui plaît, même dans ma manière de m’habiller ou de me maquiller au quotidien. Je me retrouve par exemple dans les derniers projets de Rema [auteur-compositeur-interprète nigérian].

KEIONA De mon côté, on va retrouver du funk, de la rave, de la brega funk. J’ai une très grande histoire avec le Brésil. Mais évi­dem­ment, je viens aussi de la ballroom [lire l’encadré ci-dessous], dans laquelle la musique est tout aussi impor­tante que la danse. On l’entend déjà dans mon single Watch Me. La chanson donne envie de danser et de faire un ball ! On m’a connue dans d’autres types d’arts : la scène, le lip sync3Le lip sync ou « syn­chro­ni­sa­tion faciale » est l’une des per­for­mances de la scène drag : il s’agit de chanter en play-back de façon syn­chro­ni­sée., le théâtre aussi. La musique est pour moi une forme de renais­sance. J’ai attendu le bon moment pour que tout s’aligne. J’ai mis trois à quatre mois pour trouver la bonne instru pour Watch Me, pour trouver le son qui cor­res­pond à ma nouvelle image.

Keiona, une légende du voguing

Kevin Kouassi, de son nom civil, grandit dans une famille ivoi­rienne aisée entre l’Essonne et la Côte d’Ivoire. En 2011, il participe à ses premiers ballrooms, en expres­sion de genre masculine. L’année suivante, il crée son alter ego féminin, Keiona, en par­ti­ci­pant à la catégorie vogue fem, danse emblé­ma­tique du voguing. En parallèle, il devient conseiller de vente pour des marques de luxe comme Paco Rabanne et Prada. 

En 2018, Keiona fait partie des performeur·euses voguing invité·es à l’Élysée à l’occasion de la Fête de la musique au côté du DJ Kiddy Smile. Celui-ci porte un tee-shirt « Fils d’immigré, noir et pédé », ce qui provoque une vague de haine en ligne.

Les cachets des performeur·euses sont reversés à une asso­cia­tion de soutien aux personnes migrantes. En 2022, la carrière de Keiona prend une dimension inter­na­tio­nale : elle participe avec sa house (House of Revlon), à l’émission de voguing Legendary diffusée sur HBO aux États-Unis.

En 2023, Keiona est déjà une figure incon­tour­nable du voguing, quand elle revient en France pour intégrer le casting de la deuxième édition de « Drag Race France ». Sa maîtrise de la danse et de la per­for­mance lui permet de remporter l’édition. Elle enchaîne avec l’émission « Danse avec les stars » au côté du danseur Maxime Dereymez, de l’humoriste Inès Reg et de la chanteuse Natasha St-Pier. Keiona se lance dans la musique en mars 2025 avec son premier single, Watch Me, calibré pour la ballroom.

Ebony, lors de la finale de la « Star Academy » en janvier 2025, Aya Nakamura vous a qualifiée, sur Instagram, de « star en devenir qui dérange ». Que repré­sente cette chanteuse franco-malienne pour les femmes noires dans l’industrie de la musique en France ?

EBONY Aya est une star qui dérange, qui déplaît. Mais ses streams [écoutes] parlent d’eux-mêmes. En tant que femme noire, elle nous montre qu’on peut réussir dans l’industrie de la musique : être au top et ne pas sys­té­ma­ti­que­ment finir en bas du classement.

KEIONA Je suis per­son­nel­le­ment une grande fan d’Aya. Elle est venue du Mali quand elle était toute petite, puis a grandi à Aulnay-sous-Bois [Seine-Saint-Denis]. Sa façon de chanter s’inspire de ses origines, des griottes maliennes, de leur timbre de voix. Quand Aya chante, elle nous parle. On comprend direc­te­ment ce qu’elle nous dit. Elle a créé un lien avec un certain public. Ce public est beaucoup plus nombreux et plus large que ce à quoi les gens s’attendaient, c’est ça qui a vraiment dérangé. Mais elle touche aussi énor­mé­ment de monde, à l’étranger, des personnes qui ne parlent pas français et qui pourtant streament sa musique.

Keiona entre les toiles de Vincente Pimentel et d’Ismael Mundarey.
Keiona entre les toiles de Vincente Pimentel et d’Ismael Mundarey. Crédit photo : Sophie Palmier pour La Déferlantef

Quelles sont les per­son­na­li­tés noires, et notamment les artistes, qui vous ont influencées ?

EBONY Michael Jackson4Plusieurs hommes ont accusé Michael Jackson de les avoir soumis à des violences sexuelles quand ils étaient enfants. Dans un cas, une tran­sac­tion à l’amiable lui a évité le procès ; dans l’autre, il a été acquitté. Les deux derniers témoi­gnages sont inter­ve­nus après sa mort, en 2009. a été le premier chanteur que j’ai écouté quand j’étais petite. J’ai longtemps été addict au titre Thriller. Je regardais le clip même s’il me faisait peur, j’étais fascinée. Bien sûr, Queen B [Beyoncé], que j’ai écoutée toute petite aussi. Rihanna est également une figure impor­tante pour moi. Martin Luther King m’a aussi beaucoup inspirée.

KEIONA Petite, j’adorais Whitney Houston. À l’époque du collège, j’écoutais Beyoncé et Janet Jackson évi­dem­ment. Je l’ai toujours appelée « la pop star qui chuchote à l’oreille des gens », parce qu’elle a cette voix très cris­tal­line, très suave, qui lui est propre. Musicalement, je dois parler de Nicki Minaj aussi. Toute sa DA [direction artis­tique] est authen­tique, à l’image de celle d’Aya Nakamura. Nicki Minaj a toujours été Nicki, depuis l’époque de sa première mixtape de rap. Elle n’avait sim­ple­ment pas les moyens qu’elle a aujourd’hui. Son per­son­nage Harajuku Barbie [un des alter ego de Nicki Minaj] était déjà là avec ses chaînes et ses mèches roses. La façon dont elle rappe et dont elle parle est unique.

Le 26 juillet 2024, Aya Nakamura chante à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, sous escorte musicale de la Garde républicaine. Pour Ebony, « en tant que femme noire, Aya nous montre qu’on peut réussir dans l’industrie de la musique ».
Esa Alexander / POOL / AFP
Le 26 juillet 2024, Aya Nakamura chante à la cérémonie d’ouverture des Jeux olym­piques de Paris, sous escorte musicale de la Garde répu­bli­caine. Pour Ebony, « en tant que femme noire, Aya nous montre qu’on peut réussir dans l’industrie de la musique ».
Esa Alexander / POOL / AFP

Comme Aya Nakamura, vous venez toutes deux de la banlieue pari­sienne : Keiona, de l’Essonne, et Ebony, de Seine-Saint-Denis. En quoi cela a‑t-il joué un rôle dans votre parcours ? Quel regard portez-vous aujourd’hui sur les villes où vous avez grandi ?

EBONY J’ai emménagé sur l’île Saint-Denis [en Seine-Saint-Denis] quelques mois avant d’intégrer le château de la « Star Academy », mais j’ai grandi dans le dépar­te­ment des Hauts-de-Seine, à Colombes. Puis, au lycée, j’ai déménagé dans la ville d’à côté, à Asnières-sur-Seine. Colombes est une ville coupée en deux. Il y a un côté riche et un côté plus… défa­vo­ri­sé, même si je n’aime pas utiliser ce mot. 

J’ai été sco­la­ri­sée dans une école privée. J’ai côtoyé des personnes avec plus de moyens que moi. Je me demandais souvent : « Est-ce que je suis vraiment à ma place ? Est-ce que je suis légitime ? » En marchant dans le centre-ville, je me demandais si j’avais le droit d’être là. C’est horrible, mais je n’en ai jamais vraiment parlé. 

Plus tard, j’ai été sco­la­ri­sée dans une école publique et je m’y sentais bien. Mais je conti­nuais à me poser des questions sur ma place et sur la manière dont je devais me comporter. J’ai pu trouver des gens avec qui je me sentais moi-même et d’autres, notamment, de la com­mu­nau­té qui me lançaient : « T’es pas une vraie Noire ! Tu tra­vailles bien à l’école, tu es trop francisée ! » Des fois c’était l’inverse : « Tu es trop noire donc tu ne peux pas être ma copine. » Je me suis nourrie de la pluralité de Colombes. Je suis très fière de là d’où je viens, mais tu vis une dualité quand tu viens de banlieue et que tu es une personne racisée.

KEIONA J’ai grandi dans une petite cité de Draveil, rela­ti­ve­ment calme comparée aux villes d’à côté, comme Grigny, Vigneux ou Villeneuve-Saint-Georges. Grandir avec une grosse fibre artis­tique, sans avoir du tout peur de l’exprimer mais sans être forcément au bon endroit pour ça, c’était un peu risqué… Je n’ai pas été éduquée comme une personne qui devait tout le temps s’excuser. Quand tout le monde est en ensemble Nike ou Adidas et que je me pointe en cravate rose, petit gilet, tout droit sorti d’High School Musical, forcément, ça détonne un peu ! I’ve never been a follower ! [Je n’ai jamais été une suiveuse !] 

J’ai grandi entre l’Essonne et la Côte d’Ivoire. J’ai fait des allers-retours entre les deux pays tout au long de ma jeunesse, à peu près tous les deux ans. À l’internat en Côte d’Ivoire, c’était uniforme obli­ga­toire. Mais pendant les vacances d’été, à Paris, j’avais déjà commencé à déve­lop­per ce style plus queer, qui était com­plè­te­ment à l’opposé de ce que tout le monde mettait. Les gens étaient perplexes quand je m’habillais : « Mais qu’est-ce qu’il fait ? C’est quoi le look pour venir en cours ? » J’avais surtout dix mois d’avance, comme main­te­nant. J’avais déjà la vision. Je leur répondais : « Dans High School Musical, ils mettent ça pour aller à l’école, alors je le mets aussi ! » À partir du moment où ça ne posait pas de problème aux profs et que ça n’était pas déro­ga­toire au règlement de l’école et au dress code, je le faisais. 

Et oui, il y a eu un peu de bullying [har­cè­le­ment]. J’ai vécu des dis­cri­mi­na­tions, mais je me dis que ça forge le caractère. Ça me sert aujourd’hui dans ma vie pro­fes­sion­nelle pour dis­tin­guer les méchants des gentils. Je rejoins Ebony sur cette dualité qu’on peut vivre en banlieue. Tu as ce groupe d’ami·es de l’école qui te soutient vis-à-vis de ton style. Mais quand tu retournes dans ton quartier, on va trouver que tu t’identifies trop à tes potes du lycée, qui n’ont pas forcément les mêmes origines que toi.

Quel regard portez-vous, Keiona, sur la construc­tion de la mas­cu­li­ni­té là où vous avez grandi ?

KEIONA Dans nos com­mu­nau­tés afri­caines, on n’enseigne pas forcément aux garçons à être des hommes, mais plutôt à ne pas être des filles. On me disait : « Ne fais pas ça, c’est pour les filles ! » Soit, mais que font les garçons dans ce cas ? Les filles ont une intel­li­gence émo­tion­nelle beaucoup plus tôt. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai toujours navigué autour des filles. J’étais feminist from day one ! [féministe depuis le premier jour !] Finalement, les garçons arrivent à 18, 19, 20 ans sans intel­li­gence émo­tion­nelle, et les inter­ac­tions avec la gent féminine sont déplorables.

Ebony, vous avez subi des violences racistes et sexistes, notamment le 22 mars 2025 lors d’un concert (lire l’encadré ci-dessous) : vous mettre à genoux face au public, qu’est-ce que ça signi­fiait à ce moment-là ?

EBONY Il y a eu plein de mal­en­ten­dus sur ce moment. Je ne me suis pas mise à genoux pour les haters [personnes qui expriment leur haine sur les réseaux sociaux]. J’ai d’abord réagi en disant sur scène que la haine n’avait pas sa place dans cette salle. Puis, on a rechanté avec le groupe et j’ai fait le salut final. Après mon discours, j’ai ressenti une dose d’amour énorme. Le public a scandé mon nom, des gens pleu­raient dans le public. Je voulais remercier ce retour de flamme. L’amour a remplacé la haine.

Ebony, née dans la musique

Ebony Cham est la fille du chanteur zouk gua­de­lou­péen Thierry Cham, qui perce à la fin
des années 1990 avec des hits comme Nuit blanche (1994) ou Océan (2000). La jeune fille grandit dans un foyer rempli de musique. À 12 ans, elle monte sur scène avec son père au Cabaret sauvage à Paris dans le cadre d’un festival de zouk. 

Adolescente, Ebony poste des vidéos de ses propres per­for­mances musicales sur les réseaux sociaux. Elle étudie ensuite la musique dans une école de jazz. En septembre 2024, elle intègre la douzième promotion de la
« Star Academy », une émission de diver­tis­se­ment qui reprend les codes du télé­cro­chet, et dont les participant·es sont filmé·es au quotidien dans le château où elles et ils résident. Ebony survole la sélection. En novembre, elle inter­prète Sweet Dreams de Eurythmics dans un tableau légen­daire mêlant danse et chant. Mais elle fait pendant
des mois l’objet d’un cybe­rhar­cè­le­ment raciste et sexiste. Endemol, la société de pro­duc­tion de l’émission, ainsi que l’association SOS Racisme portent plainte. En janvier 2025, elle s’incline en finale face à Marine Delplace, qui remporte la « Star Academy ». 

À la sortie du château, Ebony Cham signe avec Epic Records. Elle participe au Sidaction en reprenant sur scène, avec le chanteur Bilal Hassani, le tube Bad Romance, de Lady Gaga. En mars 2025, lors d’une date de la tournée de la « Star Academy » à Lille, Ebony dénonce sur scène un geste de haine que lui a adressé une spec­ta­trice depuis le parterre. Ce geste raciste et la prise de parole de la chanteuse entraînent une nouvelle vague de cybe­rhar­cè­le­ment à son égard.

Comment parvenez-vous à déployer cette douceur face à la haine raciale à laquelle vous êtes confrontée ?

EBONY Déjà, j’ai été énor­mé­ment protégée à l’intérieur de la « Star Academy ». Je n’étais au courant de rien du tout. En revoyant certaines séquences, j’ai compris pourquoi certaines personnes pensaient que je savais ce qui se passait à l’extérieur. Il y a plein de discours que j’ai pu avoir dans le château qui étaient comme des réponses à cette haine. En fait, je parlais sim­ple­ment de mes traumas d’enfance.

À la sortie de la « Star Ac », je suis tombée sur une vidéo de l’influenceuse Sally. Elle a fait un review de tous les com­men­taires me concer­nant pendant la « Star Ac » et là, j’ai tout vu. C’est la seule fois où j’ai pris les choses vraiment bru­ta­le­ment. J’ai fait une petite crise pendant deux jours, puis c’est passé. J’ai une partie de moi remplie de tendresse pour les autres, et une autre où je rentre chez moi et je tombe sur des din­gue­ries sur les réseaux sociaux. Face à ça, je peux com­prendre que certaines personnes réagissent d’une manière plus virulente. Mais mon père et ma mère m’ont toujours transmis cette éducation d’amour et de paix. C’est important pour moi de ne pas entrer dans le jeu des racistes et de celles et ceux qui répandent la haine.


« Mon père et ma mère m’ont toujours transmis une éducation d’amour et de paix. C’est important pour moi de ne pas entrer dans le jeu des racistes et de celles et ceux qui répandent la haine. »

Ebony

La drag queen Soa de Muse de la première édition de « Drag Race France » a témoigné5Estelle Ndjandjo, « Queens et Noires : comment les clichés racistes s’infiltrent jusque sur les scènes du drag », Mediapart, 29 juin 2023. du racisme dont elle faisait l’objet lors de la tournée qui avait suivi l’émission. Keiona, avez-vous vécu une expé­rience similaire ?

KEIONA Je n’en ai pas le souvenir. Mais en parlant avec d’autres can­di­dates de « Drag Race », je me suis rendu compte que certaines personnes ne savent pas interagir avec nous ou avec notre art. Il y a des remarques et des gestes qui ne sont pas mal­veillants, mais plutôt ignorants. La vraie fatigue, c’est de devoir éduquer les gens, alors que tout est dis­po­nible sur les réseaux pour s’informer.

De toute manière, avoir des haters, ça fait vraiment partie d’une success story. Moi, j’ai toujours dit à mes copines : « Si vous n’avez pas de haters, you’re not doing it right [vous ne le faites pas bien]. » Il faut avoir des haters, c’est vraiment un moteur. Quand je me lève, je vais voir des com­men­taires négatifs sur les réseaux et je me dis : « Je vais encore écrire une belle chanson aujourd’hui. »

EBONY Je suis allée voir des com­men­taires sous les vidéos du concert à Lille. Ils disent toujours : « Pourquoi elle a fait du cinéma ? Elle n’a jamais subi de racisme ! » Sincèrement, qu’est-ce qu’il vous faut de plus ? Il y a des gens qui nient le racisme présent en France. Qui veulent que tout soit beau, sauf que ce n’est pas la vérité. Certaines personnes vivent dans une bulle, avec des res­sources d’information limitées et des œillères.


« Il y a des remarques et des gestes qui ne sont pas mal­veillants, mais plutôt ignorants. La vraie fatigue, c’est de devoir éduquer les gens. »

Keiona

Avant le succès à « Drag Race », c’est sur la scène de la ballroom que vous avez émergé, Keiona. Avez-vous le sentiment que cet univers que vous avez fréquenté ces dix dernières années est aujourd’hui devenu mainstream ?

KEIONA Oui, mais ce n’est pas si mal. Énormément de personnes dans la scène ballroom béné­fi­cient de cette expo­si­tion, que ce soit dans des séries télé, des docu­men­taires ou des créateur·ices de mode. Ces gens sont crédités et payés pour leur art. Beyoncé, qu’on apprécie beaucoup, a basé son esthé­tique sur la scène ballroom bien avant l’album Renaissance. Les clips Crazy in Love et Freakum Dress par exemple sont très ballroom coded. Les artistes noir·es de la com­mu­nau­té queer de New York, avec qui elle a travaillé, y sont pour beaucoup. Notre univers reste préservé. Il y a des règles. Il y a des parties de la per­for­mance qu’on ne peut pas filmer, des choses qu’on ne peut pas dire, des choses qu’on ne peut pas faire. On a un·e MC [maître·sse de cérémonie]. Tout est sacré et céré­mo­nial. On a vraiment créé un safe space. On ne va pas inviter le petit mec blond bourré, qui vient avec sa bière sur le dan­ce­floor et la renverse partout. Ce n’est pas un night-club ! On est bien obligé·es de protéger notre espace, c’est le contre­coup de l’exposition.

Ebony lors de la finale de la « Star Academy » sur TF1, le 25 janvier 2025.
Ebony lors de la finale de la « Star Academy » sur TF1, le 25 janvier 2025. JP PARIENTE / SIPA

Est-ce qu’il y a, au sein des équipes de pro­duc­tion des émissions aux­quelles vous avez participé, une conscience des enjeux raciaux ?

KEIONA Pas com­plè­te­ment, mais il y a un effort qui est fait quand même pour protéger au maximum les candidats et les can­di­dates. Personnellement, dans toutes les émissions aux­quelles j’ai participé, j’ai essayé de placer mes pions : j’exprimais clai­re­ment les choses que je n’aimais pas, ce que je voulais porter, ce que je ne voulais pas porter.

EBONY Les pro­duc­tions mettent à notre dis­po­si­tion des inter­mé­diaires [attaché·es de presse ou res­pon­sables des relations publiques] qui nous viennent en aide et nous accom­pagnent. D’ailleurs il me semble que nous avons les mêmes toutes les deux [Keiona acquiesce]. Il y a toujours des personnes bien­veillantes qui peuvent faire passer un message à la pro­duc­tion si quelque chose nous dérange. Je pense que les questions raciales dépassent le cercle de nos émissions de télé. Globalement, personne n’est bien formé sur ce sujet.


« Les questions raciales dépassent le cercle de nos émissions de télé. Globalement, personne n’est bien formé sur ces sujets. »

Ebony

Vu les poli­tiques dis­cri­mi­na­toires qu’il promeut, le chef de l’État lui-même ne semble pas bien au fait de ces questions. Keiona, regrettez-vous la per­for­mance que vous avez donnée à l’Élysée, en 2018, en compagnie du DJ Kiddy Smile, à l’occasion de la Fête de la musique ?

KEIONA Pas du tout ! Je regrette juste de ne pas être venue en drag ce jour-là. La voiture est venue me chercher direc­te­ment au travail, direction le palais de l’Élysée et je n’ai pas eu le temps de me préparer. C’est le genre de choses qu’il faut faire pour montrer aux gens à quel point nos exis­tences sont réelles. Nous voir performer avec Kiddy sur le perron de l’Élysée, ça a fait réaliser aux Français et aux Françaises qu’il y a vraiment des personnes queers et racisées bookées à l’Élysée. Ce n’est pas une fable. Brigitte Macron nous a accueilli·es, elle a été super sympa. Le message, c’était de dire : « Nous sommes des artistes. Nous avons notre place sur l’échiquier politique et dans cet espace. Nous existons aussi en tant que citoyen·nes et nous votons. » De plus, l’événement était caritatif. C’est l’unique raison qui nous a poussé·es à accepter l’invitation.

Le 21 juin 2018, le DJ Kiddy Smile (aux platines) se produit à l’Élysée pour la Fête de la musique. L’invitation ulcère la droite et l’extrême droite. « Le message, c’était de dire : nous avons notre place sur l’échiquier politique et dans cet espace », rappelle Keiona, qui faisait partie des danseur·euses (tout à droite).
EPA / CHRISTOPHE PETIT TESSON / POOL MAXPPP OUT
Le 21 juin 2018, le DJ Kiddy Smile (aux platines) se produit à l’Élysée pour la Fête de la musique. L’invitation ulcère la droite et l’extrême droite. « Le message, c’était de dire : nous avons notre place sur l’échiquier politique et dans cet espace », rappelle Keiona, qui faisait partie des danseur·euses (tout à droite).
EPA / CHRISTOPHE PETIT TESSON / POOL MAXPPP OUT

EBONY Cette per­for­mance à la Fête de la musique a eu un impact sur beaucoup de monde, dont moi. J’étais en troisième. Je me souviens avoir vu les photos et m’être dit : « Waow, c’est iconique ! »

KEIONA Nous avons aussi reçu beaucoup de messages de haine à la suite de cette per­for­mance. Après le show, je suis rapi­de­ment rentrée chez moi. J’ouvre Twitter et je vois les com­men­taires. Je me rends compte que beaucoup de gens n’ont pas aimé qu’on soit là. J’ai vu des posts comparant la venue de la reine d’Angleterre sur le perron de l’Élysée et notre per­for­mance sur le même perron… Sincèrement, quel intérêt de comparer ces deux événements ?

Est-ce que vous assumez également d’avoir participé au clip contre les LGBTphobies commandé par le gou­ver­ne­ment de Gabriel Attal en 2024 ?

KEIONA Ma présence peut déranger dans certains espaces, qui sont à la base des espaces blancs ou pas fait pour des personnes queers. J’ai confiance en moi, et quand j’arrive dans mon look, avec ma façon de parler, ça dérange. Prendre la parole pour ces causes-là, qui me tiennent à cœur, à moi et à ma com­mu­nau­té, je pense que c’est hyper important. Nous, personnes queers racisées, nous ne sommes pas des dis­trac­tions. Nous existons et nous mourons. En France, il y a des gens qui meurent parce qu’ils sont gays.


« Nous, personnes queers racisées, nous ne sommes pas des dis­trac­tions. Nous existons et nous mourons. »

Keiona

Ebony, les attaques que vous avez subies ont contribué à popu­la­ri­ser le concept de myso­gi­noir6Le terme «miso­gy­noir» décrit une forme de dis­cri­mi­na­tion, à l’égard des femmes noires spé­ci­fi­que­ment, qui combine misogynie et racisme. Consulter notre glossaire. Est-ce un terme que vous utilisez et défendez ? Et vous Keiona, en tant que drag, que vous évoque ce terme ? Craignez-vous d’être cari­ca­tu­rées en angry black women, des femmes noires en colère ?

EBONY Moi, j’ai toujours été consi­dé­rée comme une femme noire en colère. J’avais vaguement entendu parler de miso­gy­noir à propos d’Aya Nakamura, avant ce qui m’est arrivé à la « Star Academy ». Je ne suis pas allée m’informer, j’ai très mal compris ce que ça voulait dire, j’ai eu une prise de conscience tardive. C’est différent quand les choses nous arrivent à nous. Et puis j’ai eu des flash-back de toutes les situa­tions où, en fin de compte, j’ai été confron­tée à de la miso­gy­noir. J’ai pu mettre des mots sur ces situa­tions. Alors aujourd’hui c’est un mot que je défends, bien sûr.

KEIONA Le sté­réo­type de la femme noire en colère est très réducteur pour toutes les personnes noires et fem [femmes]. C’est une pro­jec­tion de ce que les gens veulent voir de nos corps, de nos arts et de ce qu’on repré­sente. C’est comme si on était toutes la même personne, alors que toutes les femmes noires sont différentes.

Au ball La Récré, à L’Alimentation générale à Paris, en avril 2018. Keiona, mother de la House of Revlon, est sur le point de réaliser un dip. Cette figure emblématique du voguing consiste 
à tomber au sol sur le dos, une jambe repliée et l’autre tendue en l’air.
Photo publiée dans le portfolio 
de La Déferlante no 10, mai 2023.
Teresa Suárez
Au ball La Récré, à L’Alimentation générale à Paris, en avril 2018. Keiona, mother de la House of Revlon, est sur le point de réaliser un dip. Cette figure emblé­ma­tique du voguing consiste à tomber au sol sur le dos, une jambe repliée et l’autre tendue en l’air. Photo de Teresa Suárez publiée dans le portfolio de La Déferlante no 10, mai 2023.

Kova Rea, drag queen noire âgée d’une soixan­taine d’années, regrette le manque de trans­mis­sion inter­gé­né­ra­tion­nelle parmi les drags noires. Comment vous saisissez-vous de cette question, Keiona ? Quel conseil de grande sœur souhaiteriez-vous donner à Ebony ?

KEIONA C’est un conseil que je donne à mes filles [lire l’encadré ci dessous]. J’ai des filles trans, des filles drags, des filles queers aussi. Le conseil que je leur donne, c’est de ne jamais, jamais, jamais s’excuser d’être elles-mêmes. Ebony, tu as mal­heu­reu­se­ment vécu un concentré de haine dans un espace-temps réduit à la « Star Ac », mais ne doute pas de toi, parce que nous, on a besoin de qui tu es et de ce que tu repré­sentes. Les futures géné­ra­tions, qui vont venir après toi, vont regarder tout ce que tu as fait, tout ce que tu as dit, dont cette interview avec La Déferlante, mais aussi tes chansons et tes per­for­mances. Il faut vraiment mettre ton essence, ton authen­ti­ci­té dans ton art, parce que c’est ça qui fait qu’on t’aime. •

Aux origines de la ballroom

La ballroom est un mouvement culturel d’expression queer qui émerge dans les clubs de la scène under­ground gay afro et latino de New York au cours des années 1980. La ballroom est organisée en house (maison), à la tête des­quelles se trouvent des « mères » (mothers) qui prennent sous leur aile les personnes moins expé­ri­men­tées, qui deviennent leurs « filles » (daughters).

Les maisons se défient dans le cadre de balls (bals) où les participant·es per­forment dans dif­fé­rentes caté­go­ries – Realness, où on juge leur capacité à se fondre dans la norme des hommes ou des femmes cis hété­ro­sexuelles, ou Bizarre qui porte sur la créa­ti­vi­té des costumes… Ces caté­go­ries peuvent inclure le drag et la danse. C’est au sein de la culture de la ballroom que le danseur Willi Ninja popu­la­rise le voguing : cette danse consiste à imiter les poses de magazines de mode jusqu’à l’outrance et au manié­risme. Le grand public la découvre avec le clip Vogue, que signe Madonna en 1990. 

En 1991, le film Paris is burning de Jennie Levingston immor­ta­lise ces com­mu­nau­tés racisées et queers mar­gi­na­li­sées. En France, la scène ballroom émerge à la fin des années 2010 à Paris avec des performeur·euses
afro-descendant·es comme le DJ Kiddy Smile, Nikki Gucci ou encore Matyouz. Des balls sont organisés
au Carreau du Temple ou encore à la Gaîté lyrique.

Entretien et photos réalisé·es dans l’exposition « Paris noir. Circulations artis­tiques et luttes anti­co­lo­niales (1950–2000) », au Centre Pompidou, le 1er avril 2025.

  • 1
    Paint est un média numérique créé par Aline et Cédric Feito, jumelle et jumeau et par ailleurs homosexuel·les. Il entend donner plus de visi­bi­li­té à la com­mu­nau­té LGBTQIA+ francophone.
  • 2
    Un rabbit hole ou « terrier de lapin » est un phénomène des réseaux sociaux : les utilisateur·ices sont entraîné·es dans des séquences de contenus cap­ti­vantes sans fin.
  • 3
    Le lip sync ou « syn­chro­ni­sa­tion faciale » est l’une des per­for­mances de la scène drag : il s’agit de chanter en play-back de façon synchronisée.
  • 4
    Plusieurs hommes ont accusé Michael Jackson de les avoir soumis à des violences sexuelles quand ils étaient enfants. Dans un cas, une tran­sac­tion à l’amiable lui a évité le procès ; dans l’autre, il a été acquitté. Les deux derniers témoi­gnages sont inter­ve­nus après sa mort, en 2009.
  • 5
    Estelle Ndjandjo, « Queens et Noires : comment les clichés racistes s’infiltrent jusque sur les scènes du drag », Mediapart, 29 juin 2023.
  • 6
    Le terme «miso­gy­noir» décrit une forme de dis­cri­mi­na­tion, à l’égard des femmes noires spé­ci­fi­que­ment, qui combine misogynie et racisme. Consulter notre glossaire

Les mots importants

Misogynoir

Ce terme a été concep­tua­li­sé par la cher­cheuse et...

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Estelle Ndjandjo

Estelle Ndjandjo est journaliste chez Arrêts sur images, et collabore avec de nombreux autres médias. Également porte-parole de l’AJAR (l’association des journalistes antiracistes et racisées), elle co-signe l’enquête sur les VSS commises contre les femmes noires dans les milieux culturels. Voir tous ses articles

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Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°18 Éduquer, parue en mai 2025. Consultez le sommaire.