J’ai commencé à suivre la scène ballroom en 2017, à Paris. À l’origine, ces balls remontent au début du XXe siècle aux États-Unis, avec les concours de beauté réservés à la communauté travestie.
Puis, dans les années 1960, la drag queen Crystal LaBeija dénonce le racisme et la normativité des canons de beauté blancs, et crée sa propre compétition ouverte aux femmes trans noires et latines. Les balls deviennent alors le refuge de toute une communauté exposée à la haine. Depuis les années 1980, ces shows ont pris une place très importante dans la culture LGBT+ afro-latine. La communauté s’organise en houses (des « maisons » dirigées par une mother ou un father), elles offrent un foyer aux children, qui y trouvent une famille choisie. En 2010, cet univers est importé à Paris par la Mother Lasseindra Ninja, figure majeure de la scène voguing internationale. Avec la Mother Steffie Mizrahi, elles mettent en place ce qui fait aujourd’hui de Paris la capitale de la scène ballroom européenne.
Je me suis d’abord intéressée à cette communauté en tant que spectatrice. Il y avait déjà des photos de la scène parisienne, mais les photographes se concentraient surtout sur les grands noms de la scène, et représentaient des corps sexualisés. Ce que je voulais montrer, c’était la force, le corps comme outil politique. La majorité des articles consacrés au voguing ne gardent que la flamboyance du ballroom et oublient ses origines. La scène ballroom a toujours été et continue d’être un espace de rencontre pour des communautés qui subissent, encore aujourd’hui, des violences racistes, homophobes et transphobes.
Dans les balls, les mouvements et les lumières sont difficiles à photographier, c’est pourquoi j’ai choisi d’utiliser le noir et blanc, pour mieux les percevoir. Cette série est le résultat de deux années de travail. Elle se concentre sur les espaces, les mouvements des danseur·euses et les émotions du public, afin de montrer l’esprit d’une communauté qui se transforme sans jamais oublier son histoire.
« La scène ballroom a toujours été et continue d’être un espace de rencontre pour des communautés qui subissent, encore aujourd’hui, des violences racistes, homophobes et transphobes. »
Teresa Suárez