En partenariat avec plusieurs médias, dont La Déferlante, le collectif de journalistes indépendant·es Youpress publie en ce mois de mars une grande enquête journalistique sur le phénomène mondial des féminicides politiques. Femmes élues, activistes, membres d’associations ou encore journalistes : elles paient quotidiennement leur engagement public par des menaces, des viols et des assassinats. Mona Lena Krook, professeure de sciences politiques à l’université Rutgers, dans le New Jersey (États-Unis), explique dans cet entretien en quoi s’intéresser au genre des victimes de violences politiques permet de mieux comprendre les luttes sociales et leur répression, à l’échelle de la planète.
Comme point de départ à son travail d’enquête, le collectif Youpress a mobilisé deux data journalistes pour constituer une base de données inédite sur les féminicides politiques à travers le monde. En analysant près de 300 cas d’assassinats au prisme du genre, en retraçant le parcours de chacune de ces activistes et en revenant sur les circonstances de leur mort, les journalistes ont pu établir qu’une partie de ces femmes avaient été assassinées non seulement en raison leur engagement politique, mais aussi en raison de leur genre.

Le meurtre de Berta Caceres a été commandité par une entreprise hydroélectrique contre laquelle elle militait
En quoi est-il pertinent de parler de « féminicide politique » ?
Dans la plupart des pays, les femmes sont en première ligne des combats pour la justice sociale. Quand une militante est tuée, il ne s’agit pas seulement d’une perte individuelle, mais aussi d’une perte pour les luttes qu’elle incarne. C’est donc pertinent de s’intéresser à ce qui lui est arrivé, non seulement par égard pour la vie de cette personne, mais aussi à l’échelle de toute la communauté. Étudier ce concept pourrait permettre de mieux étudier les violences contre les femmes en politique de manière générale.
Comment prouver que ces activistes sont tuées parce qu’elles sont militantes et femmes à la fois ?
C’est une question sur laquelle j’ai beaucoup travaillé. Ce qui compte selon moi, c’est d’identifier l’intention de l’assassin et l’impact du meurtre. L’intention genrée peut être prouvée facilement quand il y a des violences sexuelles par exemple. Ce fut le cas au Zimbabwe avec le recours au viol contre les opposantes politiques au régime de Robert Mugabe, en 2008. D’autres indices existent, comme l’emploi de formes particulières de violences psychologiques ou physiques [insultes sexistes, diffamation, atteinte à la réputation, acharnement sur le corps]. […] LIRE LA SUITE
QUAND UNE MILITANTE EST TUÉE, IL NE S’AGIT PAS SEULEMENT D’UNE PERTE INDIVIDUELLE MAIS AUSSI D’UNE PERTE POUR LES LUTTES QU’ELLE INCARNE.
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