No Anger : « La sexualité des personnes handicapées est infantilisée »

Publié le 17/01/2023
mock-up La Déferlante 9 : entretien avec No Anger « La sexualité des personnes handicapées est infantilisée »
Alice Bienassis
Dans cet entretien, l’artiste et politiste No Anger analyse la manière dont les représentations culturelles figées des corps « hors normes » nous emprisonnent dans une vision limitée et limitante du désir. Dès lors, comment faire en sorte que la sexualité des femmes, des personnes LGBT+ et des personnes handicapées se libère du poids des regards normatifs ? 

 

Activiste, artiste et cher­cheuse, No Anger s’est d’abord fait connaître en 2014 par son blog, À mon geste défendant, dans lequel elle mène, à partir de sa propre expé­rience, une réflexion féministe et queer sur le handicap physique. Elle réalise aussi des per­for­mances artis­tiques dans les­quelles elle se met en scène, et développe une pensée critique du validisme, qui fait du vécu des personnes han­di­ca­pées une expé­rience non sou­hai­table. No Anger est également docteure en sciences poli­tiques. Dans sa thèse, elle analyse comment la vision du monde produite par la télé­vi­sion, le cinéma ou la publicité impacte la manière dont sont com­mu­né­ment perçus les corps des femmes et des personnes LGBT+ et aliène leur sexualité. 

 

Quels effets les repré­sen­ta­tions tra­di­tion­nelles de la sexualité ont-elles sur notre regard, et donc sur nos sexua­li­tés? 

Ma thèse s’inspire en partie des épis­té­mo­lo­gies fémi­nistes qui montrent que c’est le point de vue masculin – et donc dominant – qui structure les visions du monde et la pro­duc­tion des savoirs. Ma seconde source d’inspiration est la socio­lo­gie bour­dieu­sienne, qui pose que la vision dominante du monde est celle produite par la classe la plus pri­vi­lé­giée parce que c’est elle qui possède les moyens de pro­duc­tion et de diffusion des discours sur le monde – et donc sur les corps, via le cinéma et les médias. 

Au fil du temps, les manières de penser les corps se sont réduites, car cette narration dominante s’est natu­ra­li­sée –elle est main­te­nant perçue comme naturelle– et n’est plus remise en question. Elle est pensée comme le seul regard possible: j’appelle ça le ver­rouillage du regard. Les oppres­sions que subissent les femmes et les personnes queer sont struc­tu­rées par […]

Retrouvez cet entretien avec l’ac­ti­viste, artistes et cher­cheuse No anger, La Déferlante #9.

Marie Kirschen

Marie Kirschen est journaliste, spécialiste des questions féministes et LGBT+. En 2021, elle a publié Herstory, Histoire(s) des féminismes chez La Ville brûle. Voir tous ses articles