En finir avec le modèle patriarcal ?

Il suf­fit  de  taper  dans  un  moteur  de  recherche  les  mots  « famille »  +  « modèle » pour voir appa­raître des hommes en polo enla­çant ten­dre­ment des  femmes  en  robe  légère  et  des  enfants  bien  coiffé•es ;  des  papa-maman-deux-enfants riant à gorge déployée sur des cana­pés moel­leux. Il n’y a aucun couple de les­biennes ou de gays, aucune femme por­tant une pous­sette dans les esca­liers du métro, aucune per­sonne raci­sée, pas non plus de per­sonne visi­ble­ment handicapée.

Le couple cis hété­ro­sexuel blanc comme socle de la famille est un modèle qui infuse dans nos repré­sen­ta­tions occi­den­tales depuis au moins deux mil­lé­naires. Au centre du tableau, le pater fami­lias joue un rôle pivot (lire notre focus page 86). C’est ain­si que, depuis dix ans, les repré­sen­tants de la Manif pour tous, vent debout contre le mariage homo­sexuel et la PMA pour les femmes les­biennes, seules ou les per­sonnes trans, ont pu affir­mer sans relâche, à la télé comme dans la rue, qu’une famille « c’est un papa et une maman ».

Ne  leur  en  déplaise,  les  sta­tis­tiques  sont  for­melles :  la  famille  dite « clas­sique » n’est plus qu’un modèle par­mi d’autres. Une sur quatre est désor­mais mono­pa­ren­tale, avec, dans 85 % des cas, une mère à sa tête (page 90). Quant aux familles recom­po­sées à la suite d’une sépa­ra­tion, elles repré­sentent plus d’une famille sur dix. En deçà des radars sta­tis­tiques, des familles évo­luent éga­le­ment, sans for­cé­ment de lien amou­reux pour les struc­tu­rer et sans sys­té­ma­ti­que­ment un ou des enfants comme rai­sons d’être. L’historienne fémi­niste Donna Haraway (page 82) affirme depuis long­temps que faire famille est une expé­ri­men­ta­tion au long cours, faite de chan­ge­ments, d’arrangements, de créa­tion et par­fois d’abandon.
Ce  dos­sier  entend  ouvrir  grand  nos  concep­tions  des  liens  et  nous per­mettre  d’imaginer  des  orga­ni­sa­tions  fami­liales  plus  éga­li­taires  dans les­quelles les rôles de chacun·e sont défi­nis non plus seule­ment par le sang, le genre ou le droit, mais bien par la volon­té de s’impliquer réel­le­ment les un·es auprès des autres.