Des homosexuel·les condamné·es à des peines de prison ou interdit·es de se marier, des personnes trans exclues de l’armée, des compétitions sportives ou dans l’impossibilité
Dans cette newsletter, c’est toute notre équipe ainsi que notre comité éditorial qui partagent leurs recommandations et coups de cœur : des romans, des essais, des expositions qui documentent les vécus LGBTQIA+ et concourent, on l’espère, à modifier les représentations dominantes.
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Romans
Entre ici et avant il y a la mer
Premier roman, roman d’apprentissage, l’ouvrage de Nelly Slim est l’histoire d’une reconstruction. La narratrice va et vient entre les souvenirs de son enfance dans un milieu bourgeois occidentalisé à Tunis et la vie d’immigrée qu’elle mène maintenant à Paris, sa ville d’adoption. Des souvenirs troubles surnagent – une agression sexuelle, une fascination amoureuse pour son amie Zeinab – et se mêlent au vécu douloureux de l’exil et du racisme : « Je suis du Sud faible et navrant et je ne peux me hisser à la hauteur de la France qu’en apprenant à consommer comme eux, à rire comme eux, à parler comme eux, à user du mépris poli et du sourire crasse. » Peu à peu, suivant l’exemple des mammifères des fonds marins dont les fantômes peuplent son récit, la narratrice se reconstruit, et trouve des repères qui prennent les traits d’une femme dont elle est désormais amoureuse.
🌊→ Nelly Slim, Entre ici et avant il y a la mer, éd. Hystériques et associées, 2025. 15 euros.
Insolations
Une jeune femme raconte son enfance dans des lettres à sa thérapeute. Elle y convoque l’Algérie, son père, les femmes de sa famille, la violence qui traverse leurs relations, et questionne la complexité de cet attachement teinté de violences. Premier roman de la poétesse Meryem Alqamar, Insolations est un livre âpre et percutant, écrit dans une langue lumineuse. Déjà publié aux éditions du Commun en 2022, il vient de ressortir en format poche aux éditions Cambourakis.
☀️ → Meryem Alqamar, Insolations, Cambourakis, 2025. 10 euros.
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Fantasy
Le Trône des héritières
Dans un monde sans héritiers masculins, la paix passe par le mariage de la princesse. Le roi organise donc un tournoi, mais, cette fois, les prétendantes sont toutes des femmes. Solène Kate signe une fantasy saphique, poétique et romantique qui renverse les codes et questionne les normes de genre à travers une aventure aussi palpitante qu’engagée.
♞ → Solène Kate, Le Trône des héritières, Books on demand, 2023. 20 euros.
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Essais
Une brève histoire de la transmisogynie
Déjà connue pour son travail sur les enfants trans, l’historienne canadienne Jules Gill-Peterson s’intéresse cette fois à l’histoire de la transmisogynie, dans le contexte particulier des empires coloniaux. Du continent américain aux Philippines, en passant par l’Europe et l’Inde, elle démontre que la transmisogynie constitue une forme de violence spécifique dirigée contre des catégories de population qui ne se définissent d’ailleurs pas forcément comme trans, au sens occidental et moderne du terme. Elle développe le concept de « transféminisation » pour décrire les processus politiques par lesquels certaines formes de féminités, souvent racialisées, sont les cibles des droites et des extrême droites. Préfacé par Mihena Alsharif, autrice et anthropologue, cet ouvrage apparaît comme un des livres majeurs de l’année 2025 sur les transidentités.
🏳️⚧️ → Jules Gill-Peterson, Une brève histoire de la transmysoginie. Pour une lecture anti-impérialistes de la transféminité, trad. Mihena Alsharif (et préface) et Nesma Merhoum, Shed publishing, 2025. 19 euros.
Pourquoi les lesbiennes sont invisibles ?
Où sont les représentations lesbiennes dans la société ? Dans ce court essai à la première personne, la photographe Marie Docher (également autrice d’Et l’amour aussi, La Déferlante Éditions, 2023) propose une réflexion sur l’invisibilisation des lesbiennes dans le domaine de l’art et de la photographie. En s’appuyant sur l’exemple de plusieurs artistes (la peintre Rosa Bonheur, la photographe Berenice Abbott ou encore la danseuse Loïe Fuller), elle explique comment des relations lesbiennes ont été ni plus ni moins effacées de notre matrimoine. Le livre s’interroge également sur le lesbian gaze dans l’art et offre à ses lecteur·ices un texte inédit de la photographe états-unienne Joan E. Biren, pour qui « la création d’images […] est un moyen pour les lesbiennes de se donner du pouvoir ». Amen.
📷 → Marie Docher, Pourquoi les lesbiennes sont invisibles, Seuil, coll. « Libelle », 2025. 4,90 euros.
Un désir démesuré d’amitié
Certains conseils doivent être pris au sérieux. « Tu dis qu’il n’y a pas de mots pour décrire ce temps […]. Mais souviens-toi. Fais un effort pour te souvenir. Ou à défaut invente », écrit Monique Wittig dans Les Guérillères. De cette exhortation, Hélène Giannecchini a fait une méthode, une éthique.
L’histoire des personnes queers est emplie de silences, leurs vies sont oblitérées. OK. Mais la fiction, l’imagination et un talent indéniable à faire vivre les archives peuvent réparer certains oublis. C’est tout le projet d’Un désir démesuré d’amitié : sauver de l’ombre des vies intimes minoritaires pour les inscrire dans un grand récit collectif et émancipateur. De photos d’inconnu·es aux clichés de la photographe états-unienne Donna Gottschalk, en passant par le témoignage bouleversant d’un malade du sida (Jean Dumargue), Hélène Giannecchini dresse un monument à la mémoire d’existences cachées dans les plis de l’histoire. Un monument qui célèbre, ce faisant, la puissance politique de l’amitié et des liens indestructibles de la famille qu’on s’est choisie.
💖 → Hélène Giannecchini, Un désir démesuré d’amitié, Seuil, 2024. 21 euros.
Gouines
« Nous sommes gouines, parce que nous voulons le respect, nous voulons l’égalité des droits, mais sans avoir à nous fondre dans le moule hétéropatriarcal. » Se réappropriant ce qui est, au départ, une insulte lesbophobe, les autrices de cet ouvrage collectif – Marie Kirschen, Maëlle Le Corre, Amandine Agić, Meryem Alqamar, No Anger, Marcia Burnier, Noémie Grunenwald, Erika Nomeni – proposent de penser les identités lesbiennes contemporaines et disent en creux la complexité des vécus.
👭 → Marie Kirschen et Maëlle Le Corre (dir.), Gouines, Points, 2024. 9,90 euros.
Pédés
« On ne naît pas pédé, on le devient. » Comment faire pour comprendre qui on est quand les autres vous ont déjà assigné à une identité sans votre accord ? Comment se réapproprier une insulte avant même d’avoir compris sa propre sexualité ? Cet ouvrage collectif dans lequel on retrouve – entre autres – le journaliste et essayiste Adrien Naselli, le militant LGBTQIA+ Ruben Tayupo ou le photographe Nanténé Traoré, offre une pluralité de récits et de réflexions sur les identités gays.
👨🏽🤝👨🏾 → Florent Manelli (dir.), Pédés, Points, 2023. 9,90 euros.
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Exposition
De l’amour
Avec l’exposition intitulée All about love – un clin d’œil à l’ouvrage de bell hooks publié en 2001 – l’artiste états-unienne Mickalene Thomas propose d’explorer la question de l’amour. Parmi les œuvres présentées : des tableaux monumentaux, composés de couleurs éclatantes, qui mêlent photographie, collage, peinture et incrustations de strass. L’artiste revisite également avec un regard féministe, noir et queer, les classiques de la peinture occidentale : le male gaze et le regard occidental qui les traversent sont ici partout subvertis. Le célèbre Déjeuner sur l’herbe devient Déjeuner sur l’herbe : trois femmes noires. Dans ces œuvres, les personnages ne sont pas des objets de désir, mais des êtres vivants et désirants. Une œuvre queer profondément politique et émancipatrice.
🖌️ → All about love, Mickalene Thomas, jusqu’au 9 novembre 2025 aux Abattoirs, Musée – Frac Occitanie à Toulouse.
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Un glossaire pour tout comprendre
Alors que l’actualité montre à quel point la guerre culturelle qui fait rage est aussi une bataille sémantique, il nous a paru important que La Déferlante propose à ses lecteur·ices des définitions de concepts clés pour appréhender l’époque dans une perspective féministe intersectionnelle. Queer, panique morale, théorie du genre : toutes les définitions sont en accès libre sur notre site internet, qui sera alimenté au fil des numéros pour faciliter la compréhension des concepts mobilisés dans chaque dossier.
🔏 → Retrouvez toutes nos définitions en libre accès
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On y sera
💥 Cinéclub féministe
Dim 29 juin 2025, 18h
Majestic Bastille, Paris
Tonnerre, le ciné-club d’Elvire Duvelle-Charles, dont La Déferlante est partenaire, propose une projection en avant-première du film d’Alice Douard, Des preuves d’amour, dans le cadre de la dixième édition du Festival du film de fesses. La projection sera suivie d’une rencontre avec la réalisatrice.
🎟️ → Informations pratiques et réservations
☔ Festival des pluies de juillet
Sam 19 et dim 20 juillet 2025
Le Tanu, Manche (50)
La Déferlante tiendra un stand lors du Festival des pluies de juillet. Vous y retrouverez nos revues, nos livres et nos goodies. Le dimanche 20 juillet, à 14h45, Anne-Laure Pineau, journaliste et membre du comité éditorial de La Déferlante, discutera avec le politiste Éric Neveu dans le cadre d’une rencontre intitulée : Informer est un sport de combat.