8 recos énervées pour bien commencer 2025

On ne va pas se mentir, après une année comme celle qu’on vient de vivre, il va nous falloir de la ressource et de l’énergie pour affronter 2025. Dans ce contexte, quoi de mieux que des livres, des podcasts ou des films pour nous aider à penser l’instabilité politique en France, la montée des extrêmes droites partout dans le monde, la crise éco­lo­gique, le désastre huma­ni­taire à Mayotte ou encore la guerre aveugle qui continue de faire rage à Gaza ?
Publié le 30 décembre 2024
🐺 → Ainsi l’animal et nous, Kaoutar Harchi, Actes Sud, 2024. 22,50 euros.

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2025, prêt·es, feu, partez !

En ce début d’année et en guise de vœux, nous vous offrons une sélection de nos coups de cœur des derniers mois : des choses à lire, à voir ou à écouter qui nous ont donné des clefs de com­pré­hen­sion, nous ont apaisé·es ou redonné de l’énergie pour lutter.

Faites-en bon usage et passez une année 2025 combative !

 

 

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Des lectures pour comprendre

L’animal et nous

Dans un essai dense, exigeant mais indis­pen­sable, la socio­logue Kaoutar Harchi propose une relecture de l’histoire pla­né­taire au prisme de la domi­na­tion instaurée par les humain·es sur le reste du vivant. Décrétant qu’il exis­te­rait d’un côté des êtres de nature, sans conscience d’eux-mêmes, et de l’autre, des êtres de culture promis à de grands destins, la pensée occi­den­tale a très tôt posé une dualité entre animalité et humanité. Dans la première catégorie, la seconde s’est efforcée de faire entrer toutes celles et ceux dont l’existence lui parais­sait moins digne d’être vécue et la souf­france accep­table : les bêtes bien sûr, mais également les peuples non occi­den­taux, les femmes, puis au XXe siècle les juifs et les juives, les Tsiganes, et enfin les Palestinien·nes… Survolant plusieurs siècles de domi­na­tion coloniale, masculine et blanche, ce livre invite à repenser notre rapport aux animaux et à faire de ce regard nouveau le point de départ d’une vaste révolution.

🐺 → Ainsi l’animal et nous, Kaoutar Harchi, Actes Sud, 2024. 22,50 euros.

 

Pourquoi l’extrême droite ?

Après une année marquée par la victoire des partis xéno­phobes aux élections euro­péennes, par la montée en influence du Rassemblement national (RN) en France et par l’élection de Donald Trump aux États-Unis, il semble urgent de lire ou de relire l’ouvrage de Félicien Faury, Des électeurs ordi­naires. Enquête sur la nor­ma­li­sa­tion de l’extrême droite.

Lors d’une enquête de terrain menée entre 2016 et 2022 dans le sud de la France, le socio­logue a interrogé des élec­trices et des électeurs de l’extrême droite et ainsi mis à jour les ressorts de l’adhésion à l’idéologie raciste de ce courant. Ces femmes et ces hommes ordi­naires décrivent une mise en concur­rence forte avec les personnes racisées et/ou immigrées sur le marché du travail rémunéré autant que dans l’usage de services publics par ailleurs dégradés. L’étranger est, pour elles et eux, une figure repous­soir avec laquelle il ne faut surtout pas être confondue.

La démons­tra­tion est brillante, portée par une langue limpide. D’un point de vue éthique, la posture est tout aussi convain­cante : l’auteur évite l’écueil classiste, qui consis­te­rait à prendre de haut les personnes inter­ro­gées pour son enquête, sans pour autant édulcorer la dimension pro­fon­dé­ment raciste du vote RN.

🗳️ → Des électeurs ordi­naires. Enquête sur la nor­ma­li­sa­tion de l’extrême droite, Félicien Faury, Seuil, 2024. 21,50 euros.

 

Paniques morales

Alors que les partis d’extrême droite et leurs relais média­tiques n’ont cessé de faire campagne contre le « wokisme », voici un excellent ouvrage pour débusquer les éléments de langage et contrer les fake news qui inondent les réseaux. En 150 pages, la docteure en science politique Alex (aujourd’hui Margot) Mahoudeau revient sur l’histoire de la prétendue « idéologie woke », expres­sion fourre-tout inventée pour dis­cré­di­ter tout enga­ge­ment contre les dis­cri­mi­na­tions. On peut doubler cette lecture d’utilité publique avec le livre d’Alain Policar, Le wokisme n’existe pas. La fabri­ca­tion d’un mythe (éditions Le Bord de l’eau, 2024).

🫨 → La Panique woke. Anatomie d’une offensive réac­tion­naire, Alex Mahoudeau, éditions Textuel, 2022. 16,90 euros.

 

Manipulateur

Marc Joly, socio­logue ayant enquêté sur les pervers nar­cis­siques, s’est lancé dans cet ouvrage après avoir constaté des simi­li­tudes trou­blantes entre la manière dont les femmes parlaient des hommes qui les mani­pu­laient et les mots employés par les opposant·es poli­tiques à Emmanuel Macron pour décrire les com­por­te­ments du président de la République. Sa thèse est la suivante : la per­ver­sion est une orga­ni­sa­tion psychique ayant pour but de faire taire toute contes­ta­tion. Elle se déploie dans un contexte politique dans lequel la violence sym­bo­lique (misogyne ou sociale) est de moins en mois acceptée et accep­table. Pour imposer leur volonté coûte que coûte, certains hommes (qu’ils soient époux ou président) usent par consé­quent d’une forme d’oppression moins détec­table : la mani­pu­la­tion, soit dire tout et son contraire et manier l’art du « en même temps » pour semer la confusion autour de soi. L’analyse est culottée, mais étayée d’arguments scien­ti­fiques convain­cants. Surtout, c’est un élément de réponse troublant à la question : pourquoi allons nous tous et toutes si mal depuis la dis­so­lu­tion de l’Assemblée nationale ?

👑 → La pensée perverse au pouvoir, Marc Joly, éditions Anamosa, 2024. 20 euros.

Boîte à outils

Comment l’extrême droite s’empare-t-elle des questions fémi­nistes et LGBT+ ? En France, comment Marine Le Pen et le Rassemblement national sont-ils pro­gres­si­ve­ment parvenus à conquérir un électorat féminin ? Au-delà du champ politique, comment les mou­ve­ments affiliés à l’extrême droite mènent-ils, au sein de l’Éducation nationale, dans les médias ou sur Internet, des batailles cultu­relles aux consé­quences violentes ? Enfin et surtout : comment résister à ces dyna­miques, comment se mobiliser ?
On ne pouvait achever cette sélection de lectures sans vous reparler du numéro 15 de La Déferlante, sorti en août 2024, devenu outil indis­pen­sable pour penser le rôle des mou­ve­ments fémi­nistes dans la lutte contre les idées et les for­ma­tions réactionnaires.

💣 → « Extrêmes droites, résister en fémi­nistes », La Déferlante n° 15, août 2024. Disponible en librairie et sur notre site.

💭
Une BD pour rire (jaune)

L’humour des causes désespérées

Dans cet album qui réunit ses planches publiées dans le Nouvel Obs ainsi que quelques strips inédits plus per­son­nels, Lisa Mandel nous rappelle qu’elle a vraiment tout essayé pour nous faire rire de l’actualité en 2024. Et souvent, ça marche, comme dans cette page consacrée à la pan­théo­ni­sa­tion du couple Manouchian en février dernier, ou dans celle évoquant la tentative d’exclure la France insoumise du Front répu­bli­cain contre l’extrême droite. Traité avec un sens aigu de la mise en scène et beaucoup d’autodérision, le naufrage démo­cra­tique de l’année 2024 apparaît ainsi plus sup­por­table à regarder. Et l’année à venir moins effrayante.

😂 → Par ailleurs, de Lisa Mandel, éditions Exemplaire, 2024. 19 euros.

📻
Un podcast pour y croire

Sauver le monde, vraiment ?

Avec cette série audio en cinq épisodes écrite par la jour­na­liste Maud de Carpentier, on s’interroge de manière clinique sur les ressorts de l’action militante et sur les recettes qui per­mettent aux luttes de l’emporter. À travers des entre­tiens avec des mili­tantes et des militants mais aussi des uni­ver­si­taires, la jour­na­liste Maud de Carpentier interroge avec humilité ce qui pousse les individus à s’engager poli­ti­que­ment. Depuis sa position de femme « de gauche » issue d’un milieu catho bourgeois, elle ausculte les luttes sociales, écolo et fémi­nistes, explore la diversité des modes d’action et pose, en écho avec son histoire familiale, la question des limites à fixer ou non à l’engagement politique. Parfois un poil naïfs, ses ques­tion­ne­ments n’en restent pas moins utiles pour penser notre mise en action collective.

🪧 → Qui croit encore pouvoir sauver le monde ?, Maud de Carpentier, produit par Louie media, 2024.

 

 

🎥
Un film pour se préparer au pire

Dystopie féministe

2039, Grenoble. Dans une France en plein chaos où s’applique la « loi sécurité totale », de jeunes acti­vistes du climat mènent la résis­tance. Une nuit, une opération commando dirigée par Julia (Adèle Exarchopoulos) tourne mal. Plusieurs « éco­ter­ro­ristes » dis­pa­raissent sans laisser de traces. Au réveil, ils et elles se retrouvent dans le décor para­di­siaque d’une immense villa en bord de mer. Une voix leur apprend qu’elles et ils sont en réalité enfermé·es dans une prison virtuelle, dont il semble impos­sible de sortir. Parallèlement, on suit Nour (Souheila Yacoub), une jour­na­liste irakienne en quête d’un QR code de séjour, qui tente de survivre en tra­vaillant comme femme de ménage dans une base militaire hautement sécurisée. Film de science-fiction doublé d’un thriller politique, mené tambour battant, Planète B embrasse avec acuité bien des enjeux de notre monde contem­po­rain : les dérives du metavers, le bas­cu­le­ment des démo­cra­ties vers des régimes auto­ri­taires, les poli­tiques migra­toires, la lutte contre le dérè­gle­ment cli­ma­tique, etc. On souffre parfois avec les pro­ta­go­nistes – essen­tiel­le­ment des femmes aux prises avec ce monde déses­pé­ré­ment hostile –, mais on ne peut que saluer l’intelligence de cette dystopie au feminist gaze assumé et jubiler face à son final qui met en scène une conver­gence des luttes salvatrice.

🌏 Planète B, de Aude Léa Rapin, avec Souheila Yacoub, Adèle Exarchopoulos, India Hair et Eliane Umuhire. Produit par Les films du Bal, 2024. 1h58. Actuellement en salles.

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On y sera

📁 Archiver les mémoires minoritaires

Lun 20 et Ven 24 Janvier 2025
Comédie de Clermont, Clermont-Ferrand

Dans le cadre d’un par­te­na­riat avec le festival Transforme et la fondation d’entreprise Hermès, La Déferlante accom­pa­gne­ra les repré­sen­ta­tions cler­mon­toises de la pièce Memory of Mankind, de Marcus Lindeen et Marianne Ségol : le lundi 20 janvier, la fabri­queuse d’histoires Nathalie Sejean animera une version courte et en pré­sen­tiel de son atelier « Archiver l’intime », et le vendredi 24 janvier, Sarah Benichou, jour­na­liste indé­pen­dante et membre du comité éditorial de La Déferlante, modèrera une dis­cus­sion sur l’archivage des mémoires minoritaires.

🎟️ → Infos et réser­va­tions sur le site du théâtre.

 

🌹 La Déferlante à Dijon

Mer 23 Jan 2025
Librairie La Fleur qui pousse à l’intérieur, Dijon

Emmanuelle Josse, cofon­da­trice et coré­dac­trice en chef de La Déferlante ren­con­tre­ra lecteurs et lectrices pour évoquer le numéro 16 de la revue : « S’habiller, en découdre avec les injonc­tions ». Début de la dis­cus­sion à 18h30.

 

S’habiller, en découdre avec les injonctions

Retrouvez le numéro 16 de la revue sur le thème « S’habiller », paru en novembre 2024. Consultez le sommaire.

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