💥
2025, prêt·es, feu, partez !
En ce début d’année et en guise de vœux, nous vous offrons une sélection de nos coups de cœur des derniers mois : des choses à lire, à voir ou à écouter qui nous ont donné des clefs de compréhension, nous ont apaisé·es ou redonné de l’énergie pour lutter.
Faites-en bon usage et passez une année 2025 combative !
💡
Des lectures pour comprendre
L’animal et nous
Dans un essai dense, exigeant mais indispensable, la sociologue Kaoutar Harchi propose une relecture de l’histoire planétaire au prisme de la domination instaurée par les humain·es sur le reste du vivant. Décrétant qu’il existerait d’un côté des êtres de nature, sans conscience d’eux-mêmes, et de l’autre, des êtres de culture promis à de grands destins, la pensée occidentale a très tôt posé une dualité entre animalité et humanité. Dans la première catégorie, la seconde s’est efforcée de faire entrer toutes celles et ceux dont l’existence lui paraissait moins digne d’être vécue et la souffrance acceptable : les bêtes bien sûr, mais également les peuples non occidentaux, les femmes, puis au XXe siècle les juifs et les juives, les Tsiganes, et enfin les Palestinien·nes… Survolant plusieurs siècles de domination coloniale, masculine et blanche, ce livre invite à repenser notre rapport aux animaux et à faire de ce regard nouveau le point de départ d’une vaste révolution.
🐺 → Ainsi l’animal et nous, Kaoutar Harchi, Actes Sud, 2024. 22,50 euros.
Pourquoi l’extrême droite ?
Après une année marquée par la victoire des partis xénophobes aux élections européennes, par la montée en influence du Rassemblement national (RN) en France et par l’élection de Donald Trump aux États-Unis, il semble urgent de lire ou de relire l’ouvrage de Félicien Faury, Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite.
Lors d’une enquête de terrain menée entre 2016 et 2022 dans le sud de la France, le sociologue a interrogé des électrices et des électeurs de l’extrême droite et ainsi mis à jour les ressorts de l’adhésion à l’idéologie raciste de ce courant. Ces femmes et ces hommes ordinaires décrivent une mise en concurrence forte avec les personnes racisées et/ou immigrées sur le marché du travail rémunéré autant que dans l’usage de services publics par ailleurs dégradés. L’étranger est, pour elles et eux, une figure repoussoir avec laquelle il ne faut surtout pas être confondue.
La démonstration est brillante, portée par une langue limpide. D’un point de vue éthique, la posture est tout aussi convaincante : l’auteur évite l’écueil classiste, qui consisterait à prendre de haut les personnes interrogées pour son enquête, sans pour autant édulcorer la dimension profondément raciste du vote RN.
🗳️ → Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite, Félicien Faury, Seuil, 2024. 21,50 euros.
Paniques morales
Alors que les partis d’extrême droite et leurs relais médiatiques n’ont cessé de faire campagne contre le « wokisme », voici un excellent ouvrage pour débusquer les éléments de langage et contrer les fake news qui inondent les réseaux. En 150 pages, la docteure en science politique Alex (aujourd’hui Margot) Mahoudeau revient sur l’histoire de la prétendue « idéologie woke », expression fourre-tout inventée pour discréditer tout engagement contre les discriminations. On peut doubler cette lecture d’utilité publique avec le livre d’Alain Policar, Le wokisme n’existe pas. La fabrication d’un mythe (éditions Le Bord de l’eau, 2024).
🫨 → La Panique woke. Anatomie d’une offensive réactionnaire, Alex Mahoudeau, éditions Textuel, 2022. 16,90 euros.
Manipulateur
Marc Joly, sociologue ayant enquêté sur les pervers narcissiques, s’est lancé dans cet ouvrage après avoir constaté des similitudes troublantes entre la manière dont les femmes parlaient des hommes qui les manipulaient et les mots employés par les opposant·es politiques à Emmanuel Macron pour décrire les comportements du président de la République. Sa thèse est la suivante : la perversion est une organisation psychique ayant pour but de faire taire toute contestation. Elle se déploie dans un contexte politique dans lequel la violence symbolique (misogyne ou sociale) est de moins en mois acceptée et acceptable. Pour imposer leur volonté coûte que coûte, certains hommes (qu’ils soient époux ou président) usent par conséquent d’une forme d’oppression moins détectable : la manipulation, soit dire tout et son contraire et manier l’art du « en même temps » pour semer la confusion autour de soi. L’analyse est culottée, mais étayée d’arguments scientifiques convaincants. Surtout, c’est un élément de réponse troublant à la question : pourquoi allons nous tous et toutes si mal depuis la dissolution de l’Assemblée nationale ?
👑 → La pensée perverse au pouvoir, Marc Joly, éditions Anamosa, 2024. 20 euros.
Boîte à outils
Comment l’extrême droite s’empare-t-elle des questions féministes et LGBT+ ? En France, comment Marine Le Pen et le Rassemblement national sont-ils progressivement parvenus à conquérir un électorat féminin ? Au-delà du champ politique, comment les mouvements affiliés à l’extrême droite mènent-ils, au sein de l’Éducation nationale, dans les médias ou sur Internet, des batailles culturelles aux conséquences violentes ? Enfin et surtout : comment résister à ces dynamiques, comment se mobiliser ?
On ne pouvait achever cette sélection de lectures sans vous reparler du numéro 15 de La Déferlante, sorti en août 2024, devenu outil indispensable pour penser le rôle des mouvements féministes dans la lutte contre les idées et les formations réactionnaires.
💣 → « Extrêmes droites, résister en féministes », La Déferlante n° 15, août 2024. Disponible en librairie et sur notre site.
💭
Une BD pour rire (jaune)
L’humour des causes désespérées
Dans cet album qui réunit ses planches publiées dans le Nouvel Obs ainsi que quelques strips inédits plus personnels, Lisa Mandel nous rappelle qu’elle a vraiment tout essayé pour nous faire rire de l’actualité en 2024. Et souvent, ça marche, comme dans cette page consacrée à la panthéonisation du couple Manouchian en février dernier, ou dans celle évoquant la tentative d’exclure la France insoumise du Front républicain contre l’extrême droite. Traité avec un sens aigu de la mise en scène et beaucoup d’autodérision, le naufrage démocratique de l’année 2024 apparaît ainsi plus supportable à regarder. Et l’année à venir moins effrayante.
😂 → Par ailleurs, de Lisa Mandel, éditions Exemplaire, 2024. 19 euros.
📻
Un podcast pour y croire
Sauver le monde, vraiment ?
Avec cette série audio en cinq épisodes écrite par la journaliste Maud de Carpentier, on s’interroge de manière clinique sur les ressorts de l’action militante et sur les recettes qui permettent aux luttes de l’emporter. À travers des entretiens avec des militantes et des militants mais aussi des universitaires, la journaliste Maud de Carpentier interroge avec humilité ce qui pousse les individus à s’engager politiquement. Depuis sa position de femme « de gauche » issue d’un milieu catho bourgeois, elle ausculte les luttes sociales, écolo et féministes, explore la diversité des modes d’action et pose, en écho avec son histoire familiale, la question des limites à fixer ou non à l’engagement politique. Parfois un poil naïfs, ses questionnements n’en restent pas moins utiles pour penser notre mise en action collective.
🪧 → Qui croit encore pouvoir sauver le monde ?, Maud de Carpentier, produit par Louie media, 2024.
🎥
Un film pour se préparer au pire
Dystopie féministe
2039, Grenoble. Dans une France en plein chaos où s’applique la « loi sécurité totale », de jeunes activistes du climat mènent la résistance. Une nuit, une opération commando dirigée par Julia (Adèle Exarchopoulos) tourne mal. Plusieurs « écoterroristes » disparaissent sans laisser de traces. Au réveil, ils et elles se retrouvent dans le décor paradisiaque d’une immense villa en bord de mer. Une voix leur apprend qu’elles et ils sont en réalité enfermé·es dans une prison virtuelle, dont il semble impossible de sortir. Parallèlement, on suit Nour (Souheila Yacoub), une journaliste irakienne en quête d’un QR code de séjour, qui tente de survivre en travaillant comme femme de ménage dans une base militaire hautement sécurisée. Film de science-fiction doublé d’un thriller politique, mené tambour battant, Planète B embrasse avec acuité bien des enjeux de notre monde contemporain : les dérives du metavers, le basculement des démocraties vers des régimes autoritaires, les politiques migratoires, la lutte contre le dérèglement climatique, etc. On souffre parfois avec les protagonistes – essentiellement des femmes aux prises avec ce monde désespérément hostile –, mais on ne peut que saluer l’intelligence de cette dystopie au feminist gaze assumé et jubiler face à son final qui met en scène une convergence des luttes salvatrice.
🌏 → Planète B, de Aude Léa Rapin, avec Souheila Yacoub, Adèle Exarchopoulos, India Hair et Eliane Umuhire. Produit par Les films du Bal, 2024. 1h58. Actuellement en salles.
📍
On y sera
📁 Archiver les mémoires minoritaires
Lun 20 et Ven 24 Janvier 2025
Comédie de Clermont, Clermont-Ferrand
Dans le cadre d’un partenariat avec le festival Transforme et la fondation d’entreprise Hermès, La Déferlante accompagnera les représentations clermontoises de la pièce Memory of Mankind, de Marcus Lindeen et Marianne Ségol : le lundi 20 janvier, la fabriqueuse d’histoires Nathalie Sejean animera une version courte et en présentiel de son atelier « Archiver l’intime », et le vendredi 24 janvier, Sarah Benichou, journaliste indépendante et membre du comité éditorial de La Déferlante, modèrera une discussion sur l’archivage des mémoires minoritaires.
🎟️ → Infos et réservations sur le site du théâtre.
🌹 La Déferlante à Dijon
Mer 23 Jan 2025
Librairie La Fleur qui pousse à l’intérieur, Dijon
Emmanuelle Josse, cofondatrice et corédactrice en chef de La Déferlante rencontrera lecteurs et lectrices pour évoquer le numéro 16 de la revue : « S’habiller, en découdre avec les injonctions ». Début de la discussion à 18h30.