En 2012, une sexagénaire tire trois balles dans le dos de son mari, un homme violent et incestueux. Le sort de cette femme condamnée à dix années de prison soulève une vague d’émotion inédite. Des notions jusqu’alors méconnues — violences psychologiques, emprise, impuissance apprise – entrent dans le débat public. À l’issue d’une bataille médiatique de longue haleine, le président François Hollande prononce une grâce totale fin 2016. Mais derrière cette histoire largement commentée se cache une affaire judiciaire complexe, qui questionne le mythe de la non violence des femmes.
C’est la «cocotte-minute qui explose » dira Jacqueline Sauvage, pour expliquer comment elle en est arrivée à tirer trois cartouches dans le dos de son mari, Norbert Marot, le 10 septembre 2012. Dans le petit village de La Selle-sur-le-Bied (Loiret), les Marot occupent une confortable maison dans une zone pavillonnaire cernée par les bois. C’est aussi le siège de leur entreprise de transport, dont le chiffre d’affaires caracolait encore à plus de 350000 euros l’année précédente. Depuis peu, la société connaît des difficultés jusqu’à frôler la banqueroute. Ce matin-là, Norbert Marot se met en rage parce que leur fils vient d’en démissionner et ne répond plus au téléphone. Tout comme leur cadette, qui a aussi quitté le navire. Selon son habitude –d’après les témoignages entendus ensuite au procès –, il passe ses nerfs sur sa femme et profère des menaces de mort alors qu’il est en état d’ébriété. Cela dure depuis quarante-sept ans. Quand elle n’en peut plus, Jacqueline se réfugie à l’extérieur, pour enlacer un arbre. Ou alors, comme en ce début d’après-midi, elle avale un somnifère. Norbert Marot l’extirpe de son sommeil. Il tambourine à la porte et la pousse dans le couloir : «Va faire la soupe !» Face aux plaques de cuisson, il lui arrache son collier et lui donne un coup au visage. Sa lèvre inférieure saigne. Dans son esprit, dira-t-elle, «ça fait comme une étincelle ». Jacqueline Sauvage se relève et remonte dans la chambre s’emparer d’un fusil Beretta. Elle perd toute notion du temps. Était-il 16 heures ? Ou alors déjà 19 heures ? Elle finit par redescendre. Son mari sirote un whisky sur leur terrasse. Elle le vise trois fois de dos, « en fermant les yeux », insistera-t-elle. Chasseuse aguerrie, la sexagénaire ne rate pas sa cible. À 19 h27, elle appelle les pompiers : «Venez, j’ai tué mon mari. » Placée en garde à vue, elle apprend que […]
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