C’était il y a un an. Un enfant arabe de 17 ans était tué d’une balle dans le thorax par un policier. « Justice pour Nahel ! », ont crié pendant des jours celles et ceux qui n’en peuvent plus de vivre dans un pays où le racisme d’État tue.
« Les féministes ont leur mot à dire, leur part à faire, pour empêcher qu’on exécute des enfants impunément, au nom de l’État », écrit dans les pages de notre prochain numéro la porte-parole du collectif Front de mères, Fatima Ouassak. « Je pense même, ajoute-t-elle, que le camp féministe peut être à l’avant-garde dans la lutte antiraciste contre l’extrême droite. »
C’est dans cet esprit qu’en juillet 2023, quelques semaines après la mort de Nahel Merzouk, nous avons commencé à travailler à un numéro spécial de La Déferlante. C’est un exemplaire entier de 144 pages depuis les chroniques jusqu’à la grande rencontre, en passant par la bande dessinée, le portfolio, les analyses, les reportages… – pour parler des extrêmes droites au prisme des questions de genre et LGBT+, en faisant de l’intersectionnalité un prérequis de la lutte.
Pour élaborer ce numéro, outre notre traditionnel comité éditorial qui s’est récemment élargi et compte désormais une vingtaine d’universitaires, journalistes et militant·es, nous avons travaillé avec un format plus réduit de conseillères éditoriales qui nous ont aidées à structurer le sommaire : Sarah Benichou, journaliste indépendante, membre de l’Association des journalistes antiracistes et racisé·es (Ajar) ; Manel Ben Boubaker, enseignante en Seine-Saint-Denis, syndicaliste, qui a récemment coordonné le manuel Entrer en pédagogie antiraciste (Shed, 2023), et Elisa Bellè, universitaire italienne, dont les recherches en sociologie portent sur les partis de la droite radicale populiste et les mouvements anti-genre.
À la rencontre de celles qui luttent
Le résultat est un numéro qui mêle les voix militantes – dont Assa Traoré du collectif Vérité pour Adama, Maud Royer, présidente de l’association Toutes des femmes, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, ou Sihame Assbague, journaliste et militante antiraciste – à celles des universitaires – la sociologue Kaoutar Harchi, la politiste Nonna Mayer, la socio-historienne Magali Della Sudda ou Maboula Soumahoro, maîtresse de conférences en civilisation américaine.
À Calais, sur le littoral de la Manche, à Buenos Aires en Argentine, en Corée du Sud ou encore en Bretagne, nous sommes allées à la rencontre de celles et ceux qui luttent chaque jour contre les politiques mortifères des extrêmes droites. Nous avons aussi enquêté sur l’influence des mouvements réactionnaires dans les établissements scolaires, sur le rôle joué par les leadeuses d’extrême droite en Europe et sur les influenceurs masculinistes qui propagent, sur internet, des idées misogynes, racistes et anti-LGBT+.
Parce que l’analyse de ces idées, aussi laides soient-elles, ne doit pas empêcher la réalisation d’un beau numéro, nous avons, comme pour nos précédentes publications, fait appel à de nombreuses illustratrices et photographes pour illustrer ces articles.
Enfin, cette Déferlante spéciale a aussi été pensée pour vous fournir des outils : des chiffres, un glossaire, des références d’ouvrages, de films et de podcasts, comme un guide de survie en milieu hostile. Parce que, aujourd’hui, nous avons plus que jamais besoin de ces outils pour lutter.
Soutenir La Déferlante
En tout, ce sont plus d’une cinquantaine de personnes – illustratrices, auteur·ices, journalistes, photographes, correctrices, graphistes, etc. – qui ont travaillé à ce numéro qui sera envoyé à l’imprimerie fin juillet. Si nous précisons tout cela, c’est pour que vous, nos lecteur·ices, ayez conscience du nombre de personnes impliquées dans la fabrication d’un tel numéro et de l’investissement que nous y mettons. Son coût : environ 150 000 euros, contre 80 000 euros pour un numéro habituel de la revue. Un budget exceptionnel qui s’explique par le temps de travail que nous lui avons consacré, mais aussi par tout ce que nous allons mettre en place pour l’accompagner : le grand événement que nous organiserons en septembre pour sa sortie, les newsletters sur les résistances féministes que vous pourrez lire cet été et les vidéos que nous diffuserons sur nos réseaux sociaux. Pour nous aider à financer sa réalisation, nous lançons dès aujourd’hui une campagne de dons, qui vous permettra, dans la mesure de vos moyens, de participer à ce numéro spécial et de soutenir un média indépendant, dirigé par des femmes, qui ont à cœur de faire travailler et de donner la parole à des personnes non blanches et LGBT+.
Un an de travail donc, pour arriver au numéro que vous aurez entre les mains fin août – dès mi-août, pour les abonné·es. La Déferlante prend le temps de l’analyse et des reportages au long cours. Si l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le 9 juin dernier, et la perspective de l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir dans quelques semaines ont percuté cette temporalité, elles ont aussi conforté le rôle clef joué par les mouvements féministes et antiracistes, à l’avant-garde de ce combat. Dans les cortèges, « siamo tutte antifasciste » résonne avec une nouvelle force. Comme l’écrit Costanza Spina, qui signe dans notre numéro un article sur l’histoire de ce cri de ralliement : « Il est urgent de nous réapproprier ce slogan et de créer un front antifasciste queer et féministe ». Quoi qu’il arrive, La Déferlante en fera partie.
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