Ce soir-là, elle a mis les Spice Girls en fond sonore puis elle a envoyé le même SMS à sa mère, à ses frères et sœurs, à leurs conjoint·es : « Comment tu décrirais notre famille ? » Croisant les lieux, de la Martinique à Montreuil, et traquant les souvenirs d’enfance, la metteuse en scène Rébecca Chaillon tisse les réponses de ses proches pour composer cette autofiction inédite en forme de portrait de famille.

M’édouard-louiser, au calme. Faire mon Édouard Louis, m’autoriser le luxe de la transfuge que je ne suis pas tout à fait. Je m’offre ici une plongée familiale, impudique. Un processus voyeu­riste. Oui, je vais m’édouard-louiser, au calme. J’aimerais avoir la capacité de faire ça avec la juste distance qui per­met­trait à d’autres de s’y mettre à leur tour. Avec humour, lit­té­ra­ture et pro­fon­deur, réussir à décons­truire ce que j’ai vécu, ce que je vis, et ce dont je rêve quand on me demande ce que signifie « faire famille ». 

L’intime est politique, on sait ça. Et ma famille, est-ce qu’elle le sait ? 

Est-ce que j’aurai le temps de lui expliquer que mon éman­ci­pa­tion dépend de ma capacité à la nommer ? Qu’il ne faut pas m’en vouloir, que j’essaie juste de me sauver un peu. Le sujet « famille » me pique si fort. C’est bien, peut-être. « Faire famille », aujourd’hui, à 36 ans et demi, renvoie à la fois à l’analyse de la famille dans laquelle j’ai grandi, et à celle qui se profile alors que je suis en couple depuis quatre ans et demi. 

J’ai demandé à ma famille de parler d’elle-même, plutôt que de parler à sa place. Je n’aurais jamais imaginé qu’elles et ils répon­draient à ma requête. Parce que je les ai tous et toutes tellement saoulé·es depuis des années avec […]