Collages la colère féministe en noir et blanc

par

Collages Féministes Marseille
Depuis septembre 2019, des slogans féministes s’affichent sur les murs de nos villes. Derrière ces lettres noires sur fond blanc : les colleureuses, ensemble de 150 collectifs hétéroclites, spontanés et parfois discordants mais qui ont en commun d’œuvrer pour la réappropriation de l’espace public en mêlant activisme et réflexions féministes.

lles sont appa­rues en pleine nuit, au tout début du mois de sep­tembre 2019, sur les murs de Paris. Des lettres majus­cules peintes en noir sur feuilles blanches pour for­mer les pré­noms de vic­times de fémi­ni­cides et des slo­gans rap­pe­lant la réa­li­té des vio­lences conju­gales et l’urgence à agir. « 06.07.19 Laura meurt étran­glée par son mec » , « Papa, il a tué maman », « 13.08.19 Irina, égor­gée par son conjoint ». Derrière ces affi­chages, celles qu’on allait bien­tôt appe­ler « les col­leuses », puis « les col­leu­reuses ¹ », déci­dées à crier leur colère face à l’inaction du gou­ver­ne­ment fran­çais. Les pre­miers mes­sages ont été pla­car­dés dans les rues de Paris à la veille de l’ouverture du Grenelle des vio­lences conju­gales, alors que 101 femmes avaient déjà été tuées par leur com­pa­gnon ou ex depuis début 2019. En quelques semaines, des jeunes muni·es de seaux et de brosses ont tapis­sé les murs et lan­cé des appels sur les réseaux sociaux pour créer ou ral­lier un col­lec­tif sous la ban­nière « Collages Féminicides Lyon/Lille/Gap/Metz… »

Deux ans plus tard, on dénombre plus de 150 groupes, grâce à l’engagement fluc­tuant de militant·es novices. Iels sont 1 500 col­leu­reuses à Paris, des cen­taines à Marseille, une qua­ran­taine au Havre, près de vingt à Reims… « Cette adhé­sion rapide et mas­sive peut s’expliquer par l’alliance du vir­tuel et du réel, décrypte Thelma Carrier, qui écrit actuel­le­ment une thèse sur ces col­lec­tifs. Ces col­lages ont atti­ré des pro­fils jeunes capables d’alimenter les réseaux sociaux. Des per­sonnes, comme à Nantes, lancent une page Instagram et un appel à les rejoindre, puis com­mencent à col­ler tout en dif­fu­sant les pho­tos de leurs ses­sions. Et en créant de nou­velles repré­sen­ta­tions, engendrent de nou­veaux ral­lie­ments, et ain­si de suite. »

Armelle, Auriane, Lola… Aucune n’avait mili­té aupa­ra­vant. Si les col­lages marquent le début de leur acti­visme, c’est parce qu’ils s’accordent avec leur envie de construire un mou­ve­ment qui leur cor­res­pond. Un choix « assez cou­rant dans le mili­tan­tisme, pour­suit Thelma Carrier. Que ce soit par mécon­nais­sance de ce qui existe déjà ou par volon­té de tran­cher avec l’existant. D’où leur refus de la mixi­té et de se  consti­tuer en asso­cia­tion. » Ce mode d’action fait vibrer leur fibre fémi­niste, d’après Marie, col­leu­reuse pari­sienne de 26 ans : « Quand on pro­pose une ses­sion et qu’on y va en groupe, on est dans le concret. On prend conscience de notre pou­voir d’agir à notre échelle. Surtout que l’on voit le résul­tat dès le len­de­main, lorsque les gens lisent nos mes­sages sur les murs. »

TRANSMISSION ET HORIZONTALITÉ SANS HIÉRARCHIE

Au Havre, un fémi­ni­cide local pro­voque chez Lola² et ses amies, toutes la tren­taine, un élec­tro­choc et la volon­té de prendre part à ce com­bat dès novembre 2019. Tandis que pour Adèle, 20 ans, « créer un col­lec­tif à Yssingeaux [com­mune de 7 000 habi­tants en Auvergne] repré­sen­tait une néces­si­té. Car les vio­lences n’épargnent pas la cam­pagne et que toute notre géné­ra­tion doit être sen­si­bi­li­sée au chan­ge­ment en cours. »

À écou­ter Irène Despontin Lefèvre, doc­to­rante sur les mobi­li­sa­tions fémi­nistes, ces néo-militant·es ont « mis en pra­tique des codes ins­crits dans l’histoire du fémi­nisme. L’horizontalité via l’absence de hié­rar­chie, la trans­mis­sion grâce à des for­ma­tions pra­tiques et théo­riques, et la liber­té d’action avec une res­pon­sa­bi­li­sa­tion des participant·es. » Un fonc­tion­ne­ment mis sur pied par Collages fémi­ni­cides Paris (CFP), que les col­lec­tifs suc­ces­sifs ont répli­qué qua­si auto­ma­ti­que­ment, à l’instar de celui de Reims, comme s’en expliquent ses fon­da­trices, Yasmine et Alice, 21 ans : « On lutte contre les inéga­li­tés, donc il nous semble logique de ne pas en recréer au sein de notre mou­ve­ment en consi­dé­rant que la parole d’un·e d’entre nous vaut moins que celle d’un·e autre. » Lola du Havre confirme que « à force d’avoir été discriminé·es, on a appli­qué ce qu’on veut voir dans la socié­té ». « L’égalité totale reste illu­soire en pra­tique, tem­père Margaux, 30 ans, col­leu­reuse à Paris. Mais des lea­deuses – sans le côté cheffes – peuvent trans­mettre et ain­si per­mettre à d’autres pro­fils de gagner en confiance et de prendre le relais. »

À l’origine des pre­miers col­lages : une ancienne femen, Marguerite Stern qui a depuis été écar­tée du Collectif fémi­ni­cides Paris pour ses posi­tions jugées trans­phobes et isla­mo­phobes ³. Fin août 2019, elle lance un appel via Twitter pour « une ses­sion de col­lage col­lec­tive » sur la ques­tion des fémi­ni­cides. « J’ai eu l’idée après avoir accom­pa­gné une amie qui colle des por­traits de femmes à Marseille, raconte‑t elle. Au mois de mars 2019, j’ai fait mon pre­mier col­lage. Il venait d’une colère : celle d’entendre des hommes com­men­ter mon appa­rence phy­sique dans la rue depuis mes 13 ans. Très vite, cela s’est élar­gi à d’autres vio­lences sexistes et sexuelles, notam­ment aux fémi­ni­cides avec celui de Julie Douib [assas­si­née par son ex-conjoint en mars 2019]. L’annonce du Grenelle des vio­lences conju­gales avait sus­ci­té l’espoir d’aboutir à une poli­tique ambi­tieuse, et le soir du pre­mier col­lage, on a vou­lu sus­ci­ter une réac­tion pour qu’enfin des mesures concrètes soient prises. » Marguerite Stern évoque une autre ambi­tion, celle de « voir des femmes mili­ter dans cet espace où elles sont constam­ment vio­len­tées, afin qu’elles prennent conscience de leur force ».

« DES MEUFS HYPER BADASS » QUI SE DONNENT DU COURAGE

« Un sen­ti­ment d’empowerment et de soro­ri­té », « l’impression d’être un groupe de meufs hyper badass », « un gang de filles qui imposent leur pré­sence et leur parole », voi­là pêle-mêle les sen­ti­ments qui gagnent ces col­leu­reuses lorsque, après s’être coordonné·es sur WhatsApp, iels se retrouvent à trois ou quatre pour col­ler quelques heures. Et même si la peur demeure omni­pré­sente, beau­coup d’entre elleux appré­hendent désor­mais l’espace urbain sous un autre angle. « Des ses­sions de col­lage dans un ancien quar­tier où je tra­vaillais et où on m’a si sou­vent vio­len­tée et silen­ciée m’ont per­mis d’y reprendre place et de m’y faire entendre », assure Margaux. « La réap­pro­pria­tion de la rue consti­tue depuis tou­jours l’une des grandes reven­di­ca­tions por­tées et recher­chées par les actions des fémi­nistes, comme Las Tesis et leur cho­ré­gra­phie El vio­la­dor eres tú, pré­cise Irène Despontin Lefèvre. Coller ne requiert pas de com­pé­tences par­ti­cu­lières, mais les membres se trans­mettent le cou­rage d’y aller. Cela fait par­tie des pra­tiques de socia­li­sa­tion des fémi­nistes de gauche. »

Un mode d’action que le temps et la socié­té avaient gen­ré : « Les par­tis poli­tiques et syn­di­cats avaient ten­dance à réser­ver ce moment de la vie mili­tante aux hommes, à cause des risques que les sor­ties noc­turnes feraient peser sur les femmes », explique l’historienne spé­cia­liste des mou­ve­ments révo­lu­tion­naires Mathilde Larrère ⁴. Pourtant, dès la Révolution fran­çaise, les fémi­nistes ont recou­ru aux affiches pour dif­fu­ser leurs com­bats, tout comme les femmes de Mai 68 qui ont inves­ti les ate­liers d’impression afin de véhi­cu­ler leurs mes­sages dans l’espace public. Seule la forme a chan­gé, pas­sant de grands textes infor­ma­tifs en 1789 à l’introduction d’images en 1968, jusqu’aux lettres peintes sans fio­ri­tures sur des feuilles A4 aujourd’hui.

Des lettres et des feuilles der­rière les­quelles iels se pro­tègent. Dans l’ombre constam­ment, ano­nymes, pour lais­ser toute la lumière au com­bat qu’iels mènent. « Peu importe qui colle, seuls comptent nos mes­sages qui sen­si­bi­lisent la socié­té aux vio­lences sexistes et sexuelles, les dénoncent et sou­tiennent les vic­times. Ignorer l’identité de cel­leux qui les ont pla­car­dés per­met jus­te­ment aux gens qui les lisent, de se les appro­prier plei­ne­ment », estime Marie, de Collages fémi­nistes Paris, à l’unissonde toutes les col­leu­reuses ren­con­trées. Si par­fois iels posent à côté de leurs oeuvres pour des pho­tos, c’est parce que ces col­lages les touchent par­ti­cu­liè­re­ment, ou en signe de sou­tien à la vic­time. Et tou­jours sans affi­cher le moindre sou­rire tant la cause est sérieuse.

Cet ano­ny­mat s’avère plus dif­fi­cile à assu­rer dans des petites villes, au point qu’au Havre « la déci­sion a été actée de ne pas divul­guer l’identité des autres col­leuses et de ne pas appa­raître sur notre Insta », explique Lola. Adèle, du col­lec­tif Adelphité d’Yssingeaux, n’a pas hési­té à « cas­ser com­plè­te­ment son ano­ny­mat, mis à mal par une arres­ta­tion lors de la pre­mière séance de col­lage. Désormais, des slo­gans recouvrent les murs de mon domi­cile, comme ça on peut me contac­ter direc­te­ment pour des conseils, des infos. »

À L’ÉPREUVE DE L’INCLUSION DES MINORITÉS

Marie, col­leu­reuse pari­sienne, raconte se sen­tir comme « connec­tée aux adelphes du col­lec­tif à chaque col­lage croi­sé. On voit alors qu’on agit tous·tes pour la même cause. » « Le for­mat une lettre = une feuille, voi­là la force de ce mou­ve­ment, en ce qu’il per­met de per­son­ni­fier une lutte et un groupe », estime Irène Despontin Lefèvre. Les col­lages seraient ain­si comme les rami­fi­ca­tions d’une toile d’araignée liant les membres entre elleux.

Une union qui s’est fis­su­rée six mois à peine après la nais­sance du mou­ve­ment, en jan­vier 2020, à la suite des prises de posi­tion de Marguerite Stern sur le voile et la tran­si­den­ti­té. L’ex-femen repro­chait au groupe mont­pel­lié­rain un tweet en faveur de l’inclusion des per­sonnes trans­genres : « On voyait de plus en plus de col­lages sur ces ques­tions aux dépens de ceux sur les fémi­ni­cides, ce que je trou­vais indé­cent, explique-t-elle. Mais je n’ai jamais caché mes opi­nions sur ces sujets, même au début des col­lages à Paris. Pourtant, les col­leuses ont conti­nué de venir. » Pour de nombreux·ses néo-militant·es soucieux·ses de ne repro­duire aucune vio­lence, c’est le point de rupture.

Le col­lec­tif Collages fémi­ni­cides Paris décide de se déso­li­da­ri­ser de sa fon­da­trice, pré­fé­rant s’engager pour plus d’inclusion des mino­ri­tés de genre. « Les pro­pos de Marguerite Stern étaient inju­rieux, elle n’avait donc plus sa place au sein de notre mou­ve­ment, juge Margaux. Nos col­lages s’attaquent aux vio­lences sexistes et sexuelles, mais ils ques­tionnent quelque chose de plus pro­fond : la manière dont on traite les indi­vi­dus et sur­tout les mino­ri­tés. » Pour Armelle, de Marseille : « Tout le monde doit se sen­tir safe lors des col­lages. Comment pourrais-je mili­ter avec des per­sonnes qui se mon­tre­raient dis­cri­mi­nantes envers une amie voi­lée ? »

Pour se mettre en cohé­rence avec sa ligne poli­tique récem­ment mise à jour, Collages fémi­ni­cides Paris devient alors Collages fémi­nistes Paris et rebap­tise ses membres « les col­leu­reuses ». Ses slo­gans sont retra­vaillés pour être plus inclu­sifs et des groupes consa­crés à la tran­si­den­ti­té et au racisme sont créés. « Un salon de notre groupe Discord regroupe un tas de res­sources théo­riques qui nous servent à nous for­mer et à nous décons­truire », pré­cise Marie. Moins impac­tés par cet épi­sode, nombre de col­lec­tifs situés en région ont mal­gré tout dû se posi­tion­ner. « Comme à Nantes où des réunions ont été orga­ni­sées pour tran­cher la ligne poli­tique », raconte Thelma Carrier.

NOUVELLES FAÇONS DE MILITER ET DE TRAVAILLER EN COMMUN

C’est peut-être là le revers de la médaille pour le mou­ve­ment des col­lages, lui qui a sus­ci­té tant d’engouement chez de jeunes fémi­nistes au point de ras­sem­bler plé­thore de pro­fils aux convic­tions dif­fé­rentes. Si Collages fémi­nistes Paris demeure un col­lec­tif, il lui a fal­lu struc­tu­rer plus fine­ment son acti­vi­té sans renier ses valeurs d’horizontalité et de libre enga­ge­ment. Possibilité a donc été don­née à chacun·e de rejoindre l’un des nou­veaux groupes de tra­vail consa­crés aux réseaux sociaux, au finan­ce­ment (sur­tout pour le paie­ment des amendes), à l’inclusivité…

Le foi­son­ne­ment des forces et des volon­tés a éga­le­ment fait émer­ger de nou­velles façons de mili­ter au sein des col­lec­tifs. À Marseille, des groupes de débat en col­la­bo­ra­tion avec des asso­cia­tions ont été lan­cés, tout comme des inter­ven­tions au sein des écoles. À Yssingeaux, Adèle a contac­té le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) pour réa­li­ser des actions en com­mun. À Paris, des col­leu­reuses ont publié un livre sur l’histoire de Collages fémi­nistes Paris quand d’autres orga­ni­saient en juin 2021 une marche contre les féminicides.

Les col­lec­tifs entre­tiennent peu de rela­tions entre eux, de peur d’attirer l’attention de la police. Une seule fois, plu­sieurs groupes ont impul­sé une ses­sion de col­lages simul­ta­nés à tra­vers la France, ciblant les tri­bu­naux pour dénon­cer les défaillances de la jus­tice dans les affaires de vio­lences conju­gales. En dépit de cet écla­te­ment, « les col­leu­reuses se sont imposé·es dans l’éventail des forces fémi­nistes et sont devenu·es un mou­ve­ment avec lequel on doit comp­ter », sou­ligne Mathilde Larrère.

Au fil du temps, les coups de pin­ceau des col­lec­tifs ont fait appa­raître des nou­veaux mes­sages, plus inclu­sifs, tan­dis que les anciens subis­saient un rava­le­ment de façade. L’effet conju­gué d’un posi­tion­ne­ment plus affir­mé en faveur des mino­ri­tés de genre et de l’arrivée de nouveau·elles acti­vistes aux pro­fils et expé­riences plus diverses. « On a vali­dé une liste de slo­gans qu’on uti­lise régu­liè­re­ment aux Colleureuses de Paris, détaille Auriane, 27 ans. Quand on veut en écrire de nou­veaux, on implique – ou on leur demande conseil – les militant·es des pôles thé­ma­tiques concer­nés (tran­si­den­ti­té, racisme, vali­disme…) pour ne pas heur­ter des gens. » À Reims, Yasmine et Alice ont impo­sé, après en avoir débat­tu, « la vali­da­tion des mes­sages pour évi­ter de se retrou­ver avec des pro­pos hai­neux ou vio­lents ». Au Havre, en revanche, liber­té a été don­née à toutes de col­ler ce qu’elles sou­haitent afin d’être en accord avec leurs opinions.

« Chacun·e peut adap­ter ses slo­gans aux pro­blé­ma­tiques locales, pour­suit Armelle, 28 ans. À Marseille, on a réa­li­sé une grande ses­sion autour du stade pour dénon­cer des pro­pos homo­phobes tenus lors d’un match. » Du côté d’Yssingeaux, les rares col­lages à carac­tère LGBTQI+ « n’ont pas été com­pris par les habitant·es. On a donc fait le choix de pri­vi­lé­gier des concepts plus simples et acces­sibles pour que cela ait une uti­li­té », explique Adèle.

MÊME DÉGRADÉS, LES MESSAGES ONT DÉJÀ ÉTÉ IMMORTALISÉS

Arrachés par des mas­cu­li­nistes, recou­verts de slo­gans anti-IVG, quand ils ne sont pas net­toyés par des agent·es des ser­vices muni­ci­paux, les mes­sages des col­leu­reuses dis­pa­raissent par­fois en quelques heures. « Quand une fémi­niste parle, on va com­men­ter sa coupe de che­veux, son appa­rence. C’est un moyen d’éviter de dis­cu­ter du fond du sujet. De la même manière, plu­tôt que de contes­ter les mes­sages véhi­cu­lés par les col­lages, on s’en prend au sup­port, ana­lyse Mathilde Larrère. Une façon de refu­ser la légi­ti­mi­té du débat que les fémi­nistes posent. »

Mais les mes­sages dégra­dés ont de toute façon déjà été immor­ta­li­sés grâce à la publi­ca­tion de pho­tos sur Instagram. Des murs réels aux murs vir­tuels, les col­lec­tifs ont dès leurs débuts mul­ti­plié les sup­ports de dif­fu­sion afin de péren­ni­ser des col­lages qu’ils savaient voués à dis­pa­raître. « Cet usage du numé­rique se tra­duit par la pro­duc­tion de traces plus ins­ti­tu­tion­na­li­sées, qui impactent moins le quo­ti­dien. Mais qui donnent l’impression que ce mou­ve­ment inonde toutes les rues de France, décrypte Irène Despontin Lefèvre. Or, sur les réseaux sociaux, on suit les comptes qui nous cor­res­pondent. D’où un effet trompe‑l’oeil, car beau­coup de villes n’ont jamais eu le moindre col­lage. »

Cette dif­fu­sion mas­sive a certes per­mis de fédé­rer des sou­tiens, mais marque sur­tout une dif­fé­rence avec les mou­ve­ments pré­cé­dents : la trans­mis­sion d’archives et d’une mémoire. À tel point que, au col­lec­tif Collages fémi­nistes Paris, trois pho­to­graphes pro­fes­sion­nelles cap­turent béné­vo­le­ment les moments et les oeuvres de la vie mili­tante. De quoi, selon Marie, « ins­crire notre lutte dans l’histoire du fémi­nisme, et lais­ser une trace pour les pro­chaines géné­ra­tions ».

*****

1. « Colleuses » est le nom ini­tial que ces mili­tantes se sont don­né et qui a été repris dans le lan­gage cou­rant. Depuis, pour plus d’inclusion des mino­ri­tés de genre, des col­lec­tifs ont choi­si d’appeler leurs membres des « colleureuses ».

2. Le pré­nom a été modifié.

3. En jan­vier 2020, Marguerite Stern cosigne une tri­bune publiée dans le HuffPost dans laquelle elle dit, entre autres, inter­pré­ter la tran­si­den­ti­té « comme une nou­velle ten­ta­tive mas­cu­line pour empê­cher les femmes de s’exprimer ». En juillet 2020, elle publie une série de tweets dans les­quels elle dit esti­mer que,  « dans son essence », l’islam « va à l’encontre des droits humains » ; elle a pris posi­tion à de nom­breuses reprises contre le port du voile.

4. Mathilde Larrère, Rage against the machisme, Éditions du Détour, 2020.

Lire cet article

Retrouvez cet article dans la revue papier La Déferlante n°5, de mars 2021. La Déferlante est une revue trimestrielle indépendante consacrée aux féminismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abonnement, elle raconte les luttes et les débats qui secouent notre société.