Dénudées, un peu mais pas trop, sur la piste, on s’époumonera sur Beyoncé avec nos copines. Le sourire toujours accroché aux lèvres, car on aime ça, danser, non ? Oui, enfin pas toujours. Quand on le décide, selon l’entourage, parfois seule, à notre rythme, pour se vider la tête ou au contraire se remplir de force et de joie. La beauté et la technicité des gestes deviennent alors secondaires. On danse pour se sentir terriblement vivantes et moins souffrir de ce système néolibéral qui fait de nous des zombies.
Au cœur des luttes sociales, danser devient une stratégie et un outil de résistance. Telle est la promesse du collectif des Rosies, dont les chorégraphies de rue sont une expression de l’opposition à la réforme des retraites. C’est le mode d’action privilégiée par les féministes chiliennes de Las Tesis, qui dansent et chantent, depuis 2019, contre les violences systémiques et sexuelles, inspirant artistes et militant·es à travers le monde, jusqu’au collectif Dame Chevalier en France. Toutes et tous s’inscrivent dans une tradition ancienne forgée par des groupes minoritaires, esclavis·ées et colonisé·es, luttant grâce à l’art chorégraphique, n’ayant souvent plus que ce langage pour exister. Ce langage qui ne cesse de se transmettre et de se transformer, jusqu’au hip-hop ou au voguing, se nourrissant de gestes symboliques, de rythmes, de souffles, de désirs de vivre et d’occuper l’espace. La danse fait un bien fou. Elle libère, et parfois même, répare les corps violentés.
Alors dansons. Quand on n’a pas les mots, pas assez de mots,pour éviter d’être silenciées, quand la musique devient appel, réveil, pour être ensemble, pour foutre la joie.
Iris Derœux est journaliste indépendante et membre du comité éditorial de La Déferlante.