Tandis que les soulèvements face à l’urgence climatique se multiplient, on observe une percée des pensées écoféministes qui mettent en lumière la dimension genrée de la catastrophe. Les femmes et les populations dominées sont les premières victimes des désastres climatiques. Et les comportements virilistes ainsi que les structures patriarcales et capitalistes sont responsables en premier chef de la destruction des écosystèmes. Quels moyens mettre en œuvre pour affronter les crises? Débat entre la chercheuse et militante Julie Gorecki, la climatologue Valérie Masson-Delmotte et l’économiste Thomas Porcher.
On observe depuis plusieurs années, une approche écoféministe de l’urgence climatique qui tend à introduire le genre comme grille de lecture de la catastrophe environnementale. Julie Gorecki vous suggérez d’employer le concept d’« androcène » que vous préférez à celui d’«anthropocène» pour désigner notre époque. Comment le définissez-vous?
JULIE GORECKI Je définis l’androcène comme une enquête sur les racines patriarcales des crises climatiques à travers une perspective féministe historique. C’est l’étude des imbrications de différents systèmes d’oppression: le capitalisme, le patriarcat, le colonialisme, l’impérialisme, l’hétérocisnormativité, etc. Il permet de penser de façon structurelle les liens entre les destructions environnementales et l’oppression de genre. Je défends une approche intersectionnelle et décoloniale de l’androcène qui tient compte de la race, de la classe, de la géographie et des histoires matérielles spécifiques des femmes. Par exemple, les attaques coloniales contre les économies gérées par des femmes indigènes. Ou encore, l’histoire des femmes asservies et esclavagisées dans les plantations lors de la construction des Etats-Unis, et de l’ensemble des autres plantations ayant servi à developer le monde industriel à travers le globe d’ailleurs. Ces exemples montrent comment les progrès de la modernité et de l’industrialisation, modèle dont le colonialisme a favorisé l’exportation, ont nécessité la domination des femmes. Là où l’anthropocène (lire l’encadré page 45) rend tous les êtres humains […]
Retrouvez ce débat «L’écoféminisme peut-il sauver la planète ? » dans La Déferlante #9.