Jeux vidéo : les féministes crèvent l’écran

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Sexualisation à outrance des héroïnes, violences sexuelles envers des salariées des studios, attaques et menaces en ligne : alors que les femmes représentent près de la moitié des adeptes de jeux vidéo, l’univers des « gamers » leur demeure hostile. Depuis une dizaine d’années, des joueuses et des développeuses de la nouvelle génération montent au front pour défendre leur place.

 

Ce n’est pas tous les jours qu’une mili­tante fémi­niste peut savou­rer sa vic­toire. Anita Sarkeesian s’est accor­dé ce plai­sir en mars 2022, à la Game Developers Conference (GDC), un évè­ne­ment dédié aux professionnel·les du jeu vidéo à San Francisco. « J’ai long­temps été le cau­che­mar de cer­tains gamers : je repré­sen­tais un nou­veau monde, celui où les déve­lop­peurs n’étaient plus libres, c’est-à-dire qu’on leur deman­dait de racon­ter des his­toires où les femmes étaient des per­sonnes humaines », a affir­mé non sans iro­nie la blo­gueuse américano-canadienne, qui s’est fait connaître en dénon­çant la miso­gy­nie dans la pop culture. Dix ans plus tôt, en 2012, Anita Sarkeesian lan­çait un appel aux dons pour finan­cer une série de vidéos : Tropes vs Women in Video Games (lit­té­ra­le­ment : « les cli­chés contre les femmes dans les jeux vidéo »). Son but était d’analyser les sté­réo­types sexistes qui collent à la peau des héroïnes vir­tuelles, sou­vent réduites à des objets de désir pour les joueurs hété­ro­sexuels. Très vite, Anita Sarkeesian reçoit des insultes sur les réseaux sociaux ; elle est même mena­cée d’un atten­tat à la bombe. Cette vio­lence par­ti­cipe à la média­ti­sa­tion de la cam­pagne de finan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif, qui finit par récol­ter près de 160 000 dol­lars, soit 26 fois le mon­tant ini­tia­le­ment visé. Anita Sarkeesian réa­li­se­ra vingt vidéos au total, dif­fu­sées sur YouTube entre 2013 et 2017. Elle a contri­bué à visi­bi­li­ser la ques­tion des repré­sen­ta­tions des femmes dans les jeux vidéo et elle est deve­nue l’une des figures de proue de la révo­lu­tion fémi­niste qui secoue ce milieu depuis dix ans. « Finalement, leurs craintes se sont réa­li­sées. Nous avons gagné », c’est avec ces mots que la vidéaste concluait son discours.

EN 2014, LE TOURNANT DU GAMERGATE 

Plus de la moi­tié de la popu­la­tion fran­çaise joue au moins une fois par semaine aux jeux vidéo. 47 % sont des femmes 1. Pourtant, dans l’imaginaire col­lec­tif, les jeux vidéo ont long­temps été […]

Retrouvez ce focus sur le fémi­nisme dans le milieu des jeux vidéo dans La Déferlante #8.

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Retrouvez cet article dans la revue papier La Déferlante n°8, de novembre 2022. La Déferlante est une revue trimestrielle indépendante consacrée aux féminismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abonnement, elle raconte les luttes et les débats qui secouent notre société.

La Déferlante 7 : Réinventer la famille