On célébrait le 17 janvier dernier les 48 ans de la loi portée par Simone Veil, autorisant les médecins à pratiquer des avortements. Année après année, l’ancienne ministre de la Santé a fini par incarner à elle toute seule ce jalon essentiel de l’émancipation des Françaises. Au risque d’évincer des commémorations les combats collectifs qui ont permis la légalisation de l’IVG, mais au risque également d’isoler l’avortement au sein d’autres luttes toujours d’actualité pour les droits reproductifs.
En novembre dernier, les député·es inauguraient dans les jardins de l’Assemblée nationale, une statue de Simone Veil. En 2018, un an à peine après sa disparition et à l’initiative d’Emmanuel Macron, l’ancienne ministre de la Santé entrait au Panthéon. Il faut dire que le parcours exceptionnel de Simone Veil épouse de manière frappante l’histoire du xxe siècle, dans ce qu’elle a de plus épouvantable – l’expérience de la Shoah –, mais aussi de réconciliateur – Veil fut une actrice importante de la construction européenne – et d’émancipateur pour les femmes : il y a presque cinquante ans, le 17 janvier 1975, Simone Veil faisait adopter par le Parlement la loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en France. Mais comme tout totem politique, la figure de l’ancienne ministre est aussi convoquée à d’autres fins, en l’occurrence pour neutraliser une autre mémoire, celle des féministes de gauche, et pour figer le cadre idéologique des enjeux reproductifs en France.
La loi de 1975 : un texte de compromis
L’historienne Bibia Pavard, autrice d’une thèse sur les dynamiques de lutte pour la contraception et l’avortement en France entre 1956 et 1979, y qualifie la loi Veil de « victoire paradoxale » pour les femmes : « Simone Veil a contribué à l’aboutissement de la revendication féministe de libre disposition de soi pour les femmes, tout en repoussant les mobilisations collectives dans un hors-champ. »
De fait, au tournant des années 1970, à force de mobilisations, les féministes parviennent à mettre la question de l’IVG à l’agenda politique. Nommée en 1974 ministre de la Santé par Giscard d’Estaing, Simone Veil est prévenue par son prédécesseur, Michel Poniatowski qu’elle doit faire vite : « Sinon vous arriverez un matin au ministère et vous découvrirez qu’une équipe du MLAC [Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception] squatte votre bureau et s’apprête à y pratiquer un avortement. »
Mais pour que les député·es de droite adoptent cette loi progressiste, Simone Veil doit multiplier les concessions : il ne s’agit pas d’ouvrir des droits, mais avant tout de répondre à une urgence sanitaire, « mettre fin à une situation de désordre et d’injustice », comme elle le déclare en présentant sa loi devant l’Assemblée nationale. Dans l’esprit du texte, les femmes, avant d’être des sujets politiques dignes de droits, sont des […]

Quelques jours après sa mort, en juillet 2017, le Parlement européen rendait hommage à Simone Veil.
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