Un mois après le début du soulèvement en Iran, les manifestations de femmes contre le port du voile se sont transformées en un large mouvement de contestation sociale qui ne semble pas faiblir. Un cas d’école de convergence des luttes qu’analyse pour La Déferlante l’anthropologue franco-iranienne Chowra Makaremi.
Depuis la mi-septembre et l’assassinat de la jeune Mahsa Amini par la police religieuse, la jeunesse iranienne manifeste un peu partout aux cris de « Femme, vie, liberté ». Comment faut-il, selon vous, comprendre ce slogan ?
Zhina Mahsa Amini appartenait à la minorité kurde qui est extrêmement discriminée en Iran – son « vrai » prénom est d’ailleurs un prénom kurde, Zhina, que l’État refuse d’enregistrer. C’est important pour comprendre les circonstances de sa mort : Zhina Mahsa n’était pas plus mal voilée que la majorité des filles à Téhéran, mais celles qui sont originaires de la capitale savent où aller pour éviter les contrôles, comment se comporter avec les agents, à qui donner de l’argent, qui appeler en cas de problème…
Les protestations ont commencé le soir des funérailles de la jeune femme dans la ville de Saqqez. C’est de là qu’est parti le slogan en langue kurde « Femme, vie, liberté », une devise politique inventée au sein du Parti des travailleurs kurdes (PKK) d’Abdullah Öcalan – dans lequel, certes, les femmes n’ont pas toujours été suffisamment représentées, mais qui a théorisé que la libération du Kurdistan ne se ferait pas sans elles.
Je note au sujet du mot « vie » contenu dans ce slogan que beaucoup de jeunes manifestantes et manifestants donnent littéralement leur vie pour le changement de régime qu’ils réclament. Quand Zhina Mahsa est morte, les premières images d’elle qui ont été diffusées la montraient en robe rouge en train d’exécuter une danse traditionnelle qui témoigne d’un culte de la joie qu’on retrouve sur tous les comptes Instagram ou Tiktok des manifestantes tuées auparavant.

Chowra Makaremi est une chercheuse franco-iranienne. Crédit photo : Archives personnelles
Quelle est la place des féministes dans le mouvement qui agite l’Iran depuis plus d’un mois ?
La dimension principale de cette révolte est le refus du voile qui est la matérialisation de ce que les féministes iraniennes appellent « l’apartheid de genre » : un ensemble de discriminations économiques, culturelles et juridiques, inscrites dans les lois sur le travail ou l’héritage.
Mais ce mouvement veut aussi mettre fin à d’autres discriminations : par exemple, […]
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