22 janvier 2012, Le Bourget (Seine-Saint-Denis). Le candidat à l’élection présidentielle François Hollande lance au milieu d’un discours : « L’égalité, ce sont les mêmes droits pour tous, quels que soient son sexe et son orientation.
C’est le droit de pouvoir se marier, d’adopter, pour les couples qui en décident ainsi. » C’est par ces mots largement acclamés que le futur président socialiste formule l’une de ses promesses de campagne : l’ouverture aux couples homosexuels du droit au mariage et à l’adoption.
Le 6 mai, François Hollande est élu président de la République ; le 17 juin, le Parti socialiste (PS) obtient la majorité absolue à l’Assemblée nationale – la gauche l’avait au Sénat depuis 2011. Le nouveau président ayant le Parlement de son côté, l’adoption du mariage pour tous et toutes aurait dû être, en toute logique, une simple formalité, d’autant que les Français·es y étaient favorables. Pourtant, c’est l’inverse qui va se passer. Présenté en conseil des ministres le 7 novembre 2012, le projet de loi sera discuté pour la première fois à l’Assemblée le 29 janvier 2013 après une série d’auditions en commission des lois, puis débattu dans la plus grande violence pendant près de trois mois, tant par les politiques que par un mouvement d’opposition – La Manif pour tous – que personne n’avait vu venir.
Au PS, « ça les met mal à l’aise »
« Ça n’a pas été un grand chemin de roses sans épines », se souvient la ministre de la Famille de l’époque, Dominique Bertinotti, cosignataire du texte de loi avec la garde des Sceaux Christiane Taubira. Historiquement, le sujet est loin de faire consensus au sein du Parti socialiste. Le pacte civil de solidarité (pacs) a été arraché à la gauche en 1999, à la suite d’une mobilisation sans précédent de la communauté gay décimée par l’épidémie du sida : « [Le pacs] n’avait jamais été conçu comme un point de départ vers l’égalité totale, mais comme le seul compromis possible pour mettre fin aux discriminations », écrivait en 2015 Daniel Borrillo, ancien responsable de la section juridique de l’association de lutte contre le VIH et les hépatites virales Aides (1). « Le pacs est radicalement différent du mariage parce qu’il n’est pas question, ni aujourd’hui ni demain, que deux personnes physiques du même sexe, quel que soit leur sexe, puissent se marier », assénait d’ailleurs en 1998 la ministre de la Justice socialiste Élisabeth Guigou, devant l’Assemblée nationale.
En réalité, en 2012, cela fait près de dix ans que les activistes œuvrent pour imposer cette revendication à l’agenda des partis de gauche. Dès mars 2004, Le Monde publie un « Manifeste pour l’égalité des droits », dans lequel plus de 120 signataires (artistes, intellectuel·les, chercheur·euses…) appellent les maires de France à marier des personnes de même sexe. Trois mois plus tard, le 5 juin, l’écologiste Noël Mamère unit – symboliquement, car c’est illégal – deux hommes dans sa mairie de Bègles, poussant les autres partis à prendre position.
En parallèle, une campagne de lobbying auprès du PS s’organise au sein de l’association de lutte contre le sida Act Up-Paris. Les débuts sont peu encourageants : les socialistes « jouent la montre, noient le poisson, ce n’est pas leur priorité et ça les met mal à l’aise », résume Pauline Londeix, qui coordonnait le pôle de l’association sur l’égalité des droits. En septembre 2005, dans une motion interne à son parti, François Hollande, alors secrétaire général, s’engage finalement pour l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Mais les désaccords entre socialistes persistent, et plus encore sur la question de l’adoption.
« Le pacs est radicalement différent du mariage parce qu’il n’est pas question, ni aujourd’hui ni demain, que deux personnes physiques du même sexe puissent se marier. »
Élisabeth Guigou, ministre de la Justice, devant l’Assemblée nationale, en 1998
« À l’époque, nos ennemis étaient ceux de l’intérieur », accuse aujourd’hui Daniel Borrillo. Dans un ouvrage paru en 2017 (2), il expliquait : « Tous les arguments mobilisés par La Manif pour tous en 2013 avaient été élaborés par les experts du gouvernement socialiste en 1999. » Des intellectuel·les sont chargé·es de produire des rapports sur les mutations de la famille ; elles et ils alertent sur le risque de « mariages polygamiques » ou sur le fait que « la structure même de la société serait menacée par des familles trop anormales, des filiations trop atypiques ». On trouve les professeur·es de droit Jean Hauser et Françoise Dekeuwer-Défossez, mais aussi la sociologue Irène Théry – revenue depuis sur ses positions –, qui, en 1998, définit la parenté comme étant « l’institution qui articule la différence des sexes et la différence des générations ». Des arguments qui s’inscrivent eux-mêmes dans le prolongement d’une rhétorique catholique « anti-genre », venue tout droit du Vatican, engagé depuis les années 1990 dans un « combat moral » contre l’homosexualité.
La stratégie hollandiste sur le « mariage pour tous » va hériter de ces analyses et désaccords. Le 10 septembre 2012 – quatre mois après l’arrivée de François Hollande à l’Élysée –, Christiane Taubira, ministre de la Justice, chargée du projet de loi, accorde un entretien au journal catholique La Croix – elle avait promis une exclusivité au mensuel gay Têtu. Elle insiste sur les consultations prévues avec « de nombreux acteurs de la société », y compris des personnes « hostiles au mariage pour tous, des institutions, des représentants des cultes » et enterre dans le même temps la possibilité d’une procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes. Le ton est donné, celui d’un « consensus mou », selon les termes employés alors par Dominique Bertinotti. Elle est plusieurs fois recadrée par le cabinet du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et par le président lui-même.
Alors que le PS peine à définir sa ligne, les oppositions commencent à s’organiser. Le 15 août 2012, alors que les catholiques célèbrent la montée au ciel de la vierge Marie, le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France, lance les hostilités dans une « prière pour la France » reprise dans de nombreuses paroisses. Il appelle les élu·es à privilégier « le bien commun » et à ne pas céder à « des demandes particulières », ajoutant que les enfants doivent pouvoir « bénéficier pleinement de l’amour d’un père et d’une mère ». Trois semaines plus tard, le 5 septembre, une cinquantaine de personnes se retrouvent au local de l’association Pour l’unité du monde par l’Église catholique, à Paris. En marge des associations catholiques intégristes Alliance Vita et Civitas, le mouvement de La Manif pour tous (LMPT) vient de se constituer, et va rapidement prendre de l’ampleur. À sa tête, une figure émergente de « catho branchée », comme elle se définit elle-même : Frigide Barjot, de son vrai nom Virginie Tellenne.
Les vannes de l’homophobie ouvertes en grand
Autour d’elle se fédèrent de nombreuses associations familiales catholiques et des groupes traditionalistes plus ou moins radicaux qui disposent de ressources organisationnelles importantes. Le 17 novembre, dix jours après que le projet de loi est passé en conseil des ministres, LMPT organise ses premiers rassemblements à Paris et dans plusieurs villes de France, qui réunissent plus de 100 000 personnes selon les chiffres officiels. Cette mobilisation conforte le gouvernement dans sa frilosité. Le 20 novembre, lors du 95e congrès des maires de France, François Hollande assure que les édiles pourront invoquer leur « liberté de conscience » pour refuser de célébrer les mariages entre personnes de même sexe – déclaration qu’il réfutera dès le lendemain. Mais le mouvement est lancé, et les manifestations s’enchaînent. « On vivait au rythme des “manifs pour tous”, et ce qui est dramatique, c’est que le PS, d’une certaine façon, a renforcé ce mouvement », déplore aujourd’hui Dominique Bertinotti.
Les opposant·es catholiques se sont entre-temps fait des allié·es en nombre. Des personnalités de droite participent aux manifestations : Jean-François Copé, alors secrétaire général de l’Union pour un mouvement populaire (UMP, ancêtre des Républicains), Michèle Alliot-Marie, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez, mais aussi l’actuel ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui s’engage à ne pas célébrer de mariage entre personnes de même sexe s’il est élu maire de Tourcoing (Nord). À l’extrême droite, Marion Maréchal, Gilbert Collard, Nicolas Dupont-Aignan et Robert Ménard battent également le pavé. À l’hiver 2012–2013, La Manif pour tous apparaît, au-delà de la seule sphère catholique, comme un opportun mouvement d’opposition à une gauche qui n’avait plus été au pouvoir depuis vingt ans.
Contrairement à l’image qu’il en reste, et comme l’explique le sociologue du catholicisme Yann Raison du Cleuziou, « la “manif pour tous” n’est pas le surgissement spontané d’une partie de la population dans la rue en opposition à un projet de loi (3) ». Elle est portée par des financements importants, la vente de produits dérivés, et des communicant·es hors pair, qui font de ce mouvement une marque à part entière. « Comme nous le confie Émile Duport, l’un des maîtres d’œuvre de la communication du mouvement, “c’est une manif de pubards” », écrit le chercheur. LMPT redouble d’ingéniosité pour tenter de masquer la réelle identité des manifestant·es. Des consignes vestimentaires sont données sur Internet par Frigide Barjot : « Pour madame, cheveux lâchés négligemment chiffonnés, soutien-gorge pigeonnant, carré Hermès et serre-tête prohibés. Pour monsieur, barbe naissante obligatoire, raie sur le côté et pochette Sulka oubliées ». Le dress code ? « Décontracté ++++, bleu-blanc-rose, avec sweats vendus à cet effet. »
S’inspirant d’événements comme la Techno Parade ou même la Marche des fiertés, LMPT ne cesse de détourner et de s’approprier codes et logos des mouvements sociaux. Les slogans des rassemblements de gauche et antiracistes sont repris et détournés : « Taubira, t’es foutue, les Français sont dans la rue », « Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d’hétéros » ou « Pas touche à nos stéréotypes de genre ». Ceux de la communauté LGBT+ également, alors qu’on peut aussi apercevoir des manifestant·es de LMTP se dandiner sur les tubes du groupe Abba, icône gay. C’est ce que le sociologue Éric Fassin nomme, non sans ironie, « l’homophobie travestie ». Les Hommen, groupuscule masculiniste né dans le giron de LMPT en 2012 et qui parodie les Femen, « illustrent parfaitement ce côté travestissement », ajoute-t-il. Le mouvement va jusqu’à créer le néologisme « familiphobie » pour contrer les accusations d’homophobie.
La manifestation d’opposition du 13 janvier 2013 rassemble, selon la police, 340 000 personnes (un million selon les organisateur·ices) ; les vannes de l’homophobie s’ouvrent en grand, dans la rue comme au Parlement, où les débats se durcissent. Des personnalités politiques – pour la plupart issues de l’UMP – mettent en garde contre « l’arrêt de la famille », la « décadence », « un danger énorme pour l’ensemble de la nation » (Serge Dassault, sénateur de l’Essonne), « le déni de la différence des sexes » (Nicolas Dhuicq, député de l’Aube) ou encore le risque d’ouvrir la voie au « mariage avec des objets » (Colette Giudicelli, sénatrice des Alpes-Maritimes) et à la création d’« enfants Playmobil » (Jacques-Alain Bénisti, député du Val-de-Marne)… Le tout avec la complicité passive des médias qui déroulent un tapis rose et bleu à LMPT et aux représentant·es de l’Église catholique.
La Manif pour tous occupe l’antenne
Dans une interview donnée le 13 septembre 2012 à la radio chrétienne RCF, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon – qui sera quelques années plus tard accusé d’avoir caché les agissements pédocriminels du prêtre Preynat – lâche : « Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, qui sait, l’interdiction de l’inceste tombera. » Dans une dépêche, l’Agence France-Presse transmet ses propos tels quels, violents et outranciers. De grands quotidiens, comme Le Monde ou Libération, la reprennent sans distance, ainsi qu’un reportage du « 20 heures » de France 2 deux jours plus tard. Publiée en 2021, une étude (4) sur le traitement de l’homosexualité dans les médias affirme que, pendant cette période, « les médias traitent et diffusent majoritairement les images et témoignages des anti-mariage pour tous, notamment lors des manifestations ». Sur les chaînes d’information en continu, les associations LGBT+ et les défenseur·euses du mariage pour tous et toutes sont très rarement invité·es. En revanche, Frigide Barjot et ses acolytes occupent l’antenne : le dimanche 13 janvier 2013, BFM-TV et I‑Télé, aujourd’hui CNews, diffusent en direct et pendant des heures le défilé de LMPT, allant jusqu’à utiliser les images officielles des organisateur·ices et à reprendre dans le bandeau au bas de l’écran le logo officiel du mouvement.
Au terme de plus de 170 heures de discussions parlementaires – l’un des dix textes les plus longuement débattus de la Ve République – la loi légalisant le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe est finalement adoptée le 23 avril 2013, par 331 voix contre 225. Malgré ce vote historique, et le discours puissant de Christiane Taubira (lire l’encadré ci-dessous), la pilule est amère : la question de la PMA pour toutes est purement et simplement enterrée. Dominique Bertinotti sera remerciée moins d’un an plus tard par François Hollande, faisant, selon elle, les frais de son positionnement en faveur de la PMA pour toutes (5).
Discours de Christiane Taubira le 23 avril 2013 à l’Assemblée nationale (extrait)
« Nous voulons dire en particulier aux adolescentes, aux adolescents de ce pays qui ont été blessé·es, qui ont été désemparé·es ces derniers jours, qui ont été dans un désarroi profond, immense, qui ont découvert une société où une sublimation des égoïsmes permettait à certains de protester bruyamment contre les droits des autres, nous voulons leur dire simplement qu’ils ont leur place dans la société […]. Si vous êtes pris de désespérance, balayez tout cela. Ce sont des paroles qui vont s’envoler. Restez avec nous. Et gardez la tête haute, vous n’avez rien à vous reprocher. Nous le disons haut et clair, à voix puissante, parce que, comme disait Nietzsche, “les vérités tuent. Celles que l’on tait deviennent vénéneuses.”
Merci à vous tous. »
Le collectif Oui oui oui remonte au créneau. Créé en 2012 dans le sillage du mouvement pour le mariage des personnes de même sexe, le groupe défend l’accès à la PMA pour tous et toutes et combat l’invisibilisation des lesbiennes dans les médias. À l’issue du vote, il multiplie les actions et les manifestations pour rappeler François Hollande à ses engagements de 2012. « Mais ce qu’on n’avait pas prévu, précise le socialiste Erwann Binet, rapporteur du projet de loi, qui souhaitait, lui aussi, y inclure la PMA, c’est qu’il y aurait un changement de gouvernement, que Bertinotti ne serait plus là et qu’il n’y aurait pas de loi famille. On s’est fait enfler là-dessus. » Car après l’adoption de la loi, le président socialiste « ne voulait plus entendre parler de la moindre question dite de société. Et il est clair qu’il ne voulait pas de la PMA », raconte Dominique Bertinotti. Un renoncement qui fera perdre huit ans aux lesbiennes et aux femmes célibataires souhaitant y recourir, la « PMA pour toutes » n’ayant été rendue possible en France qu’en août 2021, au prix de nouveaux débats houleux et de l’exclusion des personnes trans de l’accès à ce droit.
Les personnes trans dans le viseur
Du fait des atermoiements socialistes, la période 2012–2013 constitue un moment de bascule politique dont les forces conservatrices sortent – et demeurent encore aujourd’hui – grandes gagnantes. Alors que la France célèbre, en 2023, les 10 ans du Mariage pour tous et toutes, 68 % des personnes LGBT+ gardent de cette période des souvenirs « plutôt désagréables (6) ». Et pour cause : en 2013, l’association SOS homophobie enregistrait une augmentation inédite de 78 % des violences LGBTphobes (7), sans que cette explosion de violence ne constitue, à l’époque, une préoccupation politique ou médiatique de premier plan.
C’est à ce même moment, puis durant tout le mandat de François Hollande (2012–2017), que s’épanouissent, dans le paysage politique, la droite conservatrice et l’extrême droite. Au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, Marine Le Pen (Front national, devenu en 2018 Rassemblement national) arrive tout juste derrière Emmanuel Macron, avec 21,30 % des suffrages exprimés, tandis que François Fillon (Les Républicains), soutenu par l’association Sens commun, directement issue de La Manif pour tous, arrive troisième avec 20 %. En 2020, Sens commun devient Le Mouvement conservateur et apporte son soutien à Éric Zemmour. « Les mouvements “anti-genre” se sont rendu compte que la droite traditionnelle n’était pas suffisamment ambitieuse, qu’elle était d’accord pour bloquer certaines innovations, mais n’était pas source d’initiatives, tandis qu’ils ont trouvé de nouveaux partenaires dans l’extrême droite », explique Neil Datta, directeur exécutif du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs (EPF) (8).
Ces dix dernières années, les idées d’extrême droite ont également gagné du terrain dans les médias. En 2014, l’homme d’affaires conservateur Vincent Bolloré prend le contrôle du groupe Vivendi, propriétaire de Canal+. Trois ans plus tard, malgré un mouvement de grève des journalistes sans précédent, il transforme la chaîne d’info I‑télé en CNews, qui devient rapidement la caisse de résonance des idées les plus réactionnaires. La chaîne renforce l’éditorialiste et futur candidat d’extrême droite à la présidentielle Éric Zemmour et offre une émission au journaliste catholique d’extrême droite Aymeric Pourbaix. Depuis dix ans, ce fervent soutien de La Manif pour tous propage à l’antenne les thèses des catholiques conservateur·ices et invite régulièrement des représentant·es de la Fondation Jérôme-Lejeune, qui combat le droit à l’avortement et finance les principales associations « anti-genre » en Europe (9).
Dans un rapport publié au printemps 2023, l’association des journalistes gay, lesbiennes, bi·es et trans (AJL), créée au lendemain des débats sur le mariage pour tous et toutes, affirme que les « paniques morales » actuellement propagées par les journaux et chaînes d’extrême droite trouvent leurs sources dans les pratiques médiatiques de 2013 : « fake news, “débats” en l’absence des concerné·es et micros tendus aux militant·es homophobes ». Selon l’association, « les mêmes mécanismes médiatiques sont toujours en place, désormais dirigés contre les personnes trans ». Car dix ans après le vote de la loi et alors que le mariage homosexuel est aujourd’hui largement accepté par l’opinion, les héritiers et héritières de LMPT se sont choisi une nouvelle cible : les personnes trans. « La suite de leur stratégie – parce que, finalement, ils n’ont jamais disparu –, conclut la sociologue Karine Espineira, c’est de dire : “Si la bataille contre le mariage n’a pas marché, c’est pas grave, il nous reste à combattre le genre.” » Alors que dix ans plus tard ressurgissent les soupçons portant sur une prétendue « théorie du genre », la boucle semble bouclée.
Rozenn Le Carboulec
Journaliste indépendante. Créatrice du podcast Quouïr pour Nouvelles Écoutes, elle travaille aujourd’hui principalement avec Mediapart. Elle est l’autrice de Les Humilié·es. Dix ans après le mariage pour tous : l’heure du bilan (Équateurs, 2023).
(1) Daniel Borrillo, « Mariage pour tous et filiation pour certains : les résistances à l’égalité des droits pour les couples de même sexe », Droit et Cultures, 2015.
(2) Daniel Borrillo, « Mariage pour tous et homoparentalité. Les péripéties du conservatisme de gauche », dans Bruno Perreau et Joan W. Scott (dir.), Les Défis de la République, Presses de Sciences po, 2017.
(3) Yann Raison du Cleuziou, Une contre-révolution catholique. Aux origines de La Manif pour tous, Seuil, 2019.
(4) Camille Claverie, Mouna El Bouhali, Capucine Milcent, Marie-Sarah Pouyau, Emma Prunel, Alexandra Renard, « Les représentations du corps à la télévision : le traitement de l’homosexualité dans les programmes d’actualité (1964–2019) », INAthèque, 4 août 2021.
(5) À l’époque, la revendication « pour toutes » concerne les femmes célibataires et les lesbiennes. Dans la décennie qui suit, elle s’élargit aux hommes trans.
(6) Arnaud Alessandrin, Flora Bolter, Denis Quinqueton, Mariage pour tous. La violence d’une conquête, Le Bord de l’eau – Fondation Jean-Jaurès, 2023.
(7) Les témoignages reçus par SOS homophobie se concentrent principalement sur le premier semestre 2013 (61 % des témoignages de l’année).
(8) Réseau de parlementaires à travers l’Europe engagé·es dans la protection des droits sexuels et reproductifs dans le monde.
(9) La partie émergée de l’iceberg. Des financements issus de l’extrémisme religieux visent à faire reculer les droits humains en matière de santé sexuelle et reproductive en Europe, 2009–2018, EPF, juin 2021.