Les mesures prises pour limiter l’autorité du père dans la famille issue du Code civil napoléonien se heurtent tantôt au poids des traditions, tantôt à des mobilisations masculinistes. La figure du patriarche a‑t-elle encore de baux jours devant elle ?
C’ est une loi promulguée en mars 2022 et entrée en vigueur en juillet dernier : désormais, dès l’âge de 18 ans, chacun·e peut changer le nom de famille reçu à la naissance. Ce texte permet de tenir compte des demandes de personnes majeures violentées ou abandonnées par un de leurs parents, et rend possible de remplacer le nom du père par celui de la mère. Une évolution qui n’a rien d’anecdotique, tant l’attribution du patronyme est symbolique du rôle pivot accordé depuis longtemps au pater familias: « Aujourd’hui encore, les parents continuent en grande majorité à transmettre à l’enfant qui vient de naître le nom du père qui, de ce fait, en devient comme le propriétaire », affirme ainsi l’historienne de la famille Anne Verjus. La remise en cause de ce statut implicite de «propriétaire » volontiers accordé au père est également perceptible dans l’attention nouvelle que la société française semble accorder au phénomène massif des crimes incestueux. Créée en 2021, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a publié ses conclusions intermédiaires en mars dernier. Elle préconise entre autres, concernant le parent poursuivi pour violences incestueuses contre son enfant, d’inscrire dans la loi la suspension de l’autorité parentale –et son retrait systématique en cas de condamnation–, ainsi que la suspension des droits de visite et d’hébergement. Une manière de limiter l’impunité des pères, lesquels, dès qu’il s’agit de violences incestueuses sur des filles, sont l’un des profils très représentés parmi les agresseurs. La figure omnipotente du pater familias serait-elle donc en train de perdre du terrain? La réalité est plus complexe, tant on […]