Chaque vol reliant Cayenne à Paris compte une vingtaine de personnes transportant de la cocaïne. Une forme de délinquance qui touche particulièrement les femmes guyanaises précaires issues des minorités. Surnommées « mules », elles sont jugées en France hexagonale, loin de leurs enfants, écopent de peines standardisées et remplissent les maisons d’arrêt pour femmes proches des aéroports franciliens.
Avant d’entrer dans la chambre, les visiteur·euses doivent retirer leurs chaussures. Dans ce centre d’hébergement du xixe arrondissement de Paris, Laura (le prénom a été modifié) a soigné la décoration et optimisé l’espace de 12 mètres carrés dont elle dispose. À 48 ans, elle est en libération conditionnelle et placée sous contrôle judiciaire. Elle vit ici depuis un an et demi et s’y trouve bien mieux lotie que dans les centres pénitentiaires de Fresnes (Valde-Marne) et Joux-la-Ville (Yonne) où elle était précédemment. En 2018, elle a été reconnue coupable « d’importation, transport, détention et acquisition de cocaïne ». Le procureur de Créteil avait requis huit ans de prison ferme, elle a été condamnée à quatre. Une peine qu’elle purge loin de ses enfants, restés en Guyane.
Au nom des « femmes comme elles », tombées aux mains des mêmes trafiquants, Laura raconte son parcours. Elle est née à Paramaribo, la capitale du Suriname. Son père était agriculteur. Sa mère faisait bouillir la marmite. Elle a 18 ans lorsque, par amour, elle traverse le fleuve Maroni marquant la frontière avec la Guyane française. Les années passent, les hommes aussi, violents pour certains. Les enfants naissent les uns après les autres, deux filles, deux fils. Les pères encaissent les aides de l’État tandis que Laura cultive son lopin de terre, vend des légumes le long de la nationale à Cayenne, fabrique sa maisonnette en agglo. Pilier de sa famille, comme beaucoup de femmes de sa communauté –les Bushinengués, descendant·es d’esclaves–, elle veut rester positive. « Mais en 2015, tout s’est écroulé »: sa petite dernière, Rosalinda, est tuée par une voiture. Pendant qu’elle s’enfonce dans la dépression, le père détale. C’est alors qu’un homme lui parle du transport de cocaïne: « Un trajet et tu mets ta famille à l’abri. »
De Cayenne, elle prend la route jusqu’à […]
Retrouvez la suite de cette enquête sur les Mules Guyanaise signée Anne-Laure Pineau et Sophie Boutboul dans La Déferlante #9.