Sophie Binet et Assa Traoré, pour une convergence des luttes

Assa Traoré est devenue un symbole de la lutte contre les violences poli­cières depuis la mort de son frère Adama, en 2016. Sophie Binet, première femme à avoir pris la tête de la CGT, en mars 2023, incarne un renou­vel­le­ment du syn­di­ca­lisme français. Face à l’extrême droite, toutes deux appellent à une conver­gence des luttes syn­di­cales et antiracistes.
Publié le 26 juillet 2024
PHOTOS Alexia Fiasco pour La Déferlante
Sophie Binet et Assa Traoré à La Parole errante, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), le 21 juin 2024. Photo : Alexia Fiasco pour La Déferlante

Sophie Binet, vous avez souhaité dialoguer avec Assa Traoré. Pourquoi ?

SOPHIE BINET La lutte d’Assa pour dénoncer les violences poli­cières fait écho à mon travail quand j’étais CPE [conseillère prin­ci­pale d’éducation] en lycée pro­fes­sion­nel, au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis. J’ai vu des quartiers devenir des zones de non-droit pour les habitant·es, qui ne sont plus respecté·es par les ins­ti­tu­tions et où les services publics sont abandonnés.
Ce qui m’inquiète, c’est que nos chemins ne convergent pas davantage, entre la CGT et la mobi­li­sa­tion dans ces quartiers. Il faut abso­lu­ment qu’on recons­truise les liens affaiblis par la déstruc­tu­ra­tion du travail : les habitant·es ont des boulots en pointillé, ce qui rend plus difficile l’organisation militante à partir du travail.

ASSA TRAORÉ Avec Sophie, nous sommes déjà inter­ve­nues ensemble lors de meetings, notamment fémi­nistes, contre la réforme des retraites. Le combat pour mon frère Adama s’est aussi construit avec des syndicats, dont la CGT. Après sa mort, je voulais que le combat du Comité Adama dépasse notre quartier, qu’on puisse créer des liens de soli­da­ri­té avec d’autres mouvements.

Le Comité Adama a récemment soutenu Aminata, une jeune femme noire que son employeur, GRDF, veut licencier. On pourrait se dire que cela n’a rien à voir avec le Comité Adama, et pourtant cette femme a fait appel à nous. Elle m’a raconté avoir été victime de sexisme, de racisme et d’un licen­cie­ment abusif, son témoi­gnage m’a touchée. Elle est très bien accom­pa­gnée syn­di­ca­le­ment par la CGT, mais c’est comme s’il lui manquait quelque chose, en tant que femme noire issue des quartiers popu­laires. Je pense qu’elle avait besoin d’une référence qui lui ressemble.

L’aide que j’apporte à cette femme, c’est quelque chose que j’aurais pu faire pour mon frère Adama, pour tous nos frères qui sont morts. Cette dis­cri­mi­na­tion dans le cadre du travail, ils auraient pu la subir aussi, et elle aurait pu entraîner un repli sur eux, sur le quartier. Ancienne édu­ca­trice, je connais ces jeunes qui n’ont pas accès à leurs droits : pas d’avis d’imposition, pas de carte Vitale ni de pièce d’identité. C’est comme s’ils avaient peur des ins­ti­tu­tions, quelles qu’elles soient. Comme si elles leur ren­voyaient l’idée qu’ils n’étaient pas légitimes. C’est tout un travail à faire avec eux pour qu’ils puissent entrer plei­ne­ment dans la société.

Je rejoins ce que dit Sophie quand elle affirme que les quartiers popu­laires sont trans­for­més en zone de non-droit pour leurs habitant·es. J’ajoute que c’est ça qui autorise la violence à entrer dans nos quartiers. La première violence à dénoncer, c’est celle qui nous rend vul­né­rables dans nos espaces de vie : les droits que nous n’avons pas, et les ins­ti­tu­tions qui nous regardent de haut.

Photos : Alexia Fiasco pour La Déferlante

Assa Traoré, le 21 juin 2024. Photo : Alexia Fiasco pour La Déferlante

SOPHIE BINET La défiance qui existe chez certains acteurs et actrices de ces quartiers vis-à-vis des syndicats me choque. Certain·es semblent penser que l’on défend l’ordre établi. Je suis frappée par la mécon­nais­sance du syn­di­ca­lisme dans toute la société, mais c’est encore plus marquant dans les quartiers popu­laires alors que c’est là où on en a le plus besoin.

Le syn­di­ca­lisme est un super outil de résis­tance, de conquête et d’organisation col­lec­tive. De notre côté, il faut qu’on travaille pour mieux rendre visible l’action syndicale et voir comment faire plus de place aux militant·es d’autres mou­ve­ments. Nous devons balayer devant notre porte.

Les fron­tières sont-elles si marquées entre syn­di­ca­lisme et luttes des habitant·es des quartiers popu­laires ? Dans le secteur du nettoyage, les grèves sont menées par des femmes racisées et vivant dans des quartiers popu­laires… Assa Traoré, votre mère, elle-même tra­vailleuse du nettoyage, s’est mise en grève en 2017. Était-elle syndiquée ?

ASSA TRAORÉ Ma mère tra­vaillait pour Onet [sous-traitant chargé du nettoyage dans les gares du nord de l’Île-de-France]. Elle n’était pas syndiquée mais faisait confiance à un syndicat. Le piquet de grève a duré plus d’un mois. Ma mère était malade donc elle n’a pas pu aller jusqu’au bout – quelques jours avant la fin de la grève, elle est entrée à l’hôpital pour une opération –, mais elle était très investie. Une maladie infantile qui n’avait pas été soignée au Mali lui a abîmé les yeux. La poussière de toutes ces années passées à balayer les quais a aggravé cette fragilité. Aujourd’hui, elle voit comme à travers un carreau cassé.

C’était sa première grève, donc pour nous, ses enfants, aussi. J’ai découvert le monde syndical par ce mouvement. Voir toutes ces mamans en lutte, ça m’a pris à la gorge. On décou­vrait un côté com­bat­tant chez nos parents qu’ils ne nous mon­traient pas à la maison. Il y avait tellement de souf­frances, et pourtant ils étaient là, à lutter de manière forte et digne.

On a vu combien les syndicats étaient organisés, et aussi qu’ils per­met­taient une certaine pro­tec­tion face à la police. Je me suis dit qu’ils faisaient un travail extra­or­di­naire : être en leur présence était rassurant. J’ai appelé à soutenir nos parents grévistes, à les rejoindre sur les piquets. C’était nouveau, car notre géné­ra­tion n’a pas grandi avec l’engagement syndical. Il y a une mécon­nais­sance et beaucoup de fantasmes négatifs qui entourent le syndicalisme.

ASSA TRAORÉ, HUIT ANS DE BATAILLE JUDICIAIRE

Ancienne édu­ca­trice spé­cia­li­sée, Assa Traoré a vu sa vie basculer le jour de la mort de son frère Adama. Ce jeune homme noir de 24 ans est mort le 19 juillet 2016 sur le sol de la caserne de Persan (Val-d’Oise), à la suite de sa violente inter­pel­la­tion à Beaumont-sur-Oise, par trois gendarmes.

Sa mort a‑t-elle été causée par le plaquage ventral pratiqué par les forces de l’ordre ? Plusieurs exper­tises médicales — dont l’une à l’i­ni­tia­tive de la famille — donnent des résultats contra­dic­toires. En mai 2024, la cour d’appel de Paris a confirmé le non-lieu prononcé en faveur des gendarmes, en raison d’une « absence d’élément matériel comme inten­tion­nel », mais a toutefois relevé « un lien de causalité » entre l’in­ter­pel­la­tion et sa mort. La famille s’est pourvue en cassation.

Assa Traoré elle-même a été condamnée à deux reprises: en mars 2021 par la cour d’appel de Paris, pour atteinte à la pré­somp­tion d’in­no­cence après avoir affirmé que les trois gendarmes res­pon­sables de l’in­ter­pel­la­tion de son frère l’avaient tué; en mars 2023, au civil, pour dif­fa­ma­tion contre une gendarme. Elle avait été relaxée au pénal.

La cofon­da­trice du Comité vérité et justice pour Adama s’est vu décerner, en 2020, titre de Guardian of the year (« Défenseuse de l’année ») par le magazine états-unien Time pour son enga­ge­ment contre les violences poli­cières. En 2022, elle a créé sa propre fondation pour les quartiers populaires.

 

SOPHIE BINET La grève est un outil puissant, il faut aussi trans­mettre cette histoire. Alors qu’auparavant les femmes tra­vaillaient à domicile, comme bonnes ou dans l’agriculture, leur arrivée dans l’industrie textile a été un grand moment de l’histoire de l’émancipation féminine. Les grandes grèves de la fin du XIXe et du début du XXe siècle nous ont permis d’exister dans la cité en tant que femmes, hors de la sphère domestique.
Quand j’étais CPE, je n’ai pas vu de parents démis­sion­naires, mais des parents qui ne pouvaient pas jouer leur rôle. Quand on doit tra­vailler de nuit, le soir ou le week-end, évi­dem­ment qu’on ne peut pas venir aux rendez-vous au lycée, ni être présent·es le soir pour aider à faire les devoirs. Le patronat a une res­pon­sa­bi­li­té majeure dans les dif­fi­cul­tés qu’ont les parents enfermés dans des boulots précaires à être présent·es auprès de leurs enfants.

J’étais côté ins­ti­tu­tion quand j’étais CPE, et j’ai vu qu’il y avait une tendance à culpa­bi­li­ser les parents. Certains choix étaient même faits sans eux. C’était les pleins pouvoirs pour l’école : sans les parents, personne ne venait nous déranger dans nos décisions.

Dans l’éducation, les parents sont un contre-pouvoir, nous avons besoin de leur laisser plus de place.


« Le patronat a une res­pon­sa­bi­li­té majeure dans les dif­fi­cul­tés qu’ont des parents enfermés dans des boulots précaires à être présents auprès de leurs enfants. »

Sophie Binet


 

Des travaux uni­ver­si­taires montrent que le racisme joue un rôle majeur dans le vote et l’identification à l’extrême droite. Estimez-vous que le combat anti­ra­ciste a été suf­fi­sam­ment mené à gauche ?

SOPHIE BINET S’il y a bien une pro­gres­sion du racisme en France, je pense que ce n’est pas l’unique moteur du vote pour l’extrême droite. On est dans un moment où le sentiment de déclas­se­ment est très fort, et beaucoup ont conscience que leurs enfants vivront moins bien qu’elles et eux si rien ne change.

C’est le terreau sur lequel prospère l’extrême droite. Je reproche à une partie de la gauche de ne pas remettre en cause ces poli­tiques néo­li­bé­rales qui appau­vrissent toute la popu­la­tion et de se focaliser sur des questions plus socié­tales. Lutter contre l’extrême droite en soulevant uni­que­ment la question du racisme est insuffisant.

Comment mener de front la lutte contre les rapports d’exploitation de classe, la bataille sociale et celle contre les rapports de domi­na­tion racistes ou sexistes ? Ces questions doivent toujours être liées mais il faut aussi porter un horizon social qui parle à tous les tra­vailleurs et à toutes les travailleuses.

Il ne faut pas nier le racisme qui peut exister dans l’entreprise, mais, dans les grèves, les salarié·es ne s’interrogent pas sur la religion de leurs camarades ou leur natio­na­li­té : on est réuni·es dans la lutte pour gagner.

Photos : Alexia Fiasco pour La Déferlante

Sophie Binet, le 21 juin 2024. Photo : Alexia Fiasco pour La Déferlante

ASSA TRAORÉ Ce sujet n’est pas du tout porté comme il devrait l’être par la gauche. Longtemps, il était même impos­sible de dire qu’il y avait du racisme ou des violences poli­cières. Pour moi, la gauche est, elle aussi, res­pon­sable de la montée de l’extrême droite. Lorsqu’on ne dit rien, on ne peut pas s’étonner de ce qui arrive. Ça fait longtemps qu’on a laissé une large place à l’extrême droite, sur les réseaux sociaux ou à la télé­vi­sion. On voit le résultat. La gauche s’y intéresse davantage aujourd’hui, mais la question de l’antiracisme n’est pas du tout placée au centre.

C’est dangereux parce que les premier·es qui vont être visé·es par l’extrême droite, ce sont celles et ceux qui subissent déjà le racisme. C’est la violence que mon frère a subie quand il est mort, ou celle qui a aussi tué Nahel (lire aussi la carte blanche de Fatima Ouassak dans le numéro « Résister en fémi­nistes »), pour ne citer qu’eux. Avec le Comité Adama, nous nous sommes battu·es pendant huit ans pour imposer le sujet. J’ai même eu un procès à cause de ça, que j’ai gagné.

Il ne faut pas oublier ce qu’il s’est passé avant Macron. C’est François Hollande qui a donné plus de pouvoirs à la police, quelques semaines après l’affaire Théo (1), avec la loi Cazeneuve (2) qui autorise les forces de l’ordre à faire usage de leur arme en cas de refus d’obtempérer. C’est un permis de tuer, donné à la police par la gauche.

Aujourd’hui, des familles ont beaucoup de mal à se défendre face aux violences poli­cières, ou se retrouvent, comme nous, face à des non-lieux. Et ce sont presque uni­que­ment des personnes de couleur qui se font tuer dans le cadre de ces refus d’obtempérer. Elles sont issues de l’immigration, pas seulement « habi­tantes de quartiers popu­laires ». Ce sont elles et eux qui subissent, en même temps, dis­cri­mi­na­tions racistes, violences poli­cières et précarité.

Toutes les personnes qui se mobi­lisent aujourd’hui contre l’extrême droite, je me demande où elles étaient quand nous étions dans la rue à dénoncer les violences poli­cières et que l’on nous faisait passer pour des extré­mistes. Ou lorsque nous étions attaqué·es pour avoir dit que les ins­ti­tu­tions étaient racistes. Quand, en 2023, on nous a dit qu’on n’avait pas le droit de marcher en hommage à mon frère parce que des gens étaient, au même moment, en train de se révolter à la suite de la mort de Nahel et qu’il n’y avait « pas assez de policiers ». Les syndicats se sont mobilisés ponc­tuel­le­ment, mais ils n’auraient pas dû lâcher ensuite.
Et même pour les tra­vailleurs et les tra­vailleuses, il y a encore beaucoup à faire. Il y a quelques mois, le Comité Adama est venu soutenir un foyer de tra­vailleurs immigrés de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Après l’incendie du bâtiment, une centaine d’hommes se sont retrouvés à la rue sans personne pour les soutenir. J’ai mobilisé mes contacts dans ma ville [Ivry-sur-Seine] et nous avons réussi à les faire héberger.

Dans les quartiers popu­laires, c’est pareil. Les jeunes ont des situa­tions de travail com­plè­te­ment cassées. Pourquoi ne sont-ils et elles pas défendu·es par les syndicats ? Je voudrais qu’ils soient là pour elles et eux.


« Toutes les personnes qui se mobi­lisent aujourd’hui contre l’extrême droite, je me demande où elles étaient quand nous étions dans la rue à dénoncer les violences poli­cières et que l’on nous faisait passer pour des extrémistes. »

Assa Traoré


SOPHIE BINET Ces tra­vailleurs et tra­vailleuses n’étaient pro­ba­ble­ment pas syndiqué·es. C’est un problème d’avoir des personnes hors de nos radars. La déstruc­tu­ra­tion du travail et la précarité font qu’il y a de plus en plus de tra­vailleurs et de tra­vailleuses qui se retrouvent en dehors du périmètre syndical. C’est difficile de les organiser, parce que leur situation change tout le temps.

Les femmes sont sur­re­pré­sen­tées dans les emplois les plus précaires. Que propose la CGT pour que ces tra­vailleurs et tra­vailleuses puissent se défendre ?
SOPHIE BINET On a des syndicats d’aides à domicile ou d’assistantes mater­nelles. Elles sont hyper précaires, mais arrivent à s’organiser col­lec­ti­ve­ment. C’est toujours difficile, parce qu’elles galèrent déjà au travail et ont, en plus, leurs charges fami­liales. Cela nécessite un inves­tis­se­ment très fort de notre part.

Je suis d’accord avec Assa sur le fait que nous ne sommes pas du tout au niveau sur le sujet du racisme. Les ins­ti­tu­tions – et la police en fait partie – véhi­culent un racisme sys­té­mique. Des débats n’ont pas eu lieu, notamment sur la colo­ni­sa­tion. En France, il y a plein de questions sensibles qu’on n’a pas le courage d’affronter, comme la laïcité, par exemple. Nos jours fériés cor­res­pondent à des fêtes chré­tiennes, ce n’est pas laïc. Mais ce sont des débats minés, sys­té­ma­ti­que­ment instrumentalisés.

Justement, en septembre 2023, vous avez soutenu, au micro de France Inter, l’interdiction des robes longues – rebap­ti­sées « abayas » – à l’école, exigée par le ministre de l’Éducation de l’époque, Gabriel Attal. Les jeunes filles musul­manes ont été les seules visées. N’y voyez-vous pas une contra­dic­tion avec une stratégie de lutte arti­cu­lant anti­sexisme et antiracisme ?

SOPHIE BINET Pour moi, le sujet, ce n’est pas l’abaya mais la laïcité. Je pense qu’il doit y avoir des règles spé­ci­fiques dans les éta­blis­se­ments scolaires, où les élèves sont, pour la plupart, encore mineur·es. C’est la dif­fé­rence entre le lycée et l’université. Pour moi, la laïcité, c’est le non-prosélytisme. On pourrait aussi s’interroger sur l’entrée dans les écoles des mul­ti­na­tio­nales ou sur les t‑shirts avec des logos de marques énormes.

L’obligation de neu­tra­li­té pour les fonc­tion­naires, très impor­tante selon moi, ne s’applique pas aux usager·es. Les mamans qui portent le voile doivent pouvoir accom­pa­gner les sorties scolaires.
Au travail, les règles sont dif­fé­rentes. Il y a la liberté de s’habiller comme on le souhaite, dans la limite des règles de sécurité liées au poste de travail. Il y a eu des luttes des assis­tantes mater­nelles ou des avocates pour pouvoir conserver leur foulard, et qui vivent une dis­cri­mi­na­tion très forte (3).

Je pense qu’il est légitime d’interdire le voile dans les éta­blis­se­ments scolaires pour les élèves, mais qu’il ne faut pas entrer dans des débats stériles, à se demander si une robe a un caractère religieux.

ASSA TRAORÉ Je ne suis pas d’accord sur ce point. Le sujet s’est posé récemment dans l’école de mon fils, et la réalité est plus floue que ce que décrit Sophie. Une maman est venue avec son voile à l’école, pour animer un atelier de mathé­ma­tiques. La direc­trice lui a interdit d’entrer avec son foulard, exigeant une « tenue laïque », alors qu’elle était inscrite pour cette activité depuis plusieurs mois et entre dans l’école avec son foulard tous les jours. La raison invoquée par la direc­trice, c’est que cette mère serait devenue une « inter­ve­nante ». Mais qui a décidé cela ?

J’ai moi-même fait des sorties scolaires et on ne m’a jamais précisé si j’étais « accom­pa­gnante » ou « inter­ve­nante ». Nous avons demandé à ren­con­trer les membres de l’administration à la suite de cette exclusion, et nous les avons interrogé·es sur les per­cep­tions des symboles religieux. Leur réponse : une perruque, comme en portent certaines femmes juives pour respecter des pres­crip­tions reli­gieuses, ne se voit pas, et, de mon côté, les foulards que je porte ne sont que des acces­soires de mode. Des remarques sur des mères portant des minijupes ont également été formulées. Ces personnes ont, en réalité, un problème global avec le corps des femmes, leurs droits et leurs libertés fondamentales.

Selon cette logique, il faudrait être vigilant·e quand nos enfants sont en présence d’une personne portant un signe religieux, mais avoir une confiance totale envers les personnes qui n’en portent pas. Ce n’est pas cohérent.

Claquer la porte au nez de cette maman devant son enfant, c’est une humi­lia­tion pour elle, mais aussi pour lui. On apprend à ces enfants, majo­ri­tai­re­ment issu·es de l’immigration, à avoir honte de leurs parents. Et cette humi­lia­tion se fait là où elles et ils sont censé·es grandir et se construire.

Être un·e enfant issu·e de l’immigration, c’est vivre avec un doigt pointé sur soi, dès tout·e petit·e. Ce doigt va décider si ton père ou ta mère peut par­ti­ci­per à cette sortie, si tu peux t’inscrire dans une école de haut niveau, prétendre à tel travail, aller dans tel espace sans te faire contrôler ou sortir sans ta pièce d’identité. Se battre pour faire dis­pa­raître cette stig­ma­ti­sa­tion est la condition pour pouvoir avancer.
Quand on parle du voile, derrière on veut parler de la violence supposée des hommes des quartiers popu­laires. On pré­sup­pose que les femmes sont contraintes, mais elles portent le voile pour des raisons très diverses, qui leur appar­tiennent. Certaines jeunes filles le mettent contre l’avis de leurs parents, qui savent la violence à laquelle s’expose leur enfant en faisant ce choix. Une fois qu’on a diabolisé la religion musulmane, par le biais du port du voile, on en arrive à scruter la tenue de chaque femme musulmane. La longueur d’une robe peut trans­for­mer un vêtement en signe religieux parce que c’est une musulmane qui le porte.

Je ne dis pas qu’il n’y a pas de violence masculine dans les quartiers, je dis qu’il y en a comme partout ailleurs. Mais on arrive à faire entrer dans la tête des gens qui ne connaissent ni ces quartiers ni la religion musulmane que leurs habitants, Noirs ou Arabes, obligent les femmes à se voiler. C’est une dia­bo­li­sa­tion construite très finement puisqu’on prétend qu’on veut sauver des femmes victimes. Ça déshu­ma­nise ces hommes et légitime la violence et la répres­sion qui les vise.

 

SOPHIE BINET, L’ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES AU CŒUR DES LUTTES SYNDICALES

Quand elle était conseillère prin­ci­pale d’é­du­ca­tion (CPE) dans un lycée pro­fes­sion­nel en Seine- Saint-Denis, Sophie Binet a eu à cœur de faire connaître l’univers syndical à ses élèves. Jusqu’à les emmener au siège de la Confédération générale du travail (CGT), dont elle sera, quelques années plus tard, à 41 ans, la première femme élue secré­taire générale, en pleine lutte contre la réforme des retraites. Des mobi­li­sa­tions, elle en a mené d’autres, notamment contre la loi ins­ti­tuant le contrat première embauche (CPE) en 2006, quand elle était membre du bureau national du syndicat étudiant Unef. La lutte avait payé : les mani­fes­ta­tions massives de lycéen.nes, étudiant-es et syn­di­ca­listes, avaient mené Jacques Chirac à retirer la loi. Au sein de la CGT, qu’elle a rejointe en 2009 en intégrant l’Union générale des ingénieur.es, cadres et technicien-nes (Ugict), Sophie Binet pousse pour un virage vers l’é­co­lo­gie et l’égalité femmes-hommes. Elle devient référente du collectif Femmes mixité de la CGT. En 2022, son syndicat est secoué par une plainte pour viol aggravé déposée contre Benjamin Amar, res­pon­sable de l’union dépar­te­men­tale de la CGT dans le Val-de-Marne. Il a été suspendu de la direction exécutive de la CGT puis réintégré après le clas­se­ment sans suite de la plainte le visant. Son mandat lui a été défi­ni­ti­ve­ment enlevé huit mois plus tard, après une mobi­li­sa­tion des fémi­nistes au sein et en dehors du syndicat.

 

SOPHIE BINET La laïcité à la française n’existe nulle part ailleurs. Construite il y a cent ans, elle doit être réac­tua­li­sée, pour être la même pour tous et toutes, mais elle doit aussi être défendue.
Le problème, aujourd’hui, c’est que ce sujet est ins­tru­men­ta­li­sé contre une seule religion, l’islam, et qu’il est mobilisé à géométrie variable. Il y a un problème d’islamophobie, la CGT le dit. Ces dérives sont inac­cep­tables. Cela crée une grande injustice qui fait que la laïcité est perçue néga­ti­ve­ment alors qu’elle est un outil pour la liberté de conscience, reli­gieuse et politique. La laïcité n’a jamais proposé l’interdiction du religieux. C’est un ins­tru­ment d’émancipation : cela a été un grand combat de gauche pour libérer l’enseignement, et la société, du pouvoir de l’Église catho­lique. Et c’est ce qui a, également, permis aux autres religions d’avoir droit de cité.

Je considère que l’intégrisme religieux se développe, dans toutes les religions, et je trouve ça inquié­tant. Ça fait partie des ingré­dients de la montée de l’extrême droite. Il faut pouvoir le dire et le combattre.

Comment fait-on pour lutter, comme syn­di­ca­liste ou comme militante anti­raciste, face à une extrême droite si forte ?

SOPHIE BINET On développe nos luttes. On tente de construire des ponts. C’est pour cela qu’on a tenu à apporter notre soutien aux col­lec­tifs comme celui qui a été lancé après la mort d’Adama, ou celle de Nahel. Nous voulions casser l’isolement des quartiers popu­laires et faire en sorte qu’on ne laisse pas les familles seules dans leur dénon­cia­tion des violences poli­cières. Il ne s’agit pas seulement de signer tel ou tel texte, mais de faire notre travail syndical en profondeur.

Dans la police, ce qui est en train de se passer, c’est qu’une majorité de policiers et poli­cières en activité vote Rassemblement national (4). Le problème, c’est qu’on a trop peu de syndiqué·es CGT dans cette pro­fes­sion, notre res­pon­sa­bi­li­té syndicale est aussi là. Après la mort de Nahel, certains syndicats policiers se sont révélés factieux, appelant au non-respect des lois de la République (5). C’est inquié­tant, avec une extrême droite si forte et une impunité policière déjà très importante.

La répres­sion policière contre les habitant·es des quartiers popu­laires n’est mal­heu­reu­se­ment pas nouvelle, mais s’y sont ajoutées les attaques contre les mou­ve­ments éco­lo­gistes et syndicaux. Les poli­tiques répres­sives ont été de plus en plus violentes ces dernières années. La police ne tape plus seulement sur les quartiers popu­laires, mais sur toutes celles et ceux qui résistent aux poli­tiques néolibérales.
Des stra­té­gies de soli­da­ri­té se sont mises en place, et il faut les amplifier, pour ne pas se laisser isoler. En 2017, il y a eu la loi Cazeneuve dont tu as parlé, Assa, il y a eu aussi celle contre l’apologie du ter­ro­risme, en 2014. Ces ins­tru­ments sécu­ri­taires mobi­lisent des notions qui sont toujours pour « les autres » au début. Mais, une fois installés, ils s’appliquent à tout le monde.

Photos : Alexia Fiasco pour La Déferlante

Assa Traoré, le 2 juillet 2022 à Beaumont-sur-Oise (Val d’Oise) lors de la sixième marche pour réclamer “vérité et justice” pour Adama Traoré. Photo : Pauline Tournier/Hans Lucas

ASSA TRAORÉ De mon côté, j’ai déjà été exposée à cette répres­sion. Mon frère a été tué. Maintenant j’ai peur que l’on tue mes enfants, ou celui du voisin, parce qu’il est noir ou arabe. Ça devrait être le problème de tout le monde. Personne ne doit rester assis en assistant au déploie­ment de cette violence.

En juin 2020, peu après la mort de George Floyd [un Africain-Américain tué par un policier blanc], le Comité Adama a appelé à mani­fes­ter devant le tribunal de Paris contre les violences poli­cières. Quelques semaines plus tard, une fresque a été réalisée, réunis­sant le visage d’Adama et celui de George Floyd. Des syndicats policiers ont appelé à venir l’effacer (6). J’ai dû lancer un contre-appel annonçant qu’on pro­té­ge­rait la fresque nous-mêmes : qu’ils osent venir. Ils ne sont pas venus. La force est là.

On parle beaucoup des élections, mais il y a aussi la rue. Et il n’y a pas que la place de la République à Paris, il y a aussi la rue dans les quartiers. Tous les ans, nous marchons pour Adama à Beaumont-sur-Oise [la ville où il vivait]. On n’a pas vu beaucoup de personnes des quartiers popu­laires dans la grande mani­fes­ta­tion du 15 juin 2024 à Paris contre l’extrême droite. C’était peut-être trop loin, mais peut-être, aussi, que l’urgence de se mobiliser ne leur parlait pas tant que ça, parce que cette violence ils la vivent déjà depuis bien longtemps. Nous, on a grandi en ayant peur du Front national.
Il faut qu’on donne de l’espoir à cette jeunesse. Les quartiers sont devenus des réser­voirs de personnes dans lesquels la gauche vient piocher à la dernière minute en disant « on a besoin de vous ». Mais on n’est pas des ser­pillières. Moi, on ne m’utilise pas.

Il faut continuer à créer de vraies soli­da­ri­tés. Nous serons main dans la main avec la CGT et d’autres mou­ve­ments pour dire que cette France nous appar­tient. C’est comme ça qu’on la changera.
Mais pour donner espoir à la jeunesse, il faut aussi respecter les ancien·nes. Quand les jeunes voient leurs parents, issu·es de l’immigration, dévalorisé·es, faire un travail dégradant, pas bien payé, elles et ils se disent : « Je vais faire ce travail-là pour un salaire de 1 200 euros ? Jamais de la vie ! »

Il faut replacer tous ces enjeux ensemble : pourquoi les ancien·nes n’auraient-elles et ils pas le droit de vote ? Il faut leur donner cette place-là. Si mes grands-pères, qui ont fait la guerre de 39–45, avaient été consi­dé­rés comme des héros, Adama aurait été vu comme un des­cen­dant de héros. Et on ne tue pas les petits­enfants d’un héros.

 


« Il faut continuer à créer de vraies soli­da­ri­tés. Nous serons main dans la main avec la CGT et d’autres mou­ve­ments pour dire que cette France nous appar­tient. C’est comme ça qu’on la changera. »

Assa Traoré


 

Votre genre nourrit-il vos combats ?

SOPHIE BINET Je porte une res­pon­sa­bi­li­té col­lec­tive. Je dois l’utiliser pour faire pro­gres­ser la situation des femmes. Pour moi, être féministe, cela veut dire avoir des stra­té­gies de solidarité.
Il y a beaucoup de mili­tantes, mais aussi de militants, qui me disent leur fierté qu’une femme les repré­sente. C’est un symbole très fort. Beaucoup de femmes se sentent plus fortes de savoir qu’une femme se tient à la direction de la CGT. Mais, je l’ai dit dès mon arrivée, je ne veux pas être l’arbre qui cache la forêt. Ça progresse, mais il faut amplifier la fémi­ni­sa­tion de la CGT.

Je ne crois pas que les femmes, par nature, feraient les choses dif­fé­rem­ment des hommes, mais j’ai toujours essayé de minimiser les enjeux de pouvoir et de marquage de ter­ri­toire qui sont très viri­listes. Mais parfois, je suis dans une position où il faut jouer des rapports de force, savoir taper du poing sur la table. Je le fais contre mes adversaires.

Photos : Alexia Fiasco pour La Déferlante

Sophie Binet, place de la République à Paris, le 27 juillet 2024, lors du meeting “Libertés ! Face à l’extrême droite, ouvrons l’espoir”. Photo : Valérie Dubois /Hans Lucas

ASSA TRAORÉ Moi je n’ai pas eu le choix. Comme toutes les autres femmes qui luttent contre les violences poli­cières : ce sont les hommes qui se font tuer, donc les femmes partent au front.
Le féminisme n’appartient pas qu’aux femmes blanches. J’ai été triste de constater que, même dans ce combat, il y a de la dis­cri­mi­na­tion. En huit ans, je me suis mobilisée contre des fémi­ni­cides dans plusieurs quartiers popu­laires, et je n’y ai vu aucune orga­ni­sa­tion féministe. Je ne les ai pas vues non plus défendre les femmes de couleur qui se font par­ti­cu­liè­re­ment attaquer sur les réseaux sociaux.

Je me souviens de Mediapart, qui a illustré un article7 sur la violence d’un homme du Comité Adama en utilisant des photos de moi. Mon visage devenait l’incarnation de cette violence, comme si on me l’attribuait. Cela m’expose aux attaques, voire les autorise. On n’aurait jamais fait cela avec une femme blanche. Pour moi, cela envoie un message : cette femme que l’on expose n’est pas vraiment une femme, c’est une femme noire et, donc, on peut l’attaquer.

Le féminisme doit être entendu dans un sens plus large. Il n’y a pas de sous-femmes, qui doivent être moins consi­dé­rées ou défendues, encaisser la violence sur les réseaux sociaux et être ciblées par des appels au meurtre et au viol. Cela n’offusque pas grand monde lorsque cela vise des femmes qui ne sont pas blanches.
Quand un mouvement féministe fait venir des femmes issues de l’immigration juste pour les avoir sur la photo, mais sans qu’elles aient ni pouvoir ni place réelle dans la lutte, il ne faut pas se laisser faire. J’essaie d’imposer la lutte contre le sexisme au même niveau que celle contre le racisme ou les violences policières.

 


« Beaucoup de femmes se sentent plus fortes de savoir qu’une femme se tient à la direction de la CGT. »

Sophie Binet


 

Dans tous les espaces militants, des hommes sont accusés de violences sexistes ou sexuelles. C’est le cas à la CGT, cela a également été le cas au sein du Comité Adama. Comment faites-vous, aujourd’hui, pour lutter contre les violences de genre qui peuvent exister dans vos structures ?

ASSA TRAORÉ Je suis une femme qui prend la parole, et les hommes qui m’entourent ne m’ont jamais bridée. Le titre de l’article publié par Mediapart à l’été 2022 affirme quelque chose de faux : le Comité Adama aurait « couvert » les violences d’un de ses membres contre deux autres membres. Lorsque l’on a appris les violences, nous avons immé­dia­te­ment sorti le militant du comité, sans même écouter sa version des faits. Et il ne l’a jamais réintégré. Ça ne se discute même pas et je connais très peu d’organisations qui font tout cela et qui en font état publi­que­ment, comme nous l’avons fait sur nos réseaux sociaux. Absolument rien n’a été caché.

SOPHIE BINET En sept ans, on a formé plusieurs milliers de militants et de mili­tantes sur la question des violences sexistes et sexuelles. La formation dure entre trois et cinq jours et rend capable d’accueillir, d’accompagner et de défendre une femme victime. On fait un gros travail de sen­si­bi­li­sa­tion, beaucoup de matériel est distribué sur tous les lieux de travail, comme les violentomètres8. Les mili­tantes victimes peuvent saisir notre cellule de veille sur les violences sexistes et sexuelles [créée en 2016]. Quand une femme est victime de violences, son agresseur doit être démandaté de ses res­pon­sa­bi­li­tés syn­di­cales. Quand la direction n’en entend pas parler, c’est que ça fonc­tionne. Or, depuis que je suis en res­pon­sa­bi­li­té, assez peu de cas sont remontés jusqu’à moi. Sur les cas dont j’ai eu connais­sance, il y en a eu plusieurs très récemment, les militants ont tous perdu leurs mandats de res­pon­sables syndicaux (lire l’encadré).

Bien sûr, on est loin d’être parfait·es, et ces situa­tions sont toujours com­pli­quées à régler. Je n’ai pas le pouvoir, depuis mon bureau, de suspendre les mandats des personnes mises en cause. Ce sont les struc­tures pro­fes­sion­nelles et locales qui l’ont. Il faut convaincre à chaque fois le collectif militant de le faire. Les agres­seurs ne sont pas des pervers isolés, ils sont souvent en situation de pouvoir et soutenus par leurs collectifs.

ASSA TRAORÉ De notre côté, nous faisons de la pré­ven­tion, en expli­quant par exemple qu’il ne faut jamais être insistant avec une fille : quand elle dit non, c’est non. Aujourd’hui, le comité est composé très majo­ri­tai­re­ment de femmes, et chacun·e peut trouver sa place. •

Entretien réalisé le 21 juin 2024 par Sarah Benichou et Sarah Bos à La Parole errante, à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

 

Sophie Binet et Assa Traoré en 5 dates

2016

Après la mort de son frère, Assa Traoré fonde le Comité vérité et justice pour Adama. Elle coécrit, avec la jour­na­liste Elsa Vigoureux, Lettre à Adama (Points, 2017) et Le Combat Adama, avec le phi­lo­sophe et socio­logue Geoffroy de Lagasnerie (Stock, 2019).

2018

Sophie Binet devient secré­taire générale de l’Union générale des ingé­nieurs, cadres et tech­ni­ciens (Ugict) à la CGT.

2019

Assa Traoré se joint à la lutte des Gilets jaunes, et le Comité Adama participe à plusieurs de leurs actions, dont le blocage du marché de Rungis. En juillet, les Gilets jaunes par­ti­cipent à la troisième marche pour Adama à Beaumont-sur-Oise (Val‑d’Oise).

2020

En juin, plusieurs dizaines de milliers de personnes mani­festent contre le racisme et les violences poli­cières devant le tribunal judi­ciaire de Paris, à l’appel du Comité Adama.

2023

Sophie Binet est élue secré­taire générale de la Confédération générale du travail (CGT).

 


(1) Il s’agit de Théodore Luhaka, jeune homme noir de 22 ans. Le 2 février 2017, lors d’une inter­pel­la­tion, il a été victime d’un coup de matraque téles­co­pique à l’anus qui l’a rendu infirme. Les trois policiers ont été reconnus coupables de « violences volon­taires ». La qua­li­fi­ca­tion de viol, retenue au début de la procédure, a fina­le­ment été abandonnée.

(2) Votée en 2017, elle autorise les agents de la police nationale et les mili­taires de la gen­dar­me­rie nationale à faire usage de leurs armes « en cas d’absolue nécessité et de manière stric­te­ment pro­por­tion­née ».

(3) La loi du 8 août 2016, dite « loi El Khomri » ou « loi Travail » donne la pos­si­bi­li­té d’imposer une tenue de travail. En 2019, à Lille, une avocate s’est vu interdire de plaider en raison du foulard qui couvrait ses cheveux. Son recours devant le Conseil de l’Ordre a été rejeté jusqu’en Cour de cassation.

(4) En 2021, 74 % des policier·es en activité disaient avoir l’intention de donner leur voix au Rassemblement national au premier tour de la pré­si­den­tielle, selon une enquête du Centre de recherches poli­tiques de Sciences Po.

(5) Le 30 juin 2023, trois jours après la mort de Nahel Merzouk, les syndicats Alliance et Unsa Police avaient signé un tract appelant au « combat » contre les « nuisibles » face à la révolte des jeunes de nombreux quartiers populaires.

(6) Le syndicat de policier·es Alliance a appelé à ce que la phrase qui sur­mon­tait la fresque, « Contre le racisme et les violences poli­cières », soit « repeinte ou supprimée car elle stig­ma­tise la police répu­bli­caine ».

(7) Intitulé « Le comité pour Adama Traoré a couvert les violences sexistes de l’un de ses membres », l’article de Mediapart publié le 25 juillet 2022 revient sur le cas de Samir Elyes, un des pionniers du comité, accusé de violences par deux femmes mili­tantes, et écarté du collectif en 2017. Sa mise à l’écart est restée de « courte durée » selon Mediapart puisqu’il est intervenu dans dif­fé­rentes mobi­li­sa­tions du comité les années suivantes. Cet article est illustré de plusieurs photos, dans les­quelles Assa Traoré apparaît au centre de l’image, accom­pa­gnée de Samir Elyes.

Résister en féministes

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°15 Résister, parue en août 2024. Consultez le sommaire.

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