Des médias indépendants pour lutter contre les idées réactionnaires

Alors que l’extrême droite avance ses pions au sein de grandes rédac­tions natio­nales, l’indépendance des médias apparaît, plus que jamais, comme un bien public précieux qui justifie la mobi­li­sa­tion des citoyen·nes, des jour­na­listes comme des pouvoirs publics.
Publié le 4 juillet 2023
Léo Vignocan

À La Déferlante, une levée de fonds par­ti­ci­pa­tive est en cours qui permettra à notre revue de peser davantage dans l’opinion tout en pré­ser­vant l’indépendance de sa ligne éditoriale.

Cela ressemble au scénario catas­trophe d’une série d’anticipation : un directeur de la rédaction d’un magazine d’actualités condamné pour injure publique à caractère raciste nommé à la tête d’un heb­do­ma­daire de référence par un patron de presse jugeant néces­saire de « s’adapter » à un « monde qui va changer ».

C’est pourtant bien ce qui s’est passé le 23 juin 2023 au Journal du dimanche (JDD), où Geoffroy Lejeune, tout juste débarqué de Valeurs actuelles en raison d’une ligne édi­to­riale trop marquée à l’extrême droitevient de se voir confier les rênes de la rédaction par Arnaud Lagardère. Le patron du groupe éponyme a beau clamer que ce choix « d’un ami proche, jeune, qui connaît le numérique » n’est pas « idéo­lo­gique mais éco­no­mique », le soupçon d’une inter­ven­tion très politique pèse de tout son poids sur Vincent Bolloré, nouveau pro­prié­taire du groupe Lagardère. Proche d’Éric Zemmour, l’homme d’affaires mil­liar­daire a déjà trans­for­mé CNews en caisse de résonance des discours d’extrême droite et mis au pas la rédaction d’Europe 1.

Le 22 juin, comme les jour­na­listes d’i‑Télé (future CNews) en leur temps, la rédaction du JDD s’est mise en grève pour tenter de faire échouer une nomi­na­tion « en totale contra­dic­tion [avec les valeurs] du journal ».

« La liberté de la presse n’est pas un débat entre journalistes »

Cette tragédie démo­cra­tique est le résultat de nom­breuses années de concen­tra­tion des médias français au sein d’une dizaine de grands groupes. Mais également la consé­quence directe du manque de volonté politique de limiter le pouvoir de ces indus­triels sur des journaux qu’ils possèdent. De nom­breuses rédac­tions se retrouvent aujourd’hui sous la coupe d’hommes d’affaires en capacité d’imposer leurs intérêts jusque dans leurs pages ou sur leurs antennes. Or, « refuser aux jour­na­listes le droit d’accepter ou non la nomi­na­tion de celles et ceux qui les dirigent fragilise la pro­duc­tion et le trai­te­ment de l’information », explique Charlotte Clavreul, direc­trice du Fonds pour une presse libre (FPL). Dans un article publié sur son site en juin 2023, le FPL insiste : « La liberté de la presse n’est pas un débat pro­fes­sion­nel entre jour­na­listes. Elle concerne d’abord les citoyennes et les citoyens, le respect de leur droit de savoir, leur capacité à forger connais­sances et opinions. »


Annie Ernaux, Mona Chollet, Vanessa Springora et Pénélope Bagieu au capital de La Déferlante


La nomi­na­tion de Geoffroy Lejeune au JDD inter­vient au moment où, à La Déferlante, nous nous apprêtons à concré­ti­ser notre levée de fonds. Cet évènement nous rappelle que l’indépendance des médias ne peut pas être qu’un vœu pieux. Elle se construit pierre après pierre, grâce à la mise en place de modes de gou­ver­nance démo­cra­tiques. « Ce qui garantit l’indépendance d’un titre, c’est d’abord le fait qu’il appar­tienne en majorité à ses jour­na­listes. Bien sûr, c’est plus simple si le reste des action­naires ne possède pas d’intérêts com­mer­ciaux ou poli­tiques qui puissent concur­ren­cer sa ligne édi­to­riale » souligne Benoit Huet, avocat en droit de la presse (qui conseille actuel­le­ment notre média) et auteur avec Julia Cagé de L’information est un bien public (Seuil, 2021). Tous deux tentent actuel­le­ment de faire passer une pro­po­si­tion de loi ren­for­çant cette indé­pen­dance : pour être éligible aux aides à la presse ou à l’attribution d’une fréquence audio­vi­suelle, un média devrait garantir que la nomi­na­tion du directeur ou de la direc­trice de la rédaction soit agréée à la majorité des deux tiers des votant·es par l’ensemble des jour­na­listes, avec un taux de par­ti­ci­pa­tion d’au moins 50 %.

À La Déferlante, nous avons fait le choix de ne pas sol­li­ci­ter les inves­tis­seurs qu’on retrouve un peu partout dans les grands groupes de presse mais de créer une société des lecteur·ices, dont celles et ceux qui nous sou­tiennent pourront devenir action­naires. Vous êtes déjà près de 700 à avoir répondu présent·es à notre appel à inves­tis­se­ment. On ne pouvait rêver de mouvement plus collectif et inclusif pour s’engager à nos côtés et nous accompagner.

Financer davantage d’enquêtes

À l’issue de cette collecte, nous quatre, jour­na­listes cofon­da­trices, conser­ve­rons environ 75 % des parts du capital social de notre média. La Société des lecteur·ices en détiendra environ 15 %. Les 10 % restants seront détenus par des particulier·es, soutiens de la première heure de La Déferlante – parmi les­quelles la Prix Nobel de lit­té­ra­ture Annie Ernaux, l’essayiste Mona Cholet, l’autrice et éditrice Vanessa Springora et l’illustratrice Pénélope Bagieu — ainsi que Mediapart, qui s’illustre depuis plusieurs années dans l’aide aux médias indépendants.

Notre besoin en finan­ce­ment s’élève à 800 000 euros : la moitié de cette somme est déjà financée par des prêts et une sub­ven­tion impor­tante du ministère de la Culture. L’argent récolté nous permettra de déve­lop­per notre activité et de proposer, en riposte à la montée des thèses d’extrême droite, des articles de fond, réalisés dans le strict respect de la déon­to­lo­gie jour­na­lis­tique. Un travail d’autant plus néces­saire et urgent que, dans le camp réac­tion­naire, la conquête des médias a déjà commencé, à grand renfort d’éditoriaux alar­mistes et de fake news. Il nous faut donc financer davantage d’enquêtes de terrain et de repor­tages, mais aussi déve­lop­per notre maison d’édition pour publier des livres qui ques­tionnent le monde et contri­buent à son changement.

Jusqu’à la fin juillet, vous pouvez devenir action­naires de notre société des lecteur·ices à partir de 100 euros et ainsi par­ti­ci­per au rayon­ne­ment de La Déferlante.

À distance des scénarios cau­che­mar­desques que livre l’actualité et à l’opposé des paniques morales répandues par certains médias, nous voulons, avec vous, proposer d’autres récits sur le monde, imaginer une société plus juste et donc plus féministe.

Vous avez déjà fait votre promesse d’investissement ? Remplissez votre profil !

Vous êtes plus de 700 à avoir fait une promesse d’investissement ! C’est énorme. Un immense merci à vous tous·tes. À ce stade, il ne s’agit que d’une promesse. Votre intention d’investissement est non enga­geante et modi­fiable (montant compris).

D’ici fin juillet, vous pourrez confirmer votre enga­ge­ment dans la Société des lecteur·ices et valider défi­ni­ti­ve­ment votre investissement.

Pour cela, votre profil LITA doit être complété à 100 %.

Vous aurez besoin :
● d’un jus­ti­fi­ca­tif d’i­den­ti­té recto/verso,
● d’un jus­ti­fi­ca­tif de domicile récent,
● de votre RIB
● de répondre à quelques questions.

On compte sur vous !

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