Le 1er août 2003, la comédienne Marie Trintignant meurt des suites des coups portés par son compagnon, le chanteur Bertrand Cantat. C’est le « crime passionnel » d’un rockeur romantique, assurent ceux qui prennent sa défense. Sept ans plus tard, pour son grand retour sur scène, un nouvel argument est brandi : il faudrait séparer l’homme de l’artiste. L’autrice et activiste Rose Lamy revient sur cette affaire qui marque un tournant, en France, dans l’histoire des féminicides.
On parle traditionnellement de l’affaire Cantat, mais il serait plus juste de parler « des » affaires Cantat. Car l’histoire, telle qu’on peut la raconter aujourd’hui, se déroule en deux temps. Il y a la mort de Marie Trintignant sous les coups de Bertrand Cantat en 2003, qui produit la sidération de l’opinion publique, et un traitement médiatique plus appliqué à défendre la réputation de l’homme qu’à restituer des faits pourtant établis par les rapports d’autopsie. Et il y a l’indignation que provoque le retour de l’artiste sur la scène musicale et médiatique en 2010 à la demande express d’un boys’ club. Tant qu’il purgeait sa peine – en prison, puis en liberté conditionnelle –, les féministes se sont tues. Mais en 2010, « la reprise de ses concerts et l’accueil en héros qu’il a reçu ont mis le feu aux poudres », se souvient Isabelle Germain, créatrice du média féministe Les Nouvelles News en 2009. Car, ainsi que l’a démontré Valérie Rey-Robert dans Une culture du viol à la française (Libertalia, 2019), si tout le monde prétend vouloir lutter contre les violences sexistes, il n’y a plus grand monde quand il s’agit de se désolidariser d’un ami compromis, ou d’arrêter de consommer les oeuvres d’artistes accusés ou jugés coupables.
UNE VINGTAINE DE COUPS DE POING
Dans la nuit du 26 au 27 juillet 2003, Bertrand Cantat frappe sa compagne, Marie
Trintignant, à plusieurs reprises, au cours d’une violente dispute. Les médecins ne réussissent pas à la sauver ; elle meurt le 1er août 2003.
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