« Cancel culture »
L’expression, qui peut se traduire par « culture de l’annulation » ou « culture de l’effacement » vient, à l’origine, de la droite états-unienne. Étiquette fourre-tout (comme la « théorie du genre » ou le « wokisme »), elle vise à discréditer tout un répertoire d’actions que les minorités – femmes, personnes racisées, LGBT+, handies… – mettent en place pour contrer, dans l’espace public, la minimisation des oppressions qu’elles subissent.
Il peut s’agir de déboulonnage de statues de figures liées à l’esclavagisme ou à la colonisation, du boycott ou de la dénonciation d’œuvres, d’institutions ou de personnalités jugées racistes, transphobes, grossophobes, validistes, sexistes, etc. Depuis #MeToo, l’expression « cancel culture » est utilisée à tout bout de champ pour dénoncer une prétendue tyrannie du « politiquement correct » et une présumée ostracisation d’individus – principalement masculins, blancs, hétérosexuels et cisgenres – érigés en victimes.
« Grand remplacement »
Popularisée par l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus dans les années 2010, puis largement relayée par Éric Zemmour et d’autres figures réactionnaires, cette théorie conspirationniste prétend qu’un remplacement des Européens dits « de souche » par des populations immigrées non européennes (principalement du Maghreb et d’Afrique subsaharienne) menacerait les supposées valeurs traditionnelles de l’Occident. Obsession des identitaires, de l’extrême droite, voire de la droite, cette panique morale – sans fondement statistique – vise désormais d’autres communautés, comme les personnes trans ou homosexuelles dont le nombre exploserait et représenterait une menace civilisationnelle.
Fémonationalisme
La notion de fémonationalisme – définie par la chercheuse féministe et marxiste Sara R. Farris en 2012 – désigne l’instrumentalisation par l’extrême droite des revendications féministes à des fins racistes, xénophobes et islamophobes. La droite radicale se revendique ainsi du féminisme pour cibler dans ses discours les hommes racisés, principalement musulmans, présentés comme dangereux pour les femmes occidentales.
Homonationalisme
Conceptualisé par l’universitaire états-unienne queer Jasbir K. Puar en 2007, l’homonationalisme s’applique cette fois à l’instrumentalisation par l’extrême droite des revendications LGBT+ à des fins racistes, xénophobes et islamophobes. La méthode : présenter les pays occidentaux comme progressistes, égalitaires et LGBT friendly, en opposition à ceux du Sud global, notamment d’Afrique et du Moyen-Orient. La dénonciation de l’homophobie ou de la transphobie, supposées être l’apanage des étranger·es, permet d’alimenter une rhétorique anti-immigration.
Masculinisme
Réactionnaire, misogyne et antiféministe, ce mouvement vise à défendre les « droits des hommes ». Né en Amérique du Nord avant d’émerger en Europe, il déplore une « crise de la masculinité » provoquée par la progression des droits des femmes. Incel (involuntary celibate, ou « abstinent sexuel involontaire » en français), MGTOW (Men going their own way, « hommes suivant leur propre voie » et revendiquant leur haine des femmes), militants pour les « droits des pères »… Cette galaxie hétéroclite se répand avec violence sur les réseaux sociaux – et ailleurs. Déjà, en décembre 1989, un homme tuait 14 femmes à l’université Polytechnique de Montréal, après avoir déclaré qu’il haïssait le féminisme.
Panique morale
Décrite dès 1972 par le sociologue sud-africain Stanley Cohen dans son essai Folks Devils and Moral Panics (non traduit), la panique morale désigne des épisodes d’inquiétude collective, sans réelle base factuelle, durant lesquels « un incident, une personne ou un groupe de personnes sont brusquement définis comme une menace pour la société, ses valeurs et ses intérêts ». Le mécanisme est simple, selon Cohen : des « entrepreneurs de morale » – c’est-à-dire des personnes ou des collectifs qui veulent modifier les normes du groupe social en se servant des médias comme caisse de résonance – pointent du doigt des comportements ou des individus qu’ils étiquettent comme déviants et dangereux. Loin d’encourager la réflexion, la panique morale déclenche peur, colère, répulsion. L’extrême droite y a par exemple régulièrement recours pour attaquer les personnes trans ou musulmanes.
Radical right gender gap
Cette expression, qui n’a pas d’équivalent en français, a été employée pour la première fois par la politologue afro-états-unienne Terri E. Givens en 2004. Elle désigne le différentiel de vote pour les partis de la droite radicale en fonction du genre, et plus précisément le phénomène selon lequel les femmes sont traditionnellement moins enclines que les hommes à voter pour l’extrême droite. Cet écart, observé dans de nombreuses études, tend néanmoins à se réduire, notamment en France, où la différence entre le vote masculin et féminin pour le Rassemblement national est quasi nulle depuis l’arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti en 2011.
TERF
L’acronyme pour « trans-exclusionary radical feminists » désigne des personnes se revendiquant féministes tout en excluant les femmes trans de leurs luttes, au prétexte que celles-ci ne présentent pas les mêmes caractères sexués que les femmes cisgenres. Pour détourner les accusations de transphobie et d’essentialisme qui leur sont faites, certaines personnes terfs préfèrent se qualifier de « gender critical » (critique du genre). En France, certaines d’entre elles revendiquent l’appellation « femellistes ».
« Théorie du genre »
« Théorie du gender », « théorie du genre sexuel » ou « idéologie du genre » : les appellations abondent pour désigner cette prétendue « théorie », qui ne correspond pourtant à aucun concept scientifique. L’expression, adoubée par le Vatican, est utilisée par les tenants du camp réactionnaire pour dénigrer les études de genre (« gender studies »), domaine de recherche pluridisciplinaire ayant établi une distinction entre sexe biologique et genre, et donc mis en évidence la construction sociale, historique et culturelle de ce dernier. Dénoncée par La Manif pour tous, la supposée « théorie du genre » sert de prétexte pour s’en prendre tour à tour à l’éducation sexuelle à l’école, la transidentité, et plus généralement à toute remise en question de la différence entre les sexes et du modèle traditionnel de la famille hétéronormée.
« Wokisme »
Nouvelle marotte des réactionnaires de tous bords, l’« idéologie woke » est, en quelque sorte, l’héritière du « politiquement correct ». Passé simple du verbe « to wake » (se réveiller), le mot « woke » désigne, durant la ségrégation, le fait d’être conscient·e des discriminations visant les Noir·es aux États-Unis. En 1965, Martin Luther King exhorte ainsi des étudiant·es de l’université Oberlin, dans l’Ohio, à « rester éveillés » (« stay woke »). En 2008, la chanteuse états-unienne Erykah Badu popularise l’expression dans Master Teacher. Repris en slogan lors du mouvement Black Lives Matter, en 2013, le terme qualifie désormais les personnes sensibles aux injustices systémiques touchant toutes les minorités : femmes, personnes handicapées, racisées, trans ou LGBT+. Détourné de son sens initial, le qualificatif « woke » et ses dérivés francisés « wokisme » et « wokiste » sont aujourd’hui principalement utilisés par la droite et l’extrême droite comme mot repoussoir pour discréditer toute revendication progressiste et occulter la réalité des discriminations.