Mathématiques : le paradoxe de l’égalité de genre

À l’école, les filles sont meilleures que les garçons, à une exception près : les mathé­ma­tiques. Ce constat, bien établi en France, n’est pas vrai partout.
Publié le 22/04/2024
6 ans : c’est l’âge auquel, en France, les garçons prennent l’ avantage sur les filles en mathématiques.
6 ans : c’est l’âge auquel, en France, les garçons prennent l’ avantage sur les filles en mathématiques.

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°14 “Dessiner”, paru en mai 2024. Consultez le sommaire.

Selon l’enquête Pisa 2022, qui évalue les per­for­mances d’élèves âgé·es de 15 ans dans 85 pays, les filles qataries, thaï­lan­daises, malai­siennes ou émiraties obtiennent de meilleurs résultats en mathé­ma­tiques que leurs camarades masculins. Ce phénomène a été baptisé, notamment par les cher­cheurs Stoet et Geary en 2018, le « paradoxe de l’égalité de genre ».

Dans les pays ayant un indice d’égalité femmes-hommes élevé, les femmes sont moins per­for­mantes et moins présentes que les hommes dans les secteurs scien­ti­fique, tech­no­lo­gique, mathé­ma­tique ou de l’ingénierie. À l’inverse, dans les pays où cet indice d’égalité femmes-hommes est moindre, elles sont plus nom­breuses à se lancer dans ces carrières.

 

Datavisualisation à partir des résultats aux tests Pisa de mathématiques 2020

Cette data­vi­sua­li­sa­tion a été réalisée à partir des résultats aux tests Pisa de mathé­ma­tiques 2020 et de l’étude de Breda, Jouini, Napp et Thebault, « Gender ste­reo­types can explain the gender-equality paradox » (2020). Pour mesurer la pré­va­lence des sté­réo­types genrés, les auteur·ices de cette étude ont interrogé des filles et des garçons ayant les mêmes résultats en mathé­ma­tiques sur leur per­cep­tion de leur niveau et leurs chances de réussite.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce paradoxe apparent. Pour la socio­logue états-unienne Maria Charles, qui travaille sur ce sujet depuis plusieurs décennies, cela s’explique ainsi : « Dans les pays dits éga­li­taires, c’est moins une égalité qu’un libé­ra­lisme de genre qui s’exprime en réalité : “Vous êtes libres de devenir qui vous voulez, d’exercer le métier que vous souhaitez”, dit-on aux enfants français ou danois. Or, pour la plupart, ces enfants ne savent pas ce qu’ils veulent faire, mais savent qu’ils sont une fille ou un garçon. Cette apparente auto­dé­ter­mi­na­tion scolaire puis pro­fes­sion­nelle laisse en fait le champ libre pour que les sté­réo­types genrés que les enfants ont intégrés sur leurs capacités et sur leurs goûts s’expriment plei­ne­ment. Résultat : les pays qui ont aboli la hié­rar­chie verticale entre hommes et femmes subissent une ségré­ga­tion hori­zon­tale plus forte, avec des carrières davantage genrées. » En France, les enseignantes-chercheuses sont majo­ri­taires en langues et lit­té­ra­ture (62 %), mais mino­ri­taires en mathé­ma­tiques et infor­ma­tique (23 %).

Datavisualisation montrant les écarts de performance des filles par rapport aux garçons à partir des tests Pisa de mathématiques

Cette data­vi­sua­li­sa­tion montre les écarts de per­for­mance des filles par rapport aux garçons, en pour­cen­tage, à partir des tests Pisa de mathé­ma­tiques, en France en 2022, selon leur milieu social tel qu’estimé par l’étude Pisa. (Source : Résultats Pisa de l’OCDE, en 2022.)

Autre facteur expli­ca­tif : les pays dans lesquels l’indice d’égalité juridique entre les femmes et les hommes est le moins élevé sont aussi, en majorité, des pays peu ou moyen­ne­ment déve­lop­pés éco­no­mi­que­ment. Choisir une carrière scien­ti­fique repré­sente alors une occasion de s’assurer un avenir plus sûr finan­ciè­re­ment. Autrement dit : les femmes s’embarrassent moins de contre­ve­nir aux attentes genrées lorsque leur choix de carrière est davantage contraint par un calcul purement économique.

Ces data­vi­sua­li­sa­tions ont été réalisées par Julie Desrousseaux et illus­trées par Caroline Gamon.
Julie Desrousseaux
est data­jour­na­liste. Elle déniche les infor­ma­tions cachées dans les bases de données publiques, les rapports chiffrés et les tableurs pour mieux les vulgariser.
Caroline Gamon est peintre et illus­tra­trice, elle a travaillé pour le New York Times, Le Nouvel Observateur ou XXI. Elle se consacre actuel­le­ment à l’écriture d’albums pour la jeunesse.

Julie Desrousseaux

Datajournaliste, elle déniche les informations cachées dans les bases de données publiques, les rapports chiffrés et les tableaux Excel, pour mieux les vulgariser. Voir tous ses articles

Dessiner : esquisses d’une émancipation

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°14 “Dessiner”, paru en mai 2024. Consultez le sommaire.