Nous sommes les oiseaux de la riposte qui s’annonce

L’autrice Fatima Ouassak nous invite à penser urgemment des formes concrètes d’organisation pour combattre, en fémi­nistes, l’extrême droite. Face aux attaques supré­ma­cistes, la militante anti­ra­ciste prône la mise en place d’une soli­da­ri­té entre femmes blanches et non blanches, pour l’égale dignité de nos enfants.
Publié le 29/07/2024

Modifié le 16/01/2025

Maya Mihindou pour La Déferlante
Maya Mihindou pour La Déferlante

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°15 Résister, parue en août 2024. Consultez le sommaire.

Quelle résis­tance féministe pour vaincre l’extrême droite ? Il se trouve que fomenter des plans avec les camarades fait justement partie de mes activités favorites.

Il n’y a pas de raison que cet exercice soit réservé aux grands stratèges en chef tels qu’on les imagine, ces mous­ta­chus fumant le cigare. Alors, le temps d’une carte (plus non blanche que) blanche, et armée de longues mous­taches pointues, je vais m’essayer ici à proposer quelques pistes stra­té­giques. Pour cela, je ne retien­drai que deux évé­ne­ments qui ont eu lieu la même année, en 2023 : la mort de Nahel et une rencontre entre dirigeant·es des extrêmes droites euro­péennes consacrée à la gestion du ventre des femmes.

Nahel Merzouk est mort le 27 juin 2023, à l’âge de 17 ans. Ce jour-là, il a été traité comme tous les enfants non blancs qui vivent en France : comme une menace démo­gra­phique. La police française l’a tué (1), et pas avec le dos de la cuillère. Ce fut ter­ri­fiant à voir, comme d’observer ensuite que, pour une bonne partie de la popu­la­tion française, la mort de Nahel, c’était un Arabe en moins, c’était enrayer la menace, prélever une goutte d’eau dans cette mer faite de vagues migra­toires incon­trô­lées qui défi­gurent la France.

Tout le monde a vu ce crime raciste en vidéo. Pourtant, il n’y a pas eu des millions de personnes dans les rues pour le dénoncer. Pas même des centaines de milliers. Pas de grève générale, pas de grève tout court. Ici et là, une tribune signée par les habitué·es des tribunes. Sur les réseaux sociaux, on a beaucoup commenté. Dans les médias, on a beaucoup débattu : cet ado­les­cent méritait-il d’être abattu d’une balle dans le thorax ? Certains ont déclaré que oui, évi­dem­ment puisqu’il n’avait pas le permis de conduire. D’autres ont balbutié que, quand même, ce n’était pas une raison pour l’exécuter ainsi. Le fait même que ce débat ait eu lieu a prolongé la déshu­ma­ni­sa­tion dont a été victime Nahel, enfant déshu­ma­ni­sé jusque dans la tombe. Car vivant ou mort, cet enfant n’est pas un enfant, c’est un Arabe.

Pourtant ce n’est pas rien, un crime raciste, quand c’est un crime d’État. Le crime d’État a ceci de par­ti­cu­lier que c’est l’appareil garant de l’ordre qui a le doigt sur la gâchette, et il a la gâchette facile face aux enfants arabes. L’ordre, ce serait donc de tuer sans pitié nos enfants ? se demandent, perplexes, les parents de garçons arabes.

Il y a bien eu une révolte. Même qu’elle a été spec­ta­cu­laire. Huit jours exac­te­ment. Une révolte d’enfants, en majorité. Qui vivent dans les quartiers popu­laires. Des ado­les­cents à qui on ne laisse aucune pers­pec­tive réjouis­sante, à qui on promet tous les jours une vie des plus sordides. Des ado­les­cents très organisés, soli­daires, qui bougent en bandes. Déterminés, qui ne craignent que Dieu. Ceux qui sont les plus incon­trô­lables, les plus tristes aussi, en colère contre celles et ceux qui leur rendent la vie impos­sible. Il s’agit des ado­les­cents qui sont dehors tard le soir. Très peu de filles donc. Même si elles n’en pensent pas moins : beaucoup avaient sûrement envie de tout brûler aussi.

Le 28 juin 2023, le com­mis­sa­riat de Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, a été incendié. On pouvait entendre depuis les fenêtres du quartier : « C’est pour toi Nahel », crié plusieurs fois alors que le com­mis­sa­riat prenait feu. Le cri a accom­pa­gné le geste, la reven­di­ca­tion était claire : on ne se laissera pas crever !

On a vu la révolte des enfants qui ne veulent pas finir une balle dans le thorax, traités comme des sous-humains, humiliés dans leurs écoles, dans la rue, à la télé, partout, des enfants écœurés, qui n’en ont plus rien à faire de rien. Mais – et c’est important de le garder en tête – des enfants qui ont tout de même l’espoir que ça change. Par le feu. Parce qu’ils savent que, dans ce pays, les condi­tions d’existence de la jeunesse des quartiers popu­laires ne s’améliorent un peu – mais c’est toujours ça de pris – que si ça brûle. En 2005, après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré (2), les jeunes d’alors ont brûlé leur quartier, et la voiture de la voisine qui n’y était pour rien. Erreur tactique, ont-ils analysé avec un peu de recul. Pendant près de vingt ans, la géné­ra­tion Zyed et Bouna a chuchoté à l’oreille de ceux qui nais­saient qu’il valait mieux aller brûler le centre-ville et la voiture du bourgeois qui, lui, n’est jamais tota­le­ment innocent. Et c’est ce qu’a fait la géné­ra­tion Nahel. Car dans les quartiers popu­laires aussi il y a des mous­ta­chus qui réflé­chissent à des stra­té­gies dont on peut s’inspirer.

Face à cette révolte, qu’a répondu l’État français ? D’abord, le lendemain, le président de la République a déclaré : « Nous avons un ado­les­cent qui a été tué, c’est inex­pli­cable, inex­cu­sable. » Les parents de garçons arabes et noirs ont été rassurés de voir que, cette fois, même l’État français avait trouvé la mise à mort de Nahel inexcusable.


On a vu la révolte des enfants qui ne veulent pas finir une balle dans le thorax, traités comme des sous-humains.


Mais dès le 30 juin, les choses sont rentrées dans l’ordre. L’ordre décrit plus haut, celui que craignent les parents de garçons arabes. Ce jour-là, le président a dit : fina­le­ment, tout ça, c’est la faute aux réseaux sociaux et aux parents démis­sion­naires des quartiers popu­laires. La répres­sion a été maximale. La police a encore tué deux personnes, à Cayenne et à Marseille (3). Il y a eu des éborgnés, des gueules cassées, 4 000 personnes inter­pel­lées, 2 100 condam­na­tions, dont près de 1 800 à de la prison ferme. À celles et ceux qui pensent que tout le monde est réprimé de la même manière, peu importe la couleur de peau : en huit jours de sou­lè­ve­ment après la mort de Nahel, il y a eu plus de condam­na­tions qu’en un an et demi de mouvement des Gilets jaunes…

Car le message adressé aux quartiers popu­laires devait être clair : la remise en question de l’ordre policier raciste n’est pas autorisée. Pour que ça rentre dans la petite tête des ado­les­cents, sur les plateaux télé, les autorités ont brandi le portrait de Nahel comme pour dire : Vous voyez ce qui est arrivé à votre petit copain, là, ça peut vous arriver aussi si vous faites les malins.

Dans la foulée, le gou­ver­ne­ment a proposé un plan en direction de la jeunesse des quartiers popu­laires. Et a annoncé, fin août 2023, qu’il serait désormais interdit pour les ado­les­centes musul­manes de porter une robe jugée – par le CPE, le proviseur ou n’importe quel·le professeur·euse – trop longue. Désormais, les ado­les­centes musul­manes devront s’habiller court et près du corps, l’État (qui n’a rien d’autre de plus urgent à faire) y veillera. On les a repérées, ces ado­les­centes qui, quand il s’agit de tout brûler, ne des­cendent pas dans la rue mais n’en pensent pas moins, elles qui ont le culot – en plus – de bien réussir à l’école. L’occasion de violer leur intimité et de les humilier publi­que­ment. Et si au passage on peut en faire trébucher quelques-unes dans leur parcours scolaire et pro­fes­sion­nel, c’est toujours ça de pris aussi.

Décidément, moins il y en aura, de ces enfants-là, mieux la France et l’Europe se porteront. Les enfants, c’était aussi le sujet d’une rencontre entre dirigeant·es des extrêmes droites euro­péennes qui s’est tenue les 14 et 15 septembre 2023 à Budapest, en Hongrie. Le thème principal : le déclin démo­gra­phique de l’Occident. Cette fois, il s’agit d’enfants – nos chères petites têtes blondes – qu’on est impatient·es de voir naître, le plus possible. Le danger cette fois, c’est qu’il n’y en ait pas assez, de ces enfants-là.

Présent à ce sommet, le gratin des dirigeant·es européen·nes d’extrême droite : entre autres Viktor Orbán, Premier ministre hongrois et Giorgia Meloni, pré­si­dente du conseil en Italie. Le problème stra­té­gique auquel sont confronté·es ces mous­ta­chus à cigare fascistes est le suivant : pour assurer la force de travail dont les entre­prises euro­péennes ont besoin et la chair à canon dont pour­raient avoir besoin les nations occi­den­tales, deux pos­si­bi­li­tés. Soit on relance la natalité, soit on ouvre les fron­tières. Viktor Orbán et Giorgia Meloni défendent une Europe for­te­resse, blanche et chré­tienne. La piste pri­vi­lé­giée est donc l’augmentation de la natalité. Or, selon ces fascistes, le taux de natalité ne cesse de baisser à cause d’idéologies de la décadence qui remettent en question la famille. Une des solutions défendues par Giorgia Meloni, qui se présente comme une mère catho­lique, c’est la res­tric­tion du droit à l’avortement. Ou comment mettre la main sur le ventre des femmes blanches pour tenter de contrôler et réguler à sa guise la démo­gra­phie européenne.

L’extrême droite euro­péenne est ainsi à l’avant-garde de la gestion patriar­cale et raciste des nais­sances. À l’avant-garde, mais elle n’en a pas l’exclusivité. En janvier 2024, Emmanuel Macron parle expli­ci­te­ment de « réar­me­ment démo­gra­phique ». C’est ici un exemple de l’influence gran­dis­sante et rapide du projet fasciste partout en Europe, y compris sur des gou­ver­ne­ments qui ne sont pas à pro­pre­ment parler d’extrême droite.

Car le macro­nisme, ce libé­ra­lisme auto­ri­taire, n’est pas une idéologie d’extrême droite, même si la dernière « loi immi­gra­tion » en date est clai­re­ment raciste (4). Le projet libéral auto­ri­taire n’a pas comme but ultime de hié­rar­chi­ser racia­le­ment les individus. Il a pour but de tordre le marché du travail au profit du capital ou de pri­va­ti­ser les services publics, et pour ce faire, stra­té­gi­que­ment, oui, il va mobiliser un discours et une politique racistes.

Avec l’extrême droite, c’est une autre paire de manches. C’est l’ensemble de son offre politique qui est structuré par le supré­ma­cisme blanc dans ce qu’il a de plus explicite et total. Sa sin­gu­la­ri­té, c’est de promettre aux personnes blanches que les personnes non blanches seront léga­le­ment dis­cri­mi­nées dans l’accès aux res­sources. Avec la mise en œuvre de la pré­fé­rence nationale sur les logements, l’emploi, les aides sociales, qui consis­te­rait à passer outre la Constitution, et donc à sortir de l’État de droit. En ce sens, entre libé­ra­lisme auto­ri­taire et extrême droite, c’est une dif­fé­rence de nature, pas de degré.

On peut donc bien parler de bas­cu­le­ment quand le Rassemblement national (RN) est aux portes du pouvoir. Et ce qui fait bascule, c’est la question raciale et coloniale, et rien d’autre.


Les autorités ont sym­bo­li­que­ment pris la tête de Nahel, ils l’ont brandie sur les plateaux télé comme pour dire : Vous voyez ce qui est arrivé à votre petit copain, là, ça peut vous arriver aussi si vous faites les malins.


L’extrême droite a tout intérêt à ce que ce bas­cu­le­ment ne dise pas son nom, à ce qu’il passe pour une simple évolution. Prenons garde donc à éviter de parler du bas­cu­le­ment qui aurait déjà eu lieu sous Emmanuel Macron. En réalité, le « déjà basculé » précipite le bas­cu­le­ment : car à quoi bon se battre contre le risque que l’extrême droite prenne le pouvoir si elle est déjà au pouvoir ?

Nous, fémi­nistes, avons tout intérêt à continuer à politiser le ventre des femmes, pour ne rien en laisser à l’extrême droite.

Il est urgent de construire un mouvement féministe inter­na­tio­na­liste, capable d’imposer le droit et l’accès à l’avortement gratuit et libre pour toutes les personnes qui vou­draient avorter. À cet égard la campagne euro­péenne « Ma voix, Mon choix », menée notamment par l’activiste féministe Alice Coffin, est des plus remarquables.

Mais ça ne suffit pas. Il est clair que la célé­bra­tion de la famille réac­tion­naire et les plans d’action pour res­treindre le droit à l’avortement vont de pair avec le dur­cis­se­ment des fron­tières et l’oppression accrue vis-à-vis des personnes non blanches. On parle certes de réar­me­ment démo­gra­phique à propos de certains ventres, mais on pense menace démo­gra­phique à neu­tra­li­ser pour certains autres. C’est un projet supré­ma­ciste qui veut nous dresser les un·es contre les autres. Il est donc tout aussi urgent de se mobiliser sur un autre front : la poli­ti­sa­tion des ventres des femmes non blanches. Et de penser une soli­da­ri­té – réelle – entre femmes blanches et non blanches, pour l’égale dignité de leurs enfants à toutes.

De l’intérêt, pour les fémi­nistes, d’avoir une stratégie anti­ra­ciste et inter­na­tio­na­liste à court et moyen terme… Et aujourd’hui, nous sommes loin d’être prêtes ! Il faut se préparer à résister, pour ne pas subir l’agenda des mous­ta­chus auto­ri­taires et fascistes.

Aller chercher l’extrême droite quasi exclu­si­ve­ment – comme c’est le cas aujourd’hui – sur d’autres questions que le projet supré­ma­ciste qu’elle porte – les services publics, la fiscalité, la retraite, le sexisme, etc. – est une impasse stra­té­gique. Le problème avec les diri­geants du RN, c’est que leur parti a été fondé en 1972 par des néo­fas­cistes nazis et des colo­nia­listes pour nor­ma­li­ser leur projet fasciste et prendre le pouvoir par les élections. Le problème avec l’extrême droite, c’est qu’elle a offert plus d’un million d’euros au policier qui a exécuté Nahel, pour le remercier. Ils sont là nos prin­ci­paux problèmes.

C’est une mauvaise analyse de l’extrême droite qui fait bégayer le camp féministe chaque fois que se pose à elle la question raciale. Entre autres exemples de bancalité, la manière dont certaines fémi­nistes ont décrit le sou­lè­ve­ment des jeunes des quartiers popu­laires après la mort de Nahel et la répres­sion policière armée qui s’est abattue sur eux : elles ont parlé de deux virilités qui s’affrontent… Quelle blague.

Je continue à penser que le féminisme est un outil d’émancipation révo­lu­tion­naire, et qu’il peut contri­buer, entre autres, à nous libérer du supré­ma­cisme blanc. Je pense même que le camp féministe peut être à l’avant-garde dans la lutte anti­ra­ciste contre l’extrême droite.

Nous sommes héri­tières de figures fémi­nistes qui ont lié leur combat féministe et leur combat anti­co­lo­nia­liste et/ou anti­raciste : Louise Michel, Simone de Beauvoir, Angela Davis, bell hooks, Audre Lorde, Gisèle Halimi. Nous avons à dis­po­si­tion des outils d’analyse par­ti­cu­liè­re­ment pointus pour lutter contre l’extrême droite, le fémo­na­tio­na­lisme théorisé par Sara Farris (lire l’analyse de Kaoutar Harchi), l’intersectionnalité par Kimberlé Crenshaw ou la colo­nia­li­té du genre par Maria Lugones, pour ne citer que ces trois-là. Moi-même, c’est dans le champ féministe que j’ai pris appui pour produire les notions de « mère-tampon » ou de « désen­fan­ti­sa­tion » (5). Convenons-en : nous avons à dis­po­si­tion un espace féministe qui est poli­ti­que­ment et intel­lec­tuel­le­ment des plus stimulants.
Par ailleurs, nous avons l’expérience des désac­cords et des conflits (parfois très durs comme autour de la loi sur le foulard de 2004), mais aussi des dis­cus­sions jusque tard dans la nuit qui font changer d’avis, sans drame et sans rancune. Alors, orga­ni­sons un espace pour penser la stratégie anti­ra­ciste et inter­na­tio­na­liste dans le féminisme face à l’extrême droite, à court et plus long terme. Car l’extrême droite française, plus que jamais ancrée dans les ter­ri­toires partout en France, ne dis­pa­raî­tra pas de sitôt.

Qui organise ? Qui en serait ? Quelques idées à discuter, par exemple. Des espaces autonomes pour que les personnes les plus vul­né­ra­bi­li­sées puissent se réfugier. Les fascistes possèdent des espaces à elles et eux, des bars, des cinémas. Les fémi­nistes, elles, se retrouvent dans des bars de centre-ville ou à Paris, où le café au lait est à 8 euros. Pourquoi pas un système de coti­sa­tion aussi ? Pour se donner les moyens finan­ciers de ­s’auto-organiser, notamment dans les ter­ri­toires mar­gi­na­li­sés. L’inclusivité, ça doit être d’abord de redis­tri­buer l’argent aux fémi­nistes de classes popu­laires. Et réfléchir aux espaces pour se défendre, les maquis. D’autant que l’extrême droite, ce n’est pas une poignée d’individus marginaux. Aujourd’hui, c’est une partie gran­dis­sante de l’édition, des médias, de la fonction publique, de l’université, des syndicats, des élu·es, des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, des artistes, des humo­ristes, des étudiant·es, des influenceur·euses, des tiktokeur·euses, des ­paysan·nes, des militant·es LGBT+, des éco­lo­gistes, des fémi­nistes… L’extrême droite, surtout, c’est la police française. Et, de plus en plus, l’armée. Cela pose la question de la nature de la résis­tance, puisque résis­tance il doit y avoir. Cette question doit être posée dans de bonnes condi­tions, collectivement.

En avril 2022, à Bagnolet, on s’est retrouvé·es – on était une centaine – entre les deux tours de la pré­si­den­tielle pour répondre à cette question : que fait-on dimanche soir si Marine Le Pen gagne et si les fascistes fêtent leur victoire en lançant des raton­nades ? On s’est à nouveau retrouvé·es – plusieurs centaines cette fois – dans de grandes salles pari­siennes, en juin 2024, après la victoire de l’extrême droite aux euro­péennes et la dis­so­lu­tion de l’Assemblée nationale. Avec cette même question, plus urgente que jamais : comment s’organiser concrè­te­ment contre l’extrême droite ?

Les échanges ont été gal­va­ni­sants : on réflé­chis­sait à un plan détaillé ! Fomenté ensemble ! N’attendons pas d’être au soir des victoires fascistes dans le champ électoral pour commencer à organiser nos résistances.

La stratégie féministe que je propose ici pour vaincre l’extrême droite est simple : elle est anti­ra­ciste et inter­na­tio­na­liste. Faisons de cette stratégie une de nos fiertés. Les fémi­nistes ont leur part à faire pour empêcher qu’on exécute des enfants impu­né­ment, au nom de l’État. Nous le savons, aucun de nos enfants ne sera libre si tous et toutes ne le sommes pas. Alors, armons-nous de mous­taches hautes et fières, et tra­vaillons à l’émancipation de tous et toutes. •

Fatima Ouassak est essayiste et autrice, aux éditions La Découverte de La Puissance des mères. et Pour une écologie pirate. Militante engagée dans l’antiracisme et l’écologie, elle a cofondé le Front de mères, un syndicat de parents des quartiers populaires.

Maya Mihindou est des­si­na­trice, graphiste et pho­to­graphe. Elle a notamment illustré Contrechant, une antho­lo­gie de poèmes d’Audre Lorde (tra­duc­tion du collectif Cételle, Les Prouesses, 2023).


(1) Le policier auteur du tir, mis en examen pour homicide volon­taire, a été placé en détention pro­vi­soire pendant cinq mois avant d’être libéré sous contrôle judi­ciaire. Une cagnotte en ligne lancée par Jean Messiha, figure de la facho­sphère, a récolté 1,6 million d’euros en soutien à sa famille. Cette cagnotte fait l’objet d’une plainte, déposée par la famille deNahel Merzouk.

(2) Le 27 octobre 2005, Zyed Benna (17 ans) et Bouna Traoré (15 ans) mouraient élec­tro­cu­tés à Clichy-sous-Bois (Seine-saint-Denis) dans un trans­for­ma­teur où ils s’étaient réfugiés pour échapper à la police. Leur mort fut l’élément déclen­cheur de vingt jours d’émeute.

(3) Le 29 juin 2023, à Cayenne, en Guyane, un homme est tué par une « balle perdue » lors des émeutes pour protester contre la mort de Nahel. Trois jours plus tard, le 1er juillet, un jeune homme de 27 ans décède des suites d’un « choc violent au niveau du thorax causé par le tir d’un pro­jec­tile de type flash-ball », d’après le parquet de Marseille.

(4) Des articles prônant la pré­fé­rence nationale ont été retoqués par le Conseil consti­tu­tion­nel pour vice de forme. Promulguée le 26 janvier 2024, la « loi asile et immi­gra­tion » n’en reste pas moins l’une des plus répres­sives de ces quarante dernières années.

(5) Ces deux notions sont déve­lop­pées dans La Puissance des mères de Fatima Ouassak. Les « mères tampons » seraient à même d’apaiser la colère des enfants et adolescent·es des quartiers popu­laires. Quant au processus de « désen­fan­ti­sa­tion », il est celui que mène l’État contre la jeunesse en humiliant, ter­ro­ri­sant, voire tuant les enfants de personnes immigrées.

Fatima Ouassak

Fatima Ouassak est essayiste et autrice, notamment, de deux essais aux éditions La Découverte : La puissance des mères et Pour une écologie pirate. Militante engagée dans l'antiracisme et l'écologie, elle a cofondé le Front de mères, un syndicat de parents des quartiers populaires. Voir tous ses articles

Résister en féministes : la lutte continue

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°15 Résister, parue en août 2024. Consultez le sommaire.