Rachel Keke & Corinne Masiero : « On est là pour vous empêcher de dormir »

L’une est une actrice populaire, à la gouaille et au féminisme affirmés. L’autre est la première femme de chambre française à avoir été élue députée. Corinne Masiero et Rachel Keke partagent des combats communs : contre l’exclusion, contre les violences sexistes et sexuelles. Elles ne s’étaient jamais croisées. Dans « le saint des saints » des lieux de pouvoir, le palais Bourbon, où s’est tenue leur rencontre, elles ont parlé de mépris de classe, de l’inceste, des femmes qui gagnent 800 € par mois, de fringues comme cheval de Troie et de la place de la musique dans la lutte. Avec une énergie et des rires salutaires.
Publié le 10 janvier 2023
Rachel Keke et Corinne Masiero à l'Assemblée Nation à l'occasion de la rencontre pour La Déferlante 9
Lynn S.K.

Vous vous ren­con­trez toutes les deux pour la première fois sous les ors de la République, dans le cadre très solennel de l’Assemblée nationale. Un décor assez inattendu pour des trans­fuges de classe, des rebelles, des « grandes gueules »… Comment vous sentez-vous ici ? 

Corinne Masiero Je ne sais pas trop, mesdames. Je vais en parler à ma prochaine séance de psy­cha­na­lyse… En fait, je n’étais jamais entrée dans l’Assemblée nationale.

J’ai souvent manifesté devant, notamment avec les InterLuttant·es (1), un collectif qui organise des tas d’actions, des occu­pa­tions… Mais c’est très étrange : Rachel, ton élection a changé quelque chose. Pour la première fois, je me suis dit : « Putain, est-ce qu’il ne faudrait pas que je m’investisse aussi dans ce que j’appelle la “politique poli­ti­cienne” ? »  Môme, je me suis impliquée dans un parti d’extrême gauche et les deals entre opposants poli­tiques m’ont rapi­de­ment dégoûtée. Un gars de ce parti m’avait dit : « Si tu veux faire de la politique, il faut apprendre à te salir les mains. » Ah bon ? « Bah tiens, voilà mon badge, salut, je me casse. » Cet engagement-là, c’était faire trop de conces­sions par rapport aux valeurs qui sont les miennes.Plus tard, si j’ai accepté d’être sur une liste élec­to­rale, c’était juste pour aider des camarades. Les éti­quettes de parti conti­nuent de me faire peur. Je n’ai pas envie qu’on me foute dans une case. Je veux être libre. Mais depuis que tu t’es présentée comme députée, Rachel, je me dis : « En fait elle a peut-être raison. » Parce qu’une fois à l’intérieur du « saint des saints » on peut mettre le bordel. Moi, je sais foutre le bordel d’une manière tra­shouille : je fais partie de la section bourrins des InterLuttant·es. On discute pas, on fonce. Mais toi, ou des gens comme François Ruffin, vous faites avancer les choses. Pour la première fois de ma vie, je me suis posé cette question-là : « Est-ce que je ne vais pas m’investir de la même manière que toi ? » Je n’ai pas le cerveau pour. Je n’ai pas ton talent, je n’ai pas tes capacités. Sincèrement, ça me travaille vraiment. On me l’a déjà proposé plein de fois, j’ai toujours dit non. Mais là, le fait que tu sois une gonzesse, que tu viennes vraiment d’un milieu populaire… Ce qu’il m’intéresserait de savoir, Rachel, c’est comment est venu le déclic ?

Rachel Keke Ça remonte à notre grève des femmes de chambre en 2019. On a lutté pendant vingt-deux mois face au groupe Accor (lire l’encadré en fin d’article). Ça n’a pas été facile, on a subi beaucoup de mépris au sein de cet hôtel, de l’esclavagisme, des attou­che­ments, une de nos collègues accuse même de viol l’ancien directeur de l’hôtel Ibis-Batignolles (2). Accor, c’est le groupe donneur d’ordre. Il sous-traite le ménage et se fout des employées de la sous-traitance. Tu n’es pas d’accord ? On te licencie, on te propose d’aller voir Pôle emploi. On a donc dû vraiment s’organiser pour pouvoir faire cette grève-là, parce qu’on en avait marre.

Des gens de La France insoumise (LFI) sont venus sur le piquet de grève. Je me suis dit que c’était le seul parti qui se souciait des gens comme nous. Ces député·es venaient nous voir et ne connais­saient pas notre réalité. Je me suis dit que si j’étais à leurs côtés je pourrais mieux leur expliquer et qu’ils pour­raient mieux nous défendre. Quand on a fini la grève, il y a eu l’élection pré­si­den­tielle. J’étais en Côte d’Ivoire quand ils m’ont contactée pour m’inscrire dans l’Union populaire pour soutenir la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Je n’ai pas hésité.

J’ai pris la parole au meeting de la place de la République, on m’amenait un peu partout. Malheureusement, Jean-Luc Mélenchon n’a pas gagné l’élection. Je me suis donc rap­pro­chée de la section LFI dans ma ville, à Chevilly-Larue (Val-de-Marne), de Hadi Issahnane. C’est lui qui m’a demandé si j’avais envie d’être candidate. Au début, je ne com­pre­nais pas de quelle élection il parlait ! Il m’a dit : « Tes collègues et toi, vous avez mené une lutte pendant vingt-deux mois, et vous avez gagné. Je sais que, au sein de l’Assemblée nationale, tu peux nous repré­sen­ter. » Je lui ai répondu : « Hadi, j’ai un niveau CM2. Là-bas, avec les pape­rasses, comment est-ce que je pourrais faire ? » Il m’a répondu : « Je sais que tu es cou­ra­geuse, tu vas y arriver. » Quand on te donne un gâteau sur un plateau d’or, il ne faut pas le refuser.


« Je le dis souvent aux gens en grève aujourd’hui : danser, ça fait partie de la lutte. Il faut danser, il faut manger, il faut rigoler. »

Rachel Keke


Comment a été accueilli votre premier discours politique à Aubervilliers, un mois avant les élections législatives ?

Rachel Keke Ça a donné ! Parce que, partout où je passe, je parle de ces métiers essen­tiels, et de ces femmes surtout, qui subissent ces condi­tions de travail, qui sont méprisées, mal payées. En plus, après le travail, elles rentrent s’occuper des enfants à la maison. Et à la fin du mois, elles ont gagné 800 euros. Même avec l’aide de la CAF, tu ne peux pas t’en sortir. Il faut aller le dire partout, et ça c’est mon truc. Oui, c’est ce que les femmes vivent. Elles sont piétinées. À l’hôtel, il y a des femmes qui font le même boulot que les hommes, mais à elles, on ne propose que des temps partiels. À l’homme, on lui donnera plus d’heures pour le même travail, et la femme touchera juste 800 euros. Dans les hôtels, il y a une majorité de femmes qui font les chambres. Souvent, elles ne savent pas lire, ne savent pas écrire, viennent d’un autre pays, ce sont des femmes racisées. Les employeurs, les sous-traitants en profitent pour prendre toutes les libertés. Les gens n’arrivent pas à com­prendre que la femme travaille dur, mais qu’elle touche moins d’argent. Pourquoi cette injustice ? C’est mon combat, mais il n’est pas facile. Car au sein même de l’Hémicycle, quand tu parles de la sous-traitance, les hommes de droite ou d’extrême droite pensent qu’on exagère. Mais je le sais. C’est de là que je viens. Je dis la vérité.

À l’Assemblée, je me sens à l’aise pour en parler. Pendant les débats sur le pouvoir d’achat, en juillet dernier, les élus de droite trou­vaient normal de vivre avec 800 euros. Là, j’ai sorti mon truc de rebelle pour leur demander : « Mais qui ici a déjà touché 800 euros par mois, 900 euros, 1 000 euros ? Qui ? Ici, personne. » Voilà. Ces députés ne connaissent pas la réalité. Je les appelle parfois « les extra-terrestres », ils ne vivent pas sur la Terre. C’est comme si on les avait élevés sur une autre planète. Même quand on leur explique la situation, les condi­tions réelles des gens, ça rentre puis ça sort. C’est ça qui me choque un peu.


« Je le dis souvent aux gens en grève aujourd’hui : danser, ça fait partie de la lutte. Il faut danser, il faut manger, il faut rigoler. »

Rachel Keke


En tout cas, je me sens à ma place ici. L’Assemblée nationale est un endroit pour le peuple, où tout le monde peut venir s’exprimer. On n’a pas besoin d’un bac + 5, d’être médecin ou avocat pour être à l’Assemblée nationale. Je pense que ma présence ici doit donner du courage à tout le monde. Même si tu es boulanger, auxi­liaire de vie, même si tu es éboueur, res­tau­ra­teur : rentre dans un parti politique, montre ta convic­tion pour être élu. Et il faut que les partis poli­tiques prennent des gens issus du peuple.

Avez-vous été confron­tée au mépris de classe, au racisme au sein de l’Assemblée ?

Rachel Keke Pour l’instant, pas du tout. Je sais qu’ils font très attention. Je n’ai pas eu de remarques comme celles lancées [en novembre 2022] à Carlos Martens Bilongo, à qui un élu Rassemblement national a dit : « Qu’il retourne en Afrique. » Je les vois, on se regarde, ils font attention. Peut-être qu’ils se disent : « Alerte, elle va faire son truc de rebelle. » Mais Carlos est très timide. Et c’est leur cible, les timides. Ils pensent que tu es faible. Quand je prends la parole à l’Assemblée nationale, c’est le silence radio. On me dit bonjour, bonsoir. Pour l’instant, ça va.


« Se sortir du milieu prolo, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le milieu des prolos, des pauvres, c’est un milieu de merde ? Ben moi, je ne suis pas d’accord. »

Corinne Masiero


Corinne Masiero Est-ce que tu as rencontré per­son­nel­le­ment des gens de droite et d’extrême droite avec qui tu as eu un début de conversation ?

Rachel Keke Parfois, au res­tau­rant. Je suis ouverte à tout le monde. Je ne suis pas une grosse tête. Je pense qu’il faut parler avec eux pour com­prendre. Il faut lutter contre le racisme par l’éducation. Il faut parler pour les amener à la raison. Je les appelle « les perdus ». Ils ne connaissent pas leur histoire. Ils ont besoin d’aide en fait.

Corinne, pour désigner le mépris des plus pauvres, vous parlez souvent de pro­lo­pho­bie ; qu’est-ce que c’est ?  

Corinne Masiero La pro­lo­pho­bie, c’est la peur des prolos. Ce mot, j’ai d’abord cru que je l’avais vu quelque part. Et, pour en revenir à mon psy, avec qui je parle souvent, il me dit un jour : « Mais c’est quoi ce truc de pro­lo­pho­bie ? C’est vous qui l’avez inventé ? » Bah peut-être, je ne sais pas. C’est la peur et le mépris des pauvres par les riches. Au début, on a parlé de trans­fuges de classe. Moi ce que j’ai remarqué chez les trans­fuges de classe, c’est qu’ils parlent souvent de comment c’était avant, comment c’est devenu après, comment ils s’en sont sortis. Se sortir de quoi ? Se sortir de la merde, oui, ça peut arriver même à un bourge qui a une dif­fi­cul­té, qui fait faillite ou whatever. Mais se sortir du milieu prolo, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le milieu des prolos, des pauvres, c’est un milieu de merde ? Ben moi, je ne suis pas d’accord.

La pro­lo­pho­bie, je l’ai ressentie… La première fois, très fort, quand j’étais môme et que j’avais changé d’école. Moi je viens du Nord, et dans le Nord on parle en patois, en ch’ti. Quand je suis arrivée dans cette école, on m’a dit : « Ici on ne parle pas en patois, c’est sale, ici on parle le bon français. » Je me suis dit : « Mais alors, le milieu d’où je viens, le village, les gens de ma famille, on est sales. On est des nazes. » Ben moi, je ne suis pas d’accord avec ça. Enfin… je le dis main­te­nant avec ma réflexion d’adulte.

Il y a un truc chez les trans­fuges, souvent, qui est d’adopter les codes de paroles, de gestes, de fringues des bourgeois. Comme si c’était pas bien de garder les codes de notre éducation de prolos. Comme s’il n’y avait qu’un seul code de com­por­te­ment accep­table, celui des bourgeois. Tous les gosses de pauvres ont entendu : « Te tiens pas comme ça, parle pas comme ça. » Dans ma famille, on devait bien parler français devant le médecin, à l’administration. Fallait mettre les fringues du dimanche pour sortir. Comme si ce qu’on portait la semaine était méprisable.

Idem pour la culture : les diver­tis­se­ments popu­laires, la ducasse dans le Nord, les majo­rettes, la fanfare, au mieux c’est rigolo, folk­lo­rique, exotique. C’est sympa, mais il faut écouter de l’opéra, lire les grands textes de Molière… Au théâtre, quand on me demandait de dire des textes de Tchekhov (qui, au passage, me sort par les trous de nez), et que je parlais avec mon accent du Nord, on me reprenait : « Non, il faut parler en bon français. » Mais Tolstoï, Tchekhov, tout ça, c’est des Russes, ils écrivent en russe. Donc, si tu veux vraiment parler comme ils écri­vaient, tu dois parler en russe. Et si j’ai envie de parler avec l’accent picard, je peux et je ne vois pas où est le problème. D’ailleurs, plus ça met les gens mal à l’aise, plus j’aime exagérer mon accent. C’est une manière de dire : « J’ai le droit d’exister autant que les autres. »

Rachel Keke Moi je ne suis pas née ici, je suis venue à l’âge de 26 ans, j’ai mon accent, je ne vais pas arrêter de rouler les r ! Les gens sont obligés de s’adapter à ma façon de parler ! Et je m’habille comme je veux, comme je le sens. Je ne peux pas changer le milieu d’où je viens. Quand j’ai fait mon entrée à l’Assemblée, je suis venue en tailleur. Ce n’est pas parce que tu es une femme de ménage que tu ne peux pas bien t’habiller. Je m’adapte à tout et je m’habille comme je veux, comme je le sens.

Corinne Masiero Tout dépend si tu veux faire cheval de Troie ou pas. Moi, j’aime beaucoup faire cheval de Troie. Mais quand c’est moi qui décide, et que j’assume le truc. Bouger les codes, ça permet de montrer qu’on a le droit d’exister. Ça peut être une action bourrine, mais aussi vouloir devenir députée quand rien ne t’y pré­des­tine. En fait ça dépend de ce qui se passe, de l’air du temps. Un coup j’y vais avec un habit provocant, un coup j’y vais classe. Il faut savoir ce qu’on veut faire, l’effet que ça fera. C’est pas provoquer pour provoquer. C’est juste dire : « Moi, si je m’habille comme ça, si je parle comme ça, si je me conduis comme ça, c’est que je fais partie de la planète au même titre que vous, mon vieux. Mais il n’y a pas de raison que je devienne exac­te­ment comme vous. » C’est comme les injonc­tions ves­ti­men­taires : sur qui ça tombe toujours ? Sur les gonzesses. Tout à l’heure, pendant la session photo, par exemple, j’ai fait exprès de me mettre comme ça, sans pull en tee-shirt à bretelles, parce que je ne porte plus de soutif depuis un moment. Je le fais exprès. Je sais qu’on voit mes tétons qui pointent. Je sais que c’est très mal vu, comme d’avoir une clope sur une photo. Des fois, je fais exprès de fumer. Si tu veux la photo, tu la prends comme ça et tu n’as pas le droit de l’enlever après. Mais c’est quoi le problème ? Les mecs, on leur dit : « On voit vos tétons qui pointent ? » Non. C’est aussi une manière de faire cheval de Troie.

C’est une manière d’être aux commandes ?

Corinne Masiero C’est moi qui décide et j’ai le droit. C’est comme dans une relation sexuelle : à 8 heures t’as envie, à 8 h 10 t’as plus envie, à 8 h 15, tu sais pas. C’est toi qui décides, c’est personne qui te l’impose. Et c’est pareil pour les dress code et tout. Je crois que ça, en tant que gonzesse, en faisant partie de milieux hyper machistes et hyper masculins, comme à l’Assemblée nationale, c’est des trucs qu’on peut apporter. Ce que tu disais tout à l’heure : ils doivent s’adapter à ta manière de parler, ta manière de t’habiller, ta manière de t’exprimer quand tu as la rage… Bah oui les gars. À force d’entendre toujours tout le monde qui parle la même langue de bois, qui parle pareil, tu ne sais plus s’ils sont de droite ou de gauche… Ce qui fait la richesse des sociétés, c’est le mélange.

Rachel Keke Je voulais vous demander… Je pense à ce moment où vous vous êtes dénudée devant des milliers de personnes pendant la remise des césars, quel courage ! Je veux savoir : d’où sort ce courage-là ?

Corinne Masiero C’est pas du courage, je suis une grosse frous­sarde. J’ai vraiment peur tout le temps. J’ai peur quand je vais en manif, quand je vais en action, quand je travaille, j’ai peur. Mais vraiment, je ne suis pas quelqu’un de courageux. Je peux vomir tellement j’ai peur. Sauf que, à un moment donné, le seul truc qui me tient, c’est que je me dis que si je ne le fais pas, qui va le faire ? Ça peut paraître très orgueilleux, ce que je suis en train de dire. Mais il y a des moments, par exemple dans le métro ou dans le bus quand tu vois quelqu’un qui parle mal à une autre personne, et tout le monde fait semblant de ne pas avoir entendu… Eh ben, si t’es la première personne à réagir, d’autres vont suivre. Et voilà… Faut donner l’élan. Si je ne le fais pas, il n’y a personne qui va le faire. Et parfois c’est maladroit, mais il faut faire quelque chose. Moi, j’ai l’impression que je n’ai pas le choix.

Enfin tu me diras, on a toujours le choix, le choix de se barrer aussi. Des fois, je me barre. Ça m’est arrivé dans des manifs. Je me rappelle en 1986 (3), j’étais inscrite à la fac et on faisait des manifs. Du côté de Saint-Germain, il y a un moment où ça a dégénéré. Il y avait deux flics à moto qui nous pour­chas­saient. J’ai flippé ma race, je me suis barrée en courant. Avec les Gilets jaunes aussi, quand on était pris en nasse…

À la soirée des Césars, celle dont tu parles, je flippais aussi. Je voulais en profiter pour faire une tribune, au nom des InterLuttant·es, mais moi je ne suis pas députée, je ne sais pas faire de tribune. Je sais me mettre à poil, je l’avais déjà fait sur les toits de la Drac, le ministère de la Culture en région. Puisqu’ils voulaient mettre les intermittent·es à poil, fallait que je me foute à poil. Mais je ne l’ai dit à personne, sinon on allait me décou­ra­ger. Je pensais passer au début de la soirée. En fait, j’ai attendu deux heures dans les coulisses… J’en pouvais plus. J’avais froid avec juste ma peau d’âne et du sang dessus, à me demander si j’oserais le faire ou pas. Jusqu’au dernier moment, j’ai eu le palpitant. Et puis j’ai arrêté de penser, et je l’ai fait. On ne m’a même pas mise dehors !

Rachel Keke Et ça a marché ! Je dois dire « Félicitations » !

Corinne Masiero Ouais, merci ma poule.

Rachel Keke Il faut des femmes comme ça.

Vous attendiez-vous aux réactions très violentes et aux réflexions sur votre corps qui ont eu lieu à la suite de cette performance ? 

Corinne Masiero Je le savais. C’était fait exprès. J’ai 58 ans, des ver­ge­tures, du bide, les poils sur les jambes, les seins qui tombent. Et so what ? C’est quoi le problème ? On fait partie de la majorité des gens, donc je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas être repré­sen­tées au cinéma et ailleurs. Je m’attendais aux « elle est vieille », « elle est moche »… Mais c’est bien ! Exprimez-vous, donnez votre venin qu’on puisse vous le foutre à la gueule après. Je m’attendais moins aux messages de soutien, j’en ai eu plein, de nanas prin­ci­pa­le­ment, mais aussi de mecs.

Vous sentez-vous entourées, soutenues ? Où est le collectif autour de vous ? 

Rachel Keke Quand on a commencé la lutte à l’Ibis, on a eu tellement de dif­fi­cul­tés, avec le syndicat proche du patron qui voulait casser la grève. On a commencé à 34 personnes, et ils ont fait pression sur les maris pour empêcher les femmes d’aller sur le piquet de grève. Il y a eu des menaces, du har­cè­le­ment. Dix femmes du groupe ont abandonné. À la fin, on est restées à 19 femmes et un homme. On a compris qu’on devait être unies et soli­daires, sans quoi c’était mort pour nous. On a créé tout de suite un groupe WhatsApp. Quand on rentrait, chacune appelait chacune pour voir comment on avait trouvé la journée, comment résoudre les embrouilles. C’est parti comme ça. À la fin on s’est retrou­vées comme des sœurs, même père, même mère. On est toujours ensemble aujourd’hui.

Souvent je vais à l’hôtel et tout le monde est content de me voir. Je leur dis : « Ce qu’on a gagné, ne laissez pas le patron vous l’enlever. » D’ailleurs, même le patron a reconnu notre force. Il m’a demandé : « Comment vous avez tenu ? Sous la pluie, le vent, la neige ! D’où vous avez pris cette force-là ? » Je lui ai répondu : « La soli­da­ri­té ; l’union fait la force. » Et au final, on a renversé le groupe Accor !

Vous vous indignez des condi­tions de travail et des salaires indécents, mais aussi des violences contre les femmes précaires…

Rachel Keke On subit beaucoup de choses dans ces métiers. Je parle de l’hôtellerie parce que je sais ce qui s’y passe, mais d’autres femmes dans d’autres secteurs sont victimes de violences, de viols, sans qu’on en parle. On dirait que seuls les agres­seurs célèbres inté­ressent les médias. Moi quand je dis sur les plateaux de télé, à la radio, qu’une collègue femme de chambre a été violée, rien ne se passe, ce n’est le problème de personne.

Et quand j’entends dans l’Hémicycle la pré­si­dente des macro­nistes dire : « Si vous êtes victime de violence, allez à la police, allez porter plainte », ça me blesse. Parce que, quand on va à la police, elle ne prend pas nos plaintes. Tout récemment, une collègue femme de chambre frappe à la chambre d’un client. Il ouvre et montre son sexe. Elle va au com­mis­sa­riat porter plainte. On lui dit : « On ne peut pas prendre votre plainte, madame, faites une main courante… »  Et du coup la dame n’a pas porté plainte. On se fout de nous. Ça m’énerve quand on fait de la récu­pé­ra­tion politique sur le problème de la violence faite aux femmes.

Corinne Masiero C’est ce que je gueule, regueule et rata­gueule. J’ai fait un spectacle avec une nana de 68 ans, Adolpha (4), qui avait tué son conjoint parce qu’il lui foutait sur la gueule et la violait. Elle lui a mis un coup de fusil et elle a fait de la zonzon. Elle cumulait tout depuis l’enfance : sous-prolétariat, femme, incestée par plusieurs personnes dans sa famille, sa mère qui n’en avait rien à foutre, qui la vio­len­tait. Elle a tout subi, tout.

C’est aussi pour ça que j’ai créé le groupe de musique Les Vaginites, pour pouvoir le dire plus fort… J’écris des chansons, des textes, qui parlent de ça. On est trois dans ce groupe et à un moment donné on s’est rendu compte qu’on avait été toutes les trois victimes d’agression sexuelle, de viol, d’inceste. L’inceste, c’est vraiment le truc qui touche tout le monde. C’est même le seul moment où la lutte des classes n’apparaît pas. Ça touche toutes les bonnes femmes, bour­geoises ou prolos, et quelques mecs aussi. Mais en tant que femme, on est vraiment consi­dé­rée comme la sous-race. Et quand t’es racisée, alors t’es vraiment tout en bas. C’est pas normal. On est tellement condi­tion­nés par des édu­ca­tions patriar­cales… Le chef de famille, c’est le mec, et tu fais ce qu’on te dit. Et, si tu dois te marier avec machin, tu le fais. Si tu dois fermer ta gueule, tu le fais. Si tu t’habilles comme ça, c’est lui qui décide. Et de quel droit tu résistes, de quel droit tu parles ? Quand j’ai parlé d’inceste (5), ça a tellement choqué ma famille qu’on m’a demandé de quel droit je parlais de ça, que certains allaient se retourner dans leur tombe. Personne ne m’a demandé comment j’allais. Personne ne m’a dit : « Pardon, mais comment ça s’est passé ? Est-ce que tu as besoin d’aide ? »

Les Vaginites, c’est votre façon d’agir poli­ti­que­ment, de faire du bruit là où il y a trop de silence. Comment est né ce groupe de rock ? 

Corinne Masiero C’est d’abord Daniel Mermet qui m’avait proposé d’intervenir pour les 30 ans de son émission radio « Là-bas si j’y suis ». Je suis venue avec deux copines, les Chamot, qui chantent un morceau qui s’appelle Ta gueule, que j’aime bien. Par extension, on a commencé à parler de choses qui nous concer­naient. Et donc, comme on est toutes des nanas, on a parlé des agres­sions, des violences faites aux femmes, de l’inceste, les IVG, tout ça. On a créé un groupe qui est devenu Les Vaginites et on devrait sortir notre album en janvier 2023 (6). On a aussi fait un spectacle qui s’appelle Le Parrain 4, puisqu’il y a déjà eu les films Le Parrain 1, 2, 3… C’est une copine qui m’avait raconté comment elle avait été incestée par son parrain de ses 7 ans à ses 14 ans. Ça parlait de son parrain, qui est toujours vivant, toujours reçu dans la famille. Et tout le monde ferme sa gueule. Chaque fois qu’on fait ces concerts des Vaginites ou ces spec­tacles comme Le Parrain 4, des gens viennent nous voir à la fin. Ils nous disent : « Je connais quelqu’un à qui c’est arrivé. » Tu les écoutes, et en fait la personne dont ils parlent, c’est eux.


« Ma présence ici doit donner du courage à tout le monde. Même si tu es boulanger, auxi­liaire de vie, même si tu es éboueur, res­tau­ra­teur : rentre dans un parti politique, montre ta convic­tion pour être élu. »

Rachel Keke


Rachel Keke C’est la honte. Ils ont honte de dire que c’est eux.

Corinne Masiero On culpa­bi­lise. Mais la honte doit changer de camp. Tu en as d’autres qui sont choqués. Une fois, on parlait du viol d’un gamin et une nana me dit : « Ah mais quand même c’est violent. » J’ai répondu : « Vous avez abso­lu­ment raison, c’est violent. Un gamin de 4 ans qui se fait sodomiser, c’est très violent. » Elle a fermé sa gueule. C’est toujours cette histoire de trouver le bon moment pour putscher. J’appelle ça « putscher », c’est-à-dire rentrer dedans, bourriner. Il y a des moments pour le faire, car ça peut provoquer des élec­tro­chocs, une prise de conscience. Et ça, c’est citoyen, c’est du mili­tan­tisme, c’est de l’engagement.

À quel moment on prend conscience de cette place des femmes, et on se révolte, on décide de putscher ?

Corinne Masiero Mais ça c’est sur toute une vie… Quand t’es petite, t’observes. Tu fermes ta gueule, car on ne te laisse pas parler. Donc j’écoutais les adultes et je me disais : « Mais c’est quand même dingue, c’est eux qui sont censés avoir raison, mais je les trouve cons comme des bites. Ce qu’ils disent c’est méchant, c’est malsain, c’est raciste. » Je n’utilisais pas ces mots-là, mais je le pensais. Et pourquoi moi, je n’avais pas le droit de parler ? Je viens d’une famille prolo qui était com­mu­niste à fond des deux côtés, athée, anti­clé­ri­cale et tout le bordel, avec des valeurs défendues par la gauche en général. Dans le quotidien, je voyais que ça ne s’appliquait pas. Égalité homme-femme ? Les bonnes femmes faisaient la bectance, la vaisselle, tor­chaient les gosses, pendant que les autres étaient dans le canapé, en train de fumer des clopes et boire des coups… Sans parler des agres­sions que j’ai subies, et je n’étais pas la seule dans la famille. Tu n’oses pas en parler. On t’a tellement dit que le danger venait de la rue. Que si on t’agressait, il fallait casser des vitres avec des cailloux pour que les gens sortent de chez eux pour inter­ve­nir. Mais quand ça se passe à l’intérieur… Tu découvres les injustices.

Je viens d’une famille italienne, très machiste. Je voyais bien que les femmes étaient de l’autre côté de la barrière. Le modèle à atteindre, c’était la sainte madone qui pond des enfants. Et de l’autre côté, il y avait la pute. Ben tant qu’à faire, moi j’ai décidé de faire la pute. Je ne veux pas de gosse et je ne veux pas de ce modèle… Ce sont des choix. Quand t’as 20 ans, on te demande : « Quand est-ce que tu t’y mets ? » À 40 ans, on m’a dit qu’il serait temps… Il serait temps de quoi ? J’ai pas envie de gosse, faites pas chier avec ça. Et enfin la ménopause arrive, tu fais alléluia ! Fini les tests de grossesse !


« Quand j’ai parlé d’inceste, ça a tellement choqué ma famille qu’on m’a demandé de quel droit je parlais de ça, que certains allaient se retourner dans leur tombe. Personne ne m’a demandé comment j’allais. »

Corinne Masiero


Rachel Keke, les chansons ont aussi eu un rôle crucial dans votre histoire militante ? 

Rachel Keke La musique donne de la force ! Pendant la grève de l’Ibis, arrivait un moment où, si on ne mettait pas la musique pour danser, on se sentait fatiguées. Et le directeur de l’hôtel guettait nos signes de fatigue. Alors on a emprunté du matériel et on a pris l’habitude de danser sur le piquet de grève. Ça nous empêchait d’avoir froid, ça nous donnait de l’énergie, ça nous faisait du bien. On mettait de tout, des chansons congo­laises autant que du Johnny !

C’est comme ça que notre hymne Frotter, frotter, il faut payer est né. L’artiste ivoirien Bobbyodet est venu nous soutenir, puis il a voulu écrire une chanson sur notre lutte. Comme il n’avait pas les mots clés, on l’a faite ensemble. C’est devenu le titre, Dur Dur Ménage. Ça a circulé partout sur les réseaux sociaux. Cette ambiance a attiré du monde, on dansait, on criait ! C’est un moyen de lutte très efficace ! Et ça réunit. Je le dis souvent aux gens en grève aujourd’hui. Danser, ça fait partie de la lutte. Il faut danser, il faut manger, il faut rigoler. Nous, ça nous a beaucoup aidées, et les gens en face se deman­daient : « Mais ces femmes ne se fatiguent jamais ? »

Corinne, cette lutte de l’Ibis est en train d’inspirer un film, c’est l’une des raisons pour les­quelles vous vouliez ren­con­trer Rachel… Voulez-vous nous en dire plus ? 

Corinne Masiero Je voulais te ren­con­trer parce que je suis vraiment admi­ra­tive de tout ce que tu as fait avant d’être députée, et depuis. Aussi parce que j’étais femme de ménage à une époque et que je sais de quoi ça cause. C’était un point commun. T’es hyper féministe. T’es une grande gueule, moi j’admire ça à fond. Et puis un jeune réa­li­sa­teur m’a contactée. Il m’a parlé d’un projet de film sur des femmes de ménage qui tra­vaillent pour une grande chaîne d’hôtel et qui font grève. J’ai dit : « Ben alors, ça te rappelle pas quelque chose ? »

Rachel Keke Ah oui, il y a du Keke là-dedans !

Corinne Masiero Ce jeune réa­li­sa­teur a en tête une fiction qui s’inspire de votre histoire, pas un docu­men­taire filmé. Je lui ai demandé s’il vous avait contac­tées, toi et tes camarades de lutte. Et non, parce que, pour lui, c’était juste une ins­pi­ra­tion. On a parlé de comment il envi­sa­geait l’histoire, les per­son­nages… Je lui ai dit qu’il ne parlait pas des reven­di­ca­tions ni des salaires ni des agres­sions sexistes. Et au bout du compte, il m’a rappelée pour me dire que j’avais raison, qu’il avait été voir des nanas et des syn­di­ca­listes pour obtenir de la matière sur l’objet de ces luttes, qu’il fallait que ça appa­raisse dans le film. Voilà, ce n’est que le début, mais j’ai déjà un peu putsché.

Toutes les deux, vous êtes constam­ment en train de ramener des gens à la réalité, de les obliger à se réveiller !

Corinne Masiero Wokiste !

Rachel Keke Oui, arrêtez de dormir. L’heure est grave. Les femmes, prenez le pays main­te­nant, ça suffit là.

Corinne Masiero Il est l’heure !

Rachel Keke Les temps sont durs, faut qu’on se réveille. Il faut continuer à descendre dans la rue, c’est là que les choses peuvent bouger, qu’on peut tenir tête à ce gou­ver­ne­ment. Moi, je crois à la lutte.

Corinne Masiero Il faut ! Dans la rue et dans le quotidien, partout.

Rachel Keke Il ne faut plus avoir peur.

Corinne Masiero Ni peur ni honte. Mais les oreilles doivent s’ouvrir. Et que les actes suivent. En même temps, depuis quelques années, il y a un virage féministe qui a été pris. Il y a des supers warriors dans la géné­ra­tion entre 13–14 et 25 ans. Ces mômes vont dans les manifs, sont dupes de rien, ils ont une vraie conscience citoyenne. Solidarité avec eux ! •

Entretien réalisé le 18 novembre 2022 à l’Assemblée nationale par Iris Deroeux, jour­na­liste indé­pen­dante et Kareen Janselme, jour­na­liste à L’Humanité, toutes deux membres du comité éditorial de La Déferlante.

1. La coor­di­na­tion des InterLuttant·es défend le droit des intermittent·es et des précaires.

2. En 2017, une femme de chambre accuse l’ancien directeur de l’hôtel Ibis-Batignolles de l’avoir violée. Une enquête a été ouverte.

3. En 1986 ont eu lieu de nom­breuses mani­fes­ta­tions étu­diantes contre le projet de loi Devaquet qui visait à réformer les uni­ver­si­tés. À la suite de l’une d’entre elles, des policiers à moto, les « vol­ti­geurs », ont frappé à mort le jeune Malik Oussekine.

4. Adolpha Van Meerhaeghe a joué avec Corinne Masiero dans le film Les Invisibles. Elle a raconté son histoire dans le livre Une vie bien renger d’Adolpha, coédition l’Impubliable et Dernier cri, 2012, qui a aussi inspiré une comédie sociale jouée sur scène avec Corinne Masiero.

5. Dans le docu­men­taire Inceste, le dire et l’entendre, diffusé sur France 3 en septembre 2022.

6. Au moment du bouclage de ce numéro de La Déferlante, l’album est en cours d’enregistrement.

22 mois de lutte et une élection plus tard
Elles partirent 34 pour arriver 20 grévistes au bout de 22 mois de lutte. Dos usés, corps abîmés, les femmes de chambres de l’hôtel Ibis-Batignolles ont tenu près de deux ans sans salaire, de juillet 2019 à mars 2021, grâce aux soutiens et caisses de grève. Gouvernante et porte-parole du mouvement, Rachel Keke y a rencontré des sœurs et découvert le mili­tan­tisme. À l’issue du confi­ne­ment, le sous-traitant STN et le donneur d’ordre Accor cèdent : qua­li­fi­ca­tions et salaires sont reva­lo­ri­sés, les heures sup­plé­men­taires payées, et une pointeuse est installée. Rachel Keke s’engage dans le syn­di­ca­lisme, le féminisme, la politique. La coiffeuse ivoi­rienne arrivée en France en 2000, née d’une mère vendeuse et d’un père chauffeur, natu­ra­li­sée Française en 2015, devient la première femme de chambre députée, le 19 juin 2022 dans la 7e cir­cons­crip­tion du Val-de-Marne, investie par La France insoumise.

 

Corinne Masiero, sans filtre
Son nom rime avec cinéma social, verbe haut, combats de gauche, féminisme. Corinne Masiero vient d’abord des planches : elle a pratiqué le théâtre de rue tel que façonné par le Brésilien Augusto Boal dans les années 1970 dans le but de déclen­cher la parole des opprimé·es. Aujourd’hui encore, elle met tout son corps dans la bataille, quelle que soit la scène. Celle d’une énième cérémonie hors sol des Césars par exemple, en mars 2021, qu’elle court-circuite à poil et recou­verte de faux sang pour alerter l’assistance sur la précarité des gens du spectacle. « Qui veut la peau de Roger l’intermittent ? » tancera-t-elle avec son accent du Nord. Elle y tient, à cet accent, autant qu’à son coin d’origine. Née à Douai en 1964 d’un père mineur et d’une mère femme de ménage, elle enchaîne les petits boulots et les galères, passe par la pros­ti­tu­tion et les addic­tions, avant d’être attirée par le théâtre, grâce à des proches, puis par le cinéma. Sa fil­mo­gra­phie, imprégnée de ce vécu et racontant souvent les marges, illustre la richesse du cinéma français débar­ras­sé des codes bourgeois : de son appa­ri­tion dans La Vie rêvée des anges (Erick Zonka, 1998) à sa per­for­mance dans Louise Wimmer (Cyril Mennegun, 2012) en passant par Les Invisibles (Louis-Julien Petit, 2018) ou encore la série télévisée à succès Capitaine Marleau (Josée Dayan et Elsa Marpeau, depuis 2015). En 2022, Corinne Masiero témoigne pour la première fois publi­que­ment de viols inces­tueux subis pendant son enfance. La dénon­cia­tion des violences sexuelles est au cœur de projets très per­son­nels, tels que le groupe punk-rock Les Vaginites, qu’elle forme avec deux amies. Leur premier album est attendu en janvier 2023. Face aux violences et la bêtise, « ouvre ta gueule », hurlent-elles.

 

La B.O. de la rencontre
Ça a commencé comme un adagio. « Elle est grande », a murmuré Mme la députée accueillant Corinne Masiero à l’entrée de l’Assemblée nationale. En retrait, la comé­dienne écoutait sagement Rachel Keke lui parler de sa mobi­li­sa­tion du matin devant un lycée pro­fes­sion­nel. Puis ça s’est emballé pendant la séance photo dans la salle des Quatre-Colonnes, où se croisent d’ordinaire les par­le­men­taires et la presse. Larges sourires partagés en posant devant le buste d’Olympe de Gouges, mais dans les jardins, Corinne Masiero a voulu enchaîner sur les clichés « sexy », virant parka et gros pull. « C’est la première fois que je demande une députée en pacs, tiens ! » a‑t-elle lancé, un genou à terre. Éclats de rire avant que Rachel ne prenne une pose plus lascive en imitant une scène de Titanic. Un gendarme de la garde répu­bli­caine salue la « capitaine Marleau » alias Corinne Masiero. Dans le bureau de la députée Keke, celle-ci nous fait découvrir son clip Dur Dur Ménage, dont la musique a rythmé la grève gagnante qu’elle a menée à l’Ibis-Batignolles. Corinne Masiero dégaine son morceau punk Rage against Ze Machist en live avec son groupe Les Vaginites. On se quitte en écoutant une dernière fois Foufoune, de Mara. « C’est comme si je connais­sais Corinne depuis toujours », conclut rayon­nante Rachel Keke.

 

Baiser : pour une sexualité qui libère

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°9 Baiser (février 2023)

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