Rita Laura Segato, penser les féminicides

Originaire d’Argentine, l’anthropologue Rita Laura Segato, 72 ans, a développé une analyse originale des méca­nismes fémi­ni­ci­daires, qu’elle articule à une pers­pec­tive déco­lo­niale. Portrait d’une intel­lec­tuelle dont la pensée, majeure, est encore trop méconnue.
Publié le 24 avril 2024
Rita Laura Segato, le 12 avril 2023 à Santiago, au Chili. Les textes de l’anthropologue sur le viol ont inspiré aux féministes chiliennes la performance Un violeur sur ton chemin. Devenue virale, leur chorégraphie est reprise à travers le monde entier. ELVIS GONZALEZ / EFE / Newscom / MaxPPP
Rita Laura Segato, le 12 avril 2023 à Santiago, au Chili. Les textes de l’anthropologue sur le viol ont inspiré aux fémi­nistes chi­liennes la per­for­mance « Un violeur sur ton chemin », reprise dans le monde entier. Crédit : ELVIS GONZALEZ / EFE / Newscom / MaxPPP

L’anthropologue Rita Laura Segato ne se serait peut-être jamais spé­cia­li­sée dans l’étude de la violence si la police de Brasília ne l’avait pas appelée à l’aide, au début des années 1990. Le nombre de viols perpétrés dans la capitale bré­si­lienne atteint alors un niveau impres­sion­nant. Pour analyser ce phénomène, les forces de l’ordre mis­sionnent son uni­ver­si­té : l’équipe de recherche consti­tuée se voit accorder un accès excep­tion­nel au centre péni­ten­tiaire de Brasília afin de mener des entre­tiens avec les hommes incar­cé­rés pour des crimes sexuels.

« Nous avons bénéficié des meilleures condi­tions de travail possibles. Nous pouvions rester aussi longtemps que nous le sou­hai­tions et créer un espace d’intimité absolue avec les pri­son­niers », raconte Rita Laura Segato en décembre 2023. Elle répond à mes questions par visio­con­fé­rence depuis Tilcara, un village du nord de l’Argentine, aux confins de la Bolivie et du Chili. Derrière elle, la fenêtre offre une pers­pec­tive lointaine sur les pics ocre de la Quebrada de Humahuaca, un canyon classé au patri­moine mondial de l’Unesco.

Rita Laura Segato n’est pas ori­gi­naire de Tilcara. Elle est née en 1951 à Buenos Aires dans une famille d’ascendance italienne, dont une partie de juifs et juives qui avaient fui la montée des fascismes. « Toute mon éducation était tournée vers l’Europe », se souvient la sep­tua­gé­naire, qui a fait sa scolarité au Collège national de Buenos Aires, un éta­blis­se­ment d’élite qui peut se targuer d’avoir comme anciens élèves deux Prix Nobel et plusieurs chefs d’État. À l’adolescence, ses camarades l’entraînent dans un voyage pour explorer le nord de l’Argentine, une zone où les traces de la civi­li­sa­tion pré­co­lom­bienne sont encore nom­breuses. C’est « le cordon ombilical de l’Amérique latine », dit Rita Laura Segato, qui, après en avoir fait l’un de ses lieux de vacances les plus réguliers, y a pris sa retraite.

Mais c’est au Brésil qu’elle a résidé la majeure partie de sa vie. Elle a contribué à la création, au sein de l’université de Brasília, du Centre d’études et de recherches sur la femme, à la fin des années 1980. À l’époque, ces recherches n’étaient pas encore baptisées « études de genre » : « Le mot “genre” était inconnu », précise la cher­cheuse, qui, dès ses premiers travaux, s’intéresse à la dynamique des rapports femmes-hommes. La thèse qu’elle soutient en 1984, en ethno­musicologie et anthro­po­lo­gie, a pour objet l’étude des cultes du candomblé (1) à Recife (côte ouest du Brésil), « des sociétés reli­gieuses dans les­quelles les femmes avaient et ont encore un grand pouvoir ». Elle interroge le manque de voca­bu­laire pour décrire le « sexe » d’une personne « quand cela n’a rien à voir avec sa sexualité, et quand la position féminine et masculine n’est pas définie par le corps et la biologie », c’est-à-dire son « genre ».

Dans un monde où Internet n’existe pas encore, les concepts ne circulent pas à la même vitesse qu’aujourd’hui, mais Rita Laura Segato relève les simul­ta­néi­tés : « Les travaux de Judith Butler et de Joan Scott (2) ont commencé à sortir à cette époque [aux États-Unis]. » Selon l’historienne du genre Christelle Taraud, l’apport de Rita Laura Segato dans le champ aca­dé­mique mérite d’être tout aussi visible que celui de ses consœurs états-uniennes : « C’est l’une des plus grandes intel­lec­tuelles du monde contem­po­rain. C’est même une star en Amérique latine. » L’initiative du collectif Las Tesis illustre ce rayon­ne­ment : en 2019, les textes de l’anthropologue sur le viol inspirent à ces fémi­nistes chi­liennes la per­for­mance Un violeur sur ton chemin. Devenue virale, leur cho­ré­gra­phie est reprise à travers le monde entier (3).

Des hommes soumis à la « pédagogie de la cruauté »

La réception des travaux de Rita Laura Segato est pourtant au cœur d’un étrange paradoxe. Publié en 2003 en Argentine, Las Estructuras ele­men­tales de la violencia (« Les struc­tures élé­men­taires de la violence ») a beau être son ouvrage le plus cité dans le monde de la recherche (4) – son « héritage intel­lec­tuel premier », selon Christelle Taraud –, il n’a pas encore été traduit en anglais, la langue aca­dé­mique inter­na­tio­nale. Rita Laura Segato y pose les jalons d’une réflexion sur la violence masculine, nourrie d’abord par les échanges qu’elle a réalisés avec les détenus du centre péni­ten­tiaire de Brasília. Elle s’est retrouvée face à des hommes inca­pables d’expliciter ce qui avait pu les conduire à commettre des sévices et des crimes sexuels. Dans le viol, m’explique-t-elle, « le mobile n’est pas trans­pa­rent comme dans un vol ou un meurtre par vengeance ». Il ne s’agit pas non plus d’assouvir un désir sexuel. Le sexe est un ins­tru­ment de torture pour prendre le pouvoir. À l’expression « crime sexuel », l’anthropologue préfère donc celle de « crime exécuté par des moyens sexuels », lequel obéit à deux objectifs : sur un axe vertical, assigner les femmes à une position de subal­ternes ; sur un axe hori­zon­tal, prouver à soi-même autant qu’à ses pairs qu’on a, en tant qu’homme, la capacité de dominer.

Les hommes des prisons de Brasília sont soumis à ce que Rita Laura Segato nomme une « pédagogie de la cruauté » : ce processus d’acculturation des hommes à la violence, qui s’opère notamment par le biais des médias quand ils bana­lisent ces crimes et réduisent la vie à une valeur marchande, « n’est pas lié à un gang ou à un groupe d’hommes spé­ci­fiques » : « l’acte de viol est un problème struc­tu­rel de la mas­cu­li­ni­té », souligne l’anthropologue, et c’est ce qui complique d’autant plus la lutte contre ces violences.

Publié en Espagne en 2016, La Guerre aux femmes (5), qui se compose de plusieurs essais-­chapitres, explore quant à lui les nouvelles formes de guerre qui se jouent à travers le corps des femmes. L’ouvrage – l’un des rares de Rita Laura Segato traduits en français – s’est écoulé, depuis sa discrète parution en 2022, à mille exem­plaires à peine. Un chiffre d’autant plus sur­pre­nant que ce livre constitue une lecture incon­tour­nable dans la com­pré­hen­sion des méca­nismes féminicidaires. 

 

Rita Laura Segato en 5 dates

1951

Naissance à Buenos Aires, en Argentine.

1984

Obtention d’une thèse de doctorat au dépar­te­ment d’anthropologie sociale de l’université Queen’s de Belfast, en Irlande.

1993–1995

Travail de terrain auprès de criminels sexuels bré­si­liens incar­cé­rés au centre péni­ten­cier de Brasília.

2004

Séjour à Ciudad Juárez, au Mexique, qui marque le début de sa réflexion sur les féminicides.

2018

Nomination à la chaire Aníbal-Quijano du musée d’art contem­po­rain Reina-Sofia, à Madrid.

 

Décrypter le langage de la violence

Dans le premier essai-chapitre, intitulé « L’écriture sur le corps des femmes assas­si­nées de Ciudad Juárez », l’anthropologue s’emploie à décoder la violence comme un système com­mu­ni­ca­tion­nel qui implique tout le corps social. À partir du début des années 1990, Ciudad Juárez, ville frontière du nord du Mexique, est le théâtre d’un fémi­ni­cide de masse. Dans des terrains vagues ou dans le désert avoi­si­nant, on retrouve les corps mutilés de femmes, souvent pauvres et racisées. Les jour­na­listes Diana Washington Valdez et Sergio González Rodríguez (6) ont révélé les liens entre ces meurtres, les grands pro­prié­taires terriens de la région et les réseaux mafieux. Mais « ce qui manque, c’est le pourquoi » de ces crimes, avance Rita Laura Segato dans son essai : pourquoi mar­ty­ri­ser mas­si­ve­ment des femmes, toutes plus ou moins du même profil et avec des modes opé­ra­toires simi­laires, alors qu’aucun mobile n’est identifiable ?

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Pour apporter des réponses, le mouvement Nuestras hijas de regreso a casa (Ramenez nos filles à la maison), qui documente ces dis­pa­ri­tions depuis 1993, avait convié Rita Laura Segato, à l’été 2004, à par­ti­ci­per à un forum sur les fémi­ni­cides. Son inter­ven­tion devait être retrans­mise à la télé­vi­sion locale, mais le signal s’est arrêté d’émettre au moment où elle s’emparait du micro. Pour l’anthropologue, c’était à inter­pré­ter comme une menace de mort. À Ciudad Juárez, « les coïn­ci­dences n’existent pas », écrit-elle encore.

Le séjour est écourté, mais Rita Laura Segato en profite pour se mettre à l’écriture. Elle développe alors la notion de « crime expressif », par oppo­si­tion à l’idée de « violence ins­tru­men­tale ». Car la violence n’a pas d’autre fin que l’expression d’un message qu’il faut inter­pré­ter. « La torture des femmes jusqu’à leur mise à mort est un acte de guerre d’un autre type », affirme-t-elle. Le corps des femmes devient le champ de bataille : « Les crimes sem­ble­raient, ainsi, signifier un véritable et bestial “droit de cuissage”, celui d’un baron féodal et post­mo­derne avec son groupe d’acolytes, comme expres­sion par excel­lence de sa domi­na­tion tyran­nique sur un ter­ri­toire… »

Rita Laura Segato fait la dis­tinc­tion entre les fémi­ni­cides conjugaux, qui sévissent à Ciudad Juárez comme partout dans le monde, et ces crimes imper­son­nels qu’elle qualifie de « fémi­gé­no­cide » : « Dans le premier cas, écrit-elle, il s’agit du constat d’une domi­na­tion déjà existante ; dans le second d’une exhi­bi­tion de la capacité à dominer qui doit se rééditer avec une certaine régu­la­ri­té. » Cette dis­tinc­tion importe, souligne-t-elle, pour créer une nouvelle catégorie juridique per­met­tant de traduire les femi­gé­no­ci­daires de Ciudad Juárez et d’ailleurs devant la Cour pénale internationale.

 


« Parfois il y a des idées qu’on invente dans les pays du Sud, mais qui ne sont reconnues qu’une fois formulées dans ceux du Nord . »

Rita Laura Segato


Un « mandat de la masculinité »

Lorsque j’évoque « la guerre aux femmes », titre de l’ouvrage dans lequel prend place son essai sur Ciudad Juárez, Rita Laura Segato coupe, d’un ton agacé. Elle n’est pas satis­faite de cette tra­duc­tion de La Guerra contra las mujeres, car « il n’y a plus cette idée de guerre qui se joue “contre”, “dans” le corps des femmes. » « Elle a un caractère bien trempé », dit en souriant Irma Velez, maîtresse de confé­rence en études his­pa­niques qui a contribué à faire découvrir Rita Laura Segato au public fran­co­phone. Elle a traduit et préfacé L’Écriture sur le corps des femmes assas­si­nées de Ciudad Juárez, publié, sous forme d’essai autonome, par les éditions Payot en 2021. L’année suivante, la même maison a édité La Guerre aux femmes dans son inté­gra­li­té. La pensée de Rita Laura Segato s’y révèle dans toute sa sin­gu­la­ri­té. « Elle a une écriture d’anthropologue, qui est rela­ti­ve­ment baroque dans l’expression, avec des phrases très longues, beaucoup de péri­phrases, relève Irma Velez. Elle a aussi une forme d’oralité, ce qui est propre au travail de terrain de l’anthropologie, où l’on travaille à partir d’enregistrements. »

La tra­duc­tion d’un des concepts phare de Rita Laura Segato, le « mandato de la mas­cu­li­ni­dad », est symp­to­ma­tique de la com­plexi­té de ce passage dans une autre langue. Irma Velez envi­sa­geait d’abord de l’adapter par « injonc­tion à la mas­cu­li­ni­té », qui lui semblait « plus audible pour le lectorat français ». Mais Rita Laura Segato, qui comprend le français, s’y oppose avec fermeté : elle veut pri­vi­lé­gier une tra­duc­tion littérale et opte pour « mandat de la mas­cu­li­ni­té ». Car « exprimer une injonc­tion, explique-t-elle, c’est inter­pel­ler quelqu’un pour qu’il fasse quelque chose. “Mandater”, ce n’est pas juste émettre un ordre oral. Ça nous place dans un espace social et ins­ti­tu­tion­nel lié à la sphère juridique. Il y a des struc­tures ins­ti­tu­tion­nelles qui dictent leur conduite aux hommes, avec toute l’idéologie patriar­cale et coloniale que cela sous-tend. »

 

Manifestation contre les violences de genre à Buenos Aires, en juin 2017, sous le hashtag #NiUnaMenos (pas une de moins). Le mot d’ordre s’inspire d’un poème de Susana Chávez, qui y dénonce les féminicides commis à Ciudad Juárez.AP Photo / Natacha Pisarenko

Manifestation contre les violences de genre à Buenos Aires, en juin 2017, sous le hashtag #NiUnaMenos (pas une de moins). Le mot d’ordre s’inspire d’un poème de Susana Chávez, qui y dénonce les fémi­ni­cides commis à Ciudad Juárez.
AP Photo / Natacha Pisarenko

Pas une de moins

L’idée de « mandat » sur laquelle insiste Rita Laura Segato fait le lien avec une autre dimension fon­da­men­tale de sa pensée : la réflexion qu’elle mène autour de la colo­nia­li­té du pouvoir. Le concept a été formulé par le socio­logue péruvien Aníbal Quijano, mort en 2018, qui a donné son nom à une chaire du musée d’art contem­po­rain Reina-Sofia à Madrid, dont Rita Laura Segato est titulaire depuis 2018. « Quijano a montré que le concept de race n’est pas le produit de la xéno­pho­bie ou de l’ethnocentrisme, mais […] le résultat de la bio­lo­gi­sa­tion de l’inégalité dans le contexte de la modernité coloniale », écrit Rita Laura Segato dans The Critique of Coloniality . Eight essays (Routledge, 2022 – par­tiel­le­ment traduit). « En pro­lon­geant l’idée de Quijano, je soutiens que le genre […] résulte également de la bio­lo­gi­sa­tion d’une hié­rar­chie. Le genre et la race dans la modernité coloniale et la science car­té­sienne se combinent pour produire une méta­phy­sique des positions qui est en accord avec la “biologie” du genre et de la race. »

L’Œdipe noir (7) est le seul essai-chapitre de cet opus en huit parties sur la critique de la colo­nia­li­té à avoir été traduit en français. Rita Laura Segato y explore le rôle des nourrices, souvent des femmes noires, dans l’éducation des jeunes enfants des milieux pri­vi­lé­giés blancs du Brésil. Les enfants qui sont élevés par des « nounous » ont deux mères : une « de lait » et une autre « de sang ». Selon l’anthropologue, la déchéance pré­mé­di­tée au bout de quelques années de la première mère préfigure les rapports racistes à l’œuvre dans la société. « Le fait de materner est politique. Il constitue la sen­si­bi­li­té éthique d’une société », reprend celle qui a dédié L’Œdipe noir à Marcosidé Valvidia, la nourrice noire qui allaita autrefois sa mère.

Si le livre parle du Brésil, il entre en résonance avec des dyna­miques globales : dans quantité de pays occi­den­taux, le système de garde repose pour beaucoup sur le travail de femmes racisées et exilées. De fait, la grille de lecture déco­lo­niale déve­lop­pée entre autres par Aníbal Quijano et Rita Laura Segato est désormais reprise dans les mondes aca­dé­mique et militant de tous les continents.
« Parfois il y a des idées qu’on invente dans les pays du Sud, mais qui ne sont reconnues qu’une fois formulées dans ceux du Nord », insiste Rita Laura Segato. Le rayon­ne­ment pla­né­taire de #MeToo en est un exemple criant. Dans les médias latino-américains, l’anthropologue a rappelé à maintes reprises que le mot d’ordre « Ni Una Menos » (Pas une de moins), qui consti­tuait déjà une dénon­cia­tion massive des violences de genre, avait déferlé dès 2015 en Argentine. Il s’inspire d’un poème de la poétesse mexicaine Susana Chávez : « Ni una mujer menos, ni una muerta más » (Pas une femme de moins, pas une morte de plus). Cette écrivaine cherchait à dénoncer les fémi­ni­cides de Ciudad Juárez, sa ville natale ; son corps mutilé a été retrouvé le 6 janvier 2011. Elle avait 36 ans, et avait croisé la route d’un groupe de jeunes hommes qu’elle ne connais­sait pas.

 

L’élection de Javier Milei, un « vote suicide »

Aujourd’hui, Rita Laura Segato rêve d’écrire un livre sur sa vie, mais il faudrait qu’elle lève le pied sur les nom­breuses sol­li­ci­ta­tions, admet-elle. En ce moment, elle est souvent invitée à réagir à l’élection, le 10 décembre 2023, du président d’extrême droite Javier Milei à la tête de l’État argentin. « C’est un vote suicide, lâche-t-elle. Les gens se sont détournés de la politique, car les promesses de la démo­cra­tie n’ont pas été res­pec­tées. La chose politique a été captée par des pro­fes­sion­nels de la vie publique. » Rita Laura Segato en appelle à une « politique des femmes », dans laquelle la sol­li­ci­tude et le soin ne seraient plus confinés à la sphère intime et pour­raient prendre toute la place dans l’espace public. Elle invite les hommes à se déso­li­da­ri­ser de ce mandat de la mas­cu­li­ni­té et imagine la pos­si­bi­li­té de sociétés patriar­cales de « basse intensité », sur le modèle des sociétés pré­co­lom­biennes qu’elle a pu étudier il y a longtemps, lors de ses études. Quand elle repense à ses premières années de cher­cheuse, l’anthropologue s’en rend compte : « Je n’ai jamais choisi de tra­vailler sur la violence, ce sujet s’est imposé à moi. » •

 


(1) Pratiqué dans divers pays d’Amérique du Sud, le candomblé est une religion afro-brésilienne syn­cré­tique, qui mêle croyances catho­liques, indigènes et africaines.

(2) L’historienne Joan Scott (née en 1941) contribue à légitimer l’usage du genre comme outil d’analyse en histoire et la phi­lo­sophe Judith Butler (née en 1956) à le théoriser en faisant du masculin et du féminin non une essence des personnes, mais une per­for­mance qu’elles réitèrent sans cesse.

(3) Lire La Déferlante n°1, mars 2021.

(4) Selon la base de données Google Scholar, qui, parmi plusieurs millions de publi­ca­tions aca­dé­miques du monde entier, repère les citations d’un texte.

(5) La Guerre aux femmes, Payot, 2022.

(6) L’une et l’autre en ont tiré un livre : Diana Washington Valdez, Cosechas de mujeres. Safari en el desierto mexicano Oceano, 2005 (« Moisson de femmes. Safari dans le désert mexicain », non traduit) et Sergio González Rodríguez, Des os dans le désert, trad. Guillaume Contré, les éditions de l’Ogre, 2023 (paru en 2004 en espagnol).

(7) L’Œdipe noir, traduit par Léa Gauthier, Payot, 2014.

DESSINER : ESQUISSES D’UNE ÉMANCIPATION

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°14 Dessiner, paru en mai 2024. Consultez le sommaire.

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