Ruralités queers

De plus en plus de personnes LGBT+ choi­sissent de rester ou de s’installer en milieu rural pour cultiver la terre, pratiquer l’élevage, déve­lop­per des projets artis­tiques. Un portfolio du pho­to­graphe Vincent Gouriou. 
Publié le 27 janvier 2025
Infirmier à domicile, Anthony s’est lancé dans le polyélevage traditionnel à Charbonnières les- Varennes (Puy-de-Dôme). Il élève notamment des poules, des canards et des moutons dans le cadre d’une transition professionnelle pour créer sa ferme en permaculture. « Je trouve qu’on a plus conscience à la campagne qu’à la ville de l’interdépendance entre les humains et la nature. Ça a une dimension presque spirituelle pour moi. »
Infirmier à domicile, Anthony s’est lancé dans le poly­éle­vage tra­di­tion­nel à Charbonnières les- Varennes (Puy-de-Dôme). Il élève notamment des poules, des canards et des moutons dans le cadre d’une tran­si­tion pro­fes­sion­nelle pour créer sa ferme en per­ma­cul­ture. « Je trouve qu’on a plus conscience à la campagne qu’à la ville de l’interdépendance entre les humains et la nature. Ça a une dimension presque spi­ri­tuelle pour moi. »

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°17 Travailler, parue en février 2025. Consultez le sommaire.

Le pho­to­graphe Vincent Gouriou a choisi de mettre en lumière plusieurs de ces expé­riences menées en solo, en couple ou en com­mu­nau­té dans le Massif central. Son travail montre la manière dont ces agriculteur·ices explorent de nouvelles relations au vivant.


C’est autour de Boubou (à gauche), ici avec sa compagne, Popi, que s’est créée la ferme de la Petite Mouliche, à Cunlhat (Puy-de-Dôme), en 2023. Le collectif de huit personnes souhaitait « produire une alimentation saine et durable ». Boubou, fille d’agriculteur·ices, qui avait éprouvé le besoin de partir jusqu’en Californie pour « s’épanouir en tant que lesbienne », entend aujourd’hui démontrer qu’il est possible de « vivre là où sont ses racines, en étant qui on est ».
C’est autour de Boubou (à gauche), ici avec sa compagne, Popi, que s’est créée la ferme de la Petite Mouliche, à Cunlhat (Puy-de-Dôme), en 2023. Le collectif de huit personnes sou­hai­tait « produire une ali­men­ta­tion saine et durable ». Boubou, fille d’agriculteur·ices, qui avait éprouvé le besoin de partir jusqu’en Californie pour « s’épanouir en tant que lesbienne », entend aujourd’hui démontrer qu’il est possible de « vivre là où sont ses racines, en étant qui on est ».

Le collectif de la Petite Moulich rejette en bloc « la société patriarcale, qui asservit et objectifie les gens, et l’agriculture intensive, qui nie les symbioses entre les êtres vivants ». Leur modèle s’appuie sur la mise en place d’activités multiples : « La diversité, c’est un gage d’équilibre, chez les humains comme dans le vivant en général. »
Le collectif de la Petite Moulich rejette en bloc « la société patriar­cale, qui asservit et objec­ti­fie les gens, et l’agriculture intensive, qui nie les symbioses entre les êtres vivants ». Leur modèle s’appuie sur la mise en place d’activités multiples : « La diversité, c’est un gage d’équilibre, chez les humains comme dans le vivant en général. »

Les « contraintes topographiques » du territoire aveyronnais où Adrian et Sébastien, en couple, élèvent des brebis pour leur viande, guident leur manière de travailler hors d’une logique productiviste. « Pour l’avenir de la ferme, il faut plutôt se concentrer sur la vente directe et la diversification », estime Adrian, ici au volant de son tracteur.
Les « contraintes topo­gra­phiques » du ter­ri­toire avey­ron­nais où Adrian et Sébastien, en couple, élèvent des brebis pour leur viande, guident leur manière de tra­vailler hors d’une logique pro­duc­ti­viste. « Pour l’avenir de la ferme, il faut plutôt se concen­trer sur la vente directe et la diver­si­fi­ca­tion », estime Adrian, ici au volant de son tracteur.

Patrice (à gauche), et François, en couple depuis dix-sept ans et mariés depuis trois ans, sont à la tête d’une exploitation bio de 60 vaches laitières à Auzelles (Puy-de-Dôme). Le premier est fils d’agriculteur·ices et s’est installé à proximité de la ferme parentale. Le second, ingénieur de formation, a grandi en ville. C’est leur amour pour les bovins et la nature qui les a réunis et leur a permis de surmonter de multiples obstacles. D’abord la dureté du métier, « un mode de vie qui te coupe de ton réseau social », où « tu côtoies la vie, la mort, tous les jours », mais aussi le regard porté sur eux : « Quand tu es gay et que, en plus, l’un des deux n’est pas du milieu, tu n’as jamais fini de faire tes preuves », relève François. Leur différence, c’est leur « sensibilité » : « On travaille avec les animaux, pas contre. »
Patrice (à gauche), et François, en couple depuis dix-sept ans et mariés depuis trois ans, sont à la tête d’une exploi­ta­tion bio de 60 vaches laitières à Auzelles (Puy-de-Dôme). Le premier est fils d’agriculteur·ices et s’est installé à proximité de la ferme parentale. Le second, ingénieur de formation, a grandi en ville. C’est leur amour pour les bovins et la nature qui les a réunis et leur a permis de surmonter de multiples obstacles. D’abord la dureté du métier, « un mode de vie qui te coupe de ton réseau social », où « tu côtoies la vie, la mort, tous les jours », mais aussi le regard porté sur eux : « Quand tu es gay et que, en plus, l’un des deux n’est pas du milieu, tu n’as jamais fini de faire tes preuves », relève François. Leur dif­fé­rence, c’est leur « sen­si­bi­li­té » : « On travaille avec les animaux, pas contre. »

De gauche à droite, Célien, meunierxboulangerx* ; Boubou, maraîchère et éleveuse de poules ; Amande, éleveurx et fromagerx, et Popi, danseuse. Célien, Boubou et Amande sont trois des huit associéx de la Petite Mouliche. Iels ont mûri leur projet pendant trois ans avant de reprendre une exploitation. Répartix entre les différents métiers de la ferme, les membres du collectif fonctionnent aujourd’hui en « gouvernance partagée ».
De gauche à droite, Célien, meu­nierx­bou­lan­gerx* ; Boubou, maraî­chère et éleveuse de poules ; Amande, éleveurx et fromagerx, et Popi, danseuse. Célien, Boubou et Amande sont trois des huit associéx de la Petite Mouliche. Iels ont mûri leur projet pendant trois ans avant de reprendre une exploi­ta­tion. Répartix entre les dif­fé­rents métiers de la ferme, les membres du collectif fonc­tionnent aujourd’hui en « gou­ver­nance partagée ».

Ce sont plus de trente fromages différents qui sont fabriqués et vendus en circuit court par Sylvain et Raphaël, éleveurs de chèvres à Saint-Georges-sur-Allier, près de Clermont-Ferrand. Mariés depuis 2022, ils ont fêté en septembre 2024 les dix ans de leur entreprise, qui accueille aussi un restaurant, un bar à vins et une épicerie.
Ce sont plus de trente fromages dif­fé­rents qui sont fabriqués et vendus en circuit court par Sylvain et Raphaël, éleveurs de chèvres à Saint-Georges-sur-Allier, près de Clermont-Ferrand. Mariés depuis 2022, ils ont fêté en septembre 2024 les dix ans de leur entre­prise, qui accueille aussi un res­tau­rant, un bar à vins et une épicerie.

Codirectrice de l’association culturelle Polymorphe corp., Bony (à droite) vit à Cérilly, dans l’Allier, avec sa compagne Johanna, une artiste allemande. En 2017, deux éleveuses de brebis, Isabelle et Valérie, ont proposé à Bony d’accueillir sa structure au sein de leur ferme. Elle n’aurait jamais envisagé de s’installer à la campagne sans ce projet fondé avec des amix. Elle voit aujourd’hui son nouvel ancrage comme « un engagement à long terme » pour porter le message que « l’avenir est à la campagne ».
Codirectrice de l’association cultu­relle Polymorphe corp., Bony (à droite) vit à Cérilly, dans l’Allier, avec sa compagne Johanna, une artiste allemande. En 2017, deux éleveuses de brebis, Isabelle et Valérie, ont proposé à Bony d’accueillir sa structure au sein de leur ferme. Elle n’aurait jamais envisagé de s’installer à la campagne sans ce projet fondé avec des amix. Elle voit aujourd’hui son nouvel ancrage comme « un enga­ge­ment à long terme » pour porter le message que « l’avenir est à la campagne ».

Adrian (à droite) est né à Rodez. Dès qu’il a pu, il est parti étudier et travailler ailleurs, poussé par « le besoin de découvrir autre chose » et une « recherche d’identité ». En 2009, il est revenu pour reprendre la ferme de ses grands-parents. Ex-gendarme, d’origine bretonne, Sébastien s’est reconverti après sa rencontre avec Adrian en 2015, « par amour, mais la région [lui] plaît bien aussi ».
Adrian (à droite) est né à Rodez. Dès qu’il a pu, il est parti étudier et tra­vailler ailleurs, poussé par « le besoin de découvrir autre chose » et une « recherche d’identité ». En 2009, il est revenu pour reprendre la ferme de ses grands-parents. Ex-gendarme, d’origine bretonne, Sébastien s’est recon­ver­ti après sa rencontre avec Adrian en 2015, « par amour, mais la région [lui] plaît bien aussi ».

Isabelle (à gauche) et Valérie, ensemble depuis plus de seize ans, élèvent des brebis dans l’exploitation familiale reprise par la première il y a quarante ans. Valérie se sent éloignée de certains « combats militants » : « La campagne évolue doucement, au rythme des saisons : il faut s’adapter, ne pas brusquer les choses… tout en se faisant respecter. »
Isabelle (à gauche) et Valérie, ensemble depuis plus de seize ans, élèvent des brebis dans l’exploitation familiale reprise par la première il y a quarante ans. Valérie se sent éloignée de certains « combats militants » : « La campagne évolue doucement, au rythme des saisons : il faut s’adapter, ne pas brusquer les choses… tout en se faisant respecter. »

Aux alentours de l’exploitation de Valérie et Isabelle. Pour Valérie, « la reprise par les enfants des exploitations familiales n’est plus systématique depuis quinze ans. Ce n’est pas si mal. Beaucoup de femmes s’installent, seules ou en couple, et il y a également plus d’installations collectives ».
Aux alentours de l’exploitation de Valérie et Isabelle. Pour Valérie, « la reprise par les enfants des exploi­ta­tions fami­liales n’est plus sys­té­ma­tique depuis quinze ans. Ce n’est pas si mal. Beaucoup de femmes s’installent, seules ou en couple, et il y a également plus d’installations collectives ».

TEXTES Chloé Devis
Journaliste indé­pen­dante et pho­to­graphe, elle a publié plusieurs livres en lien avec l’image, dont, en 2024, Le Portrait de presse au prisme des domi­na­tions, avec Marie Docher et Ingrid Milhaud (direc­trice photo de La Déferlante). Elle a rédigé les légendes de ce portfolio à partir des témoi­gnages recueillis par Vincent Gouriou.

*À la demande de l’auteur de ce portfolio, nous utilisons ici le suffixe « x » pour nous référer aux personnes non binaires.

Ce travail a été réalisé dans le cadre de « Traversée n° 3 », résidence pho­to­gra­phique à l’invitation de l’association Clermont-Ferrand Massif central 2028.

Vincent Gouriou

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Travailler, à la conquête de l’égalité

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°17 Travailler, parue en février 2025. Consultez le sommaire.