Violences conjugales

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Les violences conjugales tuent. Elles blessent aussi durablement. En France, des centaines de milliers de femmes présentent des troubles ou des maladies provoquées par les insultes, coups ou viols qu’elles ont subis. Sylvie Fagnart, journaliste, elle-même ancienne victime, a enquêté sur le poids sanitaire, et donc économique, des violences. Pour les victimes directes, comme pour l’ensemble de la société.

 

À l’autre bout du fil, les mots de Julie me coupent le souffle : « Mon ex a été condamné à quatorze ans de prison. Moi, j’ai pris perpète. » La jeune femme égrène les maux qui font désormais partie de son quotidien, queue de comète de plus de dix ans d’enfer : migraines inces­santes qui lui vrillent le crâne, pelade, eczéma qui revient à des dates anni­ver­saires – «  une plaque apparaît, à un endroit où j’ai eu très longtemps un bleu qu’il m’avait fait » –, des trem­ble­ments « qui ne dis­pa­raissent pas ». Le procès s’est tenu il y a deux ans, mais l’hypervigilance guide toujours ses gestes. Elle reste à la merci de souvenirs qui sur­gissent : « Quand je passe à certains endroits ou quand j’entends certaines musiques, je sors com­plè­te­ment de la réalité. Je revis les scènes, avec la même peur. »

Julie Laurent ne demande plus rien : son bourreau a été condamné pour viol par une cour d’assises. « Sans Jacqueline Sauvage, sans le décompte des fémi­ni­cides, sans vous les médias – merci, insiste t‑elle –, le procès n’aurait peut-être pas eu lieu. Ou la peine aurait été plus légère. » Mais elle pointe les deux grands sujets oubliés, selon elle, des violences sur conjoint·e : le sort des enfants et « les consé­quences à vie ».

Elle s’inquiète de son état psychique. « J’ai 34 ans mais je me sens comme une gamine. Comme si le temps s’était arrêté à l’âge où je l’ai rencontré. Je ne peux plus regarder de photo de moi à 14 ans. Je m’en veux tellement d’avoir fait vivre cet enfer à la petite fille que j’étais.»

Sa voix s’est nouée, elle pleure main­te­nant. On pleure, toutes les deux, seules, sus­pen­dues à nos télé­phones. Je pense à […]

Retrouvez la suite de cette enquête sur les violences conju­gales dans La Déferlante #8

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Retrouvez cet article dans la revue papier La Déferlante n°8, de novembre 2022. La Déferlante est une revue trimestrielle indépendante consacrée aux féminismes et au genre. Tous les trois mois, en librairie et sur abonnement, elle raconte les luttes et les débats qui secouent notre société.

La Déferlante 7 : Réinventer la famille